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Presse à scandales alimentaires, injonctions au bien-manger à tout va, peopolisation des régimes alimentaires,… de plus en plus culpabilisé, notre mangeur contemporain vit dans l’angoisse de mal se nourrir. Alors, entre la tentation de se faire plaisir, de carrément craquer ou bien se raisonner, voire même se restreindre, nous cheminons péniblement, guidés par notre conscience et un flux d’informations de plus en plus compliqué à décoder.
Ariane Grumbach est une nutritionniste anticonformiste. Ce que j’apprécie chez elle, c’est sa conception globale de l’alimentation mais également sa tempérance et son optimisme contrastant avec l’archétype rigoriste de la nutritionniste rabat joie. Je suis très heureux qu’elle ait accepté de répondre à cette interview pour StripFood. Elle partage ici sa conception de son métier, guidée avant tout par un goût prononcé pour l’humain.
Ariane, mais qui êtes-vous ?
Je suis Ariane Grumbach, diététicienne en libéral à Paris depuis 2008. Diététicienne un peu atypique car anti-régime, anti-privation. Diététicienne passionnée par mon métier car l’alimentation est au cœur de thématiques multiples : la santé, la psychologie, l’environnement, l’économie, la culture, l’éducation… Et parce que le rapport de chaque personne à la nourriture est intime et singulier, ce qui rend cet accompagnement toujours différent. Je suis devenue diététicienne il y a une dizaine d’années après avoir eu une vie professionnelle totalement différente : j’ai fait HEC et j’ai travaillé 20 ans en entreprise (11 ans chez Air France et 10 ans dans un cabinet de conseil).
Vous vous présentez comme diététicienne gourmande, ne serait-ce pas un tantinet contradictoire ?
Certes, c’est un oxymore, et c’est fait exprès ! Car je veux susciter un certain étonnement et aller à l’encontre de l’idée que la diététique égale une triste privation. Par ailleurs, je suis en effet très gourmande, j’adore manger, c’est une des raisons, avec l’intérêt pour l’humain, qui m’ont conduite vers ce métier. Et j’aide les personnes qui viennent me voir à retrouver ce plaisir de manger, sans culpabilité, sans frustration.
Vous défendez une posture détonante en ce qui concerne l’alimentation. En effet, vous partez en croisade contre les régimes. Mais comment est-ce possible ?
En effet, je lutte sans relâche contre les régimes et je n’en donne jamais, car les régimes sont un désastre physiologique et psychologique. Et ils ne marchent pas ! Les régimes font grossir, c’est maintenant clairement démontré. 95 % des personnes reprennent le poids perdu, voire davantage. Et, au fil de régimes successifs, grossissent, avec ce qu’on appelle l’effet yoyo, et le métabolisme qui se dérègle, freinant la perte de poids. Et, psychologiquement, ils entraînent frustration, craquage, culpabilité, un grand mal-être, un sentiment d’échec et de manquer de volonté. Alors que la question n’est pas la volonté mais le fait que le principe même du régime est inefficace. Certes, il peut marcher à court terme (on perd du poids), mais il signifie une restriction qui ne fonctionne pas durablement. Pour ma part, je prends le temps de comprendre l’histoire alimentaire de la personne, de comprendre sa prise de poids, pour l’aider à changer son comportement alimentaire durablement, perdre du poids et ne pas le reprendre.
Bio, végétal, sans gluten, super aliments, raw food… en matière d’alimentation, on assiste à une déferlante de tendances, voire plutôt parfois d’effets de mode. Qu’en pensez-vous ?
En effet, il y a des tendances alimentaires dans tous les sens, certaines intéressantes et d’autres ridicules ou excessives. Cela crée une cacophonie et beaucoup de perturbations chez les consommateurs, qui ne savent qui croire, qui ne savent plus quoi manger. Il y a par exemple du positif dans le fait que de plus en plus de personnes se soucient de mieux manger, qu’il s’agisse de cuisiner davantage, d’acheter plus local ou de saison, de manger bio ou moins de viande, de s’intéresser à l’origine des aliments. À condition de ne pas tomber dans l’orthorexie, une obsession de manger sain qui stresse et désocialise. Mais tout ce qui consiste à diaboliser des aliments ou à promouvoir le « sans » (sans gras, sans gluten, sans sucre…) en voulant faire passer l’idée que c’est la bonne façon de manger me parait excessif, inapproprié, et sans justification scientifique : il ne faut pas confondre l’aliment et son excès, s’agissant du sucre par exemple. En revanche, on peut bien sûr choisir par goût, conviction, contrainte de santé de ne pas manger certains aliments. Chaque personne est différente, donc je lutte contre les messages généralistes et dogmatiques qui ne peuvent être adaptés à tous. Mangeons de tout avec plaisir, en prenant le temps de savourer les mets !
Pour en savoir plus :
www.arianegrumbach.com
Twitter & Instagram/ArianeGrumbach
Le podcast : BCBT le Podcast (le podcast pour être Bien dans son Corps Bien dans sa Tête)
Le livre : La gourmandise ne fait pas grossir !
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