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Après avoir relancé avec succès la marque de bière Gallia, le duo Guillaume Roy et Jacques Ferté s’attaque aujourd’hui à la chicorée avec Cherico. Cette boisson issue d’une racine cultivée dans le nord de la France a longtemps été considérée comme un succédané du café. Pourtant, derrière cette boisson à l’image vieillotte, de nombreux atouts pourraient aujourd’hui lui permettre de faire la différence. Le duo mise aussi sur une commercialisation originale en s’appuyant sur le rôle de prescripteurs des coffee shops en espérant réveiller cette belle endormie. Au cœur de cette stratégie : de nouveaux usages, des recettes gourmandes et un storytelling renouvelé pour séduire de nouveaux consommateurs. Et si l’heure de gloire de la chicorée était arrivée ?
Qui êtes-vous ?
Je suis Guillaume Roy. En 2010, j’ai cofondé avec mon associé Jacques Ferté la Brasserie Gallia, un projet de renaissance d’une marque parisienne historique de bière en surfant sur la vague des micro-brasseries, un mouvement à l’époque très populaire aux États-Unis. L’année dernière, nous l’avons revendue au groupe Heineken et, pour notre deuxième vie entrepreneuriale, nous voulions un projet encore plus ambitieux avec, au cœur de notre modèle, l’impact et les changements de modes de consommation. Nous nous sommes intéressés rapidement aux challenges posés par le marché du café.
Guillaume Roy (à gauche) et Jacques Ferté, les cofondateurs de Cherico, avec Doriane Le Leu en charge du marketing.
Quel est le problème avec le café ?
À notre grande surprise, nous avons remarqué que le café (tout comme le chocolat) était un des aliments avec le plus grand impact carbone, après la viande de bœuf. Un impact lié à sa culture, avant même son transport.
Pourtant, la consommation de café continue de progresser au niveau mondial. En Chine, un Starbucks s’ouvre tous les jours et en Inde, on commence à adorer ce produit. Nous étions donc face à un sacré beau challenge.
La chicorée, l’alternative idéale au café ?
Pas du tout. On ne veut surtout pas opposer le café et la chicorée. Face à cet incroyable dilemme posé par cette consommation, nous ne voulons pas dire qu’il faut arrêter le café, mais nous voulons prouver qu’il existe d’autres moyens.
Historiquement, la chicorée s’est développée comme alternative (sic) au café à l’époque napoléonienne, en réponse à un blocus des importations de café. Présenté dans ce contexte comme un ersatz de café, son positionnement n’était donc pas franchement très engageant.
Pour le magazine Society, « l’amie Chicorée » serait en train de se gentrifier.
Quels sont ses atouts ?
La chicorée est un produit traditionnel pour les Français, mais peu de gens – en tout cas de la jeune génération – en ont consommé récemment. Nous nous sommes donc lancés à la redécouverte de ce produit, sa recette, son marché et ses acteurs. Nous avons rapidement identifié de nombreuses opportunités.
Pour nous, elle possède trois atouts majeurs. Le premier, c’est son goût original, doux, toasté et légèrement caramélisé. Le second, ce sont ses atouts santé : il s’agit d’un produit riche en fibres et en minéraux, très digeste et quand, il est consommé nature, sans caféine. Enfin, la chicorée est 5 fois plus écologique que le café (moins de 10 grammes de CO2 par tasse, contre 49 pour le café). Il s’agit d’une racine qui pousse en France (le 1er pays producteur au monde, NDLR) et qui nécessite peu d’irrigation et d’intrants chimiques (Cherico utilise de la chicorée bio, NDLR).
Version nature sans caféine ou version latte végétal au lait d’avoine…
Végétale, durable, locale, mais question goût, cela reste tout de même très polarisant ?
On arrive avec un a priori négatif si on se met dans une posture de comparaison avec le café. En fait, c’est un peu comme dans la bière avec l’IPA, cela implique surtout d’apprendre à cultiver son palais à la chicorée, comme une nouvelle expérience de boisson.
Notre ambition, c’est donc d’aller recruter de nouveaux consommateurs qui pourraient y voir une véritable révélation.
On est loin du produit populaire auquel était plutôt associée la chicorée, c’est un vrai choix d’en faire un produit plutôt hip ?
Le problème de la chicorée, c’est clairement son image de produits du Nord, clairement un peu vieillotte. Nous voulons casser cette image désuète et faire rentrer la chicorée dans la modernité. C’est exactement ce que nous avons fait dans la bière avec une approche kraft qui, à son époque, était très novatrice.
Cherico proposera des conditionnements pour les professionnels et le grand public dont des capsules compostables.
D’où le choix d’un réseau de commercialisation alternatif plutôt que la grande distribution ?
Nous ciblons effectivement le réseau CHR – et en particulier les coffee shops – afin de faire exister la chicorée dans de nouveaux moments de consommation, via une offre de chicorée soluble et moulue pour les professionnels.
Notre priorité c’est de nous positionner sur la demande de décaféiné avec la chicorée nature sans caféine, un produit plus naturel et plus local. Ensuite, nous imaginons développer des expériences gustatives via des recettes avec du café ou d’autres ingrédients pour séduire de nouveaux consommateurs. C’est par exemple la recette de la chicorée latte végétal au lait d’avoine.
Nous avons fait le choix des réseaux spécialisés dans un premier temps, parce que nous estimons que la clientèle sera plus encline à en comprendre les enjeux et car nous souhaitons installer la chicorée à d’autres moments de consommation que le matin, qui était typiquement le territoire préempté par la grande distribution.
En collaboration avec les torréfacteurs, contribuer à faire coexister des « moments chicorée » à côté du café sans les opposer serait pour nous un succès incroyable, que ce soit en France, mais aussi à l’international.
Et l’étape d’après ?
Au delà des coffee shops, en 2024, nous souhaitons nous concentrer sur les réseaux spécialisés, dont la GSS bio, avec une offre en version soluble, en grains, mais aussi des capsules compostables. Par ailleurs, nous allons également faire un test dans plusieurs magasins de l’enseigne Monoprix.
Pour en savoir + : cherico sur Instagram ou par ici.
Photos de l’article ©️Guillaume Belvèze