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Pour répondre aux enjeux de demain, le secteur agroalimentaire a besoin d’attirer de nouveaux salariés toujours plus talentueux et motivés. Une tâche qui s’avère difficile tant cette industrie peine à séduire la nouvelle génération.
A la demande de la Région des Pays de la Loire, le Technocampus Alimentation, le département Analyse et Prospective de Solutions&co, et l’école d’ingénieurs Oniris VetAgroBio ont mené une étude collaborative avec le cabinet 109 Conseils afin d’identifier les freins et les motivations des jeunes à travailler dans le secteur. Il en ressort 6 leviers pour améliorer l’attractivité de ce secteur particulièrement stratégique. Ce qui est certain c’est que la transparence et l’ouverture des entreprises sera un axe essentiel pour changer le regard sur les métiers de l’agroalimentaire.
Pour le Technocampus Alimentation :
Saadia Ait El Cadi, Responsable du Technocampus Alimentation & Véronique Bossière, Chargée de communication et événements du Technocampus Alimentation.
Pour Oniris VetAgroBio :
Matthieu Crapart, Responsable de la communication
Pour 109 Conseils :
Loïc de Béru, Fondateur & Estelle Bureau, Chef de projet
StripFood : Pouvez-vous nous restituer les enjeux de l’étude ?
Technocampus Alimentation : Le marché de l’emploi est très tendu et les difficultés à recruter sont fortes faisant aujourd’hui du recrutement l’une des préoccupations majeures des entreprises que l’on rencontre. Pour illustrer tout ça, on peut citer quelques chiffres clés assez frappants :
Ces deux données illustrent à elles seules les enjeux auxquels doit faire face le secteur en matière d’attractivité. Ces difficultés ne touchent pas seulement les entreprises mais également des établissements d’enseignement supérieur intensifiant par ricochet les difficultés de recrutement de futurs cadres dans ce secteur clé de notre économie régionale. D’où cette collaboration originale avec Oniris VetAgroBio pour tenter ensemble d’apporter des solutions à la filière agroalimentaire.
Oniris VetAgroBio : D’autres chiffres sont assez évocateurs comme ces 20 000 postes non pourvus dans le secteur agroalimentaire, un secteur qui est à la fois assez méconnu et malheureusement pas très valorisé par les jeunes générations.
A Oniris VetAgroBio, nous avons fait de ce manque d’attractivité une priorité en particulier parce que les opportunités de carrière y ont passionnantes ! Être ingénieur ou technicien dans ce secteur d’activité, ce n’est pas un métier, mais des métiers ! Autrement dit, être formé pour évoluer demain dans l’agroalimentaire, c’est envisager des possibilités immenses dans les procédés, la formulation, le marketing, l’analyse sensorielle…
StripFood : Pouvez-vous nous préciser les objectifs de cette étude ?
Technocampus Alimentation : L’objectif de l’étude était double : d’un côté, mettre en évidence les leviers d’attractivité correspondant aux attentes des jeunes, et de l’autre proposer aux entreprises ligériennes et aux acteurs de la formation des outils opérationnelspour présenter les métiers de l’agroalimentaire aux actifs de demain.
StripFood : Quel processus d’étude a été mis en place par 109 conseils ?
109 Conseils : On a mené une approche collaborative en interviewant 50 collégiens et lycéens entre Nantes, Angers et la Roche-sur-Yon, puis en animant des focus groupes d’étudiants entre Nantes et Angers. Enfin, nous avons réalisé 15 entretiens de professionnels impliqués dans le recrutement et la formation, et animé 1 journée de workshop avec des experts RH dans l’agroalimentaire.
StripFood : Quelle perception a la jeune génération des métiers de l’agroalimentaire ?
109 Conseils : Le lien entre l’agriculture et l’industrie agroalimentaire n’est pas été clairement identifié, particulièrement chez les lycéens. Les métiers de la terre et de l’artisanat ont une image nature et positive, mais la transformation industrielle est perçue comme un univers totalement différent et peu attirant. Des doutes existent sur la composition, l’origine, les ingrédients et les modes de production.
Les jeunes interviewés jugent le niveau de salaire dans l’agroalimentaire plus bas que la moyenne et ils perçoivent un rythme de travail contraignant dans un « environnement pas très glamour » vs des univers plus technos ou davantage digitalisés.
StripFood : Est-ce que les étudiants partagent le même point de vue sur les métiers de l’agroalimentaire ?
109 Conseils : Les étudiants expriment encore une méfiance autour de la transformation, mais ils sont conscients qu’il est nécessaire de produire en quantité pour une population qui augmente. Ils recherchent des réponses et des engagements des marques face à deux préoccupations en particulier :
- L’alimentation durable : produire en respectant l’environnement et consommer responsable (le gaspillage, le local et le bien-être animal étant les trois engagements les plus évoqués).
- L’alimentation santé : prendre soin de soi en mangeant des produits sains et équilibrés.
L’environnement de travail est aussi très important pour ces futurs salariés. Ils sont même très exigeants sur les engagements, les valeurs et la mission de l’entreprise qu’ils rejoindront. Ils sont plus attirés par les entreprises à taille humaine qui font partie du patrimoine local. Ils y voient l’opportunité d’être davantage connectés au terrain et à l’ensemble des métiers qui font le savoir-faire de l’entreprise. L’innovation et la projection vers l’alimentation de demain sont des sujets d’attractivité, particulièrement pour les startups.
Finalement, ils recherchent à « désindustrialiser » leur environnement de travail.
StripFood : Que ressort-il des interviews réalisées avec les professionnels ?
109 Conseils : Face à la pénurie de candidats et à la difficulté pour recruter, les professionnels partagent l’urgence de repenser le contenu, le langage et les outils pour parler de leurs entreprises. La transition alimentaire et les pratiques éthiques et vertueuses sont au cœur du nouveau discours à adopter. Innover et inventer l’alimentation de demain est une thématique attractive pour les futurs salariés. La transparence et l’ouverture des entreprises est un axe essentiel pour changer le regard sur les métiers de l’agroalimentaire. La dimension plaisir de l’alimentation est un facteur clé pour parler des entreprises, tout comme la transformation de l’organisation et du cadre de travail. Les actions de communication doivent commencer tôt, dès la transition collège- lycée et doivent s’adresser aussi bien aux élèves qu’aux enseignants.
StripFood : Comment challenger cette perception des métiers de l’agroalimentaire et quelles idées innovantes peuvent modifier le regard ?
109 Conseils : Une journée de workshop et d’ateliers collaboratifs nous a permis d’identifier 6 leviers, pour améliorer l’image du secteur agroalimentaire et susciter l’intérêt des jeunes talents.
StripFood : Quels sont ces leviers ?
109 Conseils :
1. Valoriser une vision engagée et durable :
La transition alimentaire est au cœur des préoccupations : l’engagement des organisations dans cette transition sera un avantage concurrentiel indéniable pour les entreprises qui souhaitent recruter. Les principaux indicateurs qui intéressent les plus jeunes sont :
- Les émissions de gaz à effet de serre
- La réduction des emballages
- La lutte contre le gaspillage
- Le bien-être animal
- Le respect de la biodiversité
- La gestion de l’eau
Ce que nous voulons leur dire c’est : “ devenez acteur de la transition alimentaire “ !
2. Se (re)connecter aux métiers du vivant :
Il s’agit de mettre en avant les filières et les agriculteurs et promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement.
Il est essentiel de relier l’industrie agroalimentaire aux métiers de la terre.
Travailler dans l’industrie agroalimentaire, c’est valoriser le fruit du travail des agriculteurs, c’est s’impliquer dans une relation agriculteurs-transformateurs.
Les métiers de l’agroalimentaire sont des métiers du vivant :
- 24% des effectifs travaillent dans la filière viande,
- 18% des effectifs travaillent dans la filière des produits laitiers.
L’agroalimentaire, c’est la vie !
3. Célébrer la passion et la générosité qui sont au cœur de l’agroalimentaire :
Travailler dans l’agroalimentaire, c’est rejoindre une communauté de passionnés qui aiment « la bouffe ». Goûter, déguster et tester… cela fait partie du quotidien. En 2010 l’UNESCO décidait de classer le « repas gastronomique des Français » comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. À l’instar d’une bonne tablée, la générosité et la convivialité se ressentent dans les relations professionnelles. On est accueilli dans les entreprises avec une attention singulière. Les entreprises cultivent une relation authentique et rassurante. Cette culture culinaire est un atout majeur pour se projeter dans une expérience professionnelle.
4. Communiquer et cultiver l’ouverture pour mieux se faire connaitre :
La chaine agroalimentaire c’est une multitude de filières et de métiers (industrie laitière, fabrication de boissons…) à faire découvrir aux plus jeunes et à leurs parents.
C’est un secteur rassurant, où l’on recrute plus en CDI (57% de CDI) et dans lequel les entreprises font particulièrement confiance à la jeunesse : 62% des offres sont accessibles avec moins de 3 ans d’expérience. Les opportunités d’évolution sont réelles puisqu’à l’horizon 2030, où 42% des effectifs partiront à la retraite. Le renouvellement des talents est en marche !
5. Se positionner comme les créateur de l’alimentation de demain
En France, nous sommes les champions de monde du temps passé à table (2h00 par jour en moyenne). Qu’en sera-t-il demain ? Comment évoluent les comportements alimentaires face aux défis démographiques et environnementaux ? Dans un contexte changeant, les enjeux sociétaux sont à relever sont énormes.
Les métiers de la R&D inventent aujourd’hui cette alimentation de demain, les nouveaux ingrédients, les nouvelles recettes, les nouveaux emballages. De la terre à la foodtech, ils offrent ainsi un large champ d’action.
L’agroalimentaire, c’est nos assiettes de demain !
6. Valoriser le cadre de travail et le tremplin pour l’avenir :
L’agroalimentaire est un secteur d’activité aux compétences transférables, et qui offre la possibilité de développer des formations qualifiantes. Les projets professionnels sont guidés par une richesse d’échanges et de processus interconnectés grâce aux nombreuses interactions tout au long de la chaîne de production.
La quête d’amélioration continue offre la possibilité de basculer d’un métier à l’autre et de progresser rapidement. Les profils issus de l’agroalimentaire sont particulièrement repérés par d’autres secteurs : luxe, emballage, automobile, pharmacie, cosmétique, tous les secteurs commerciaux, incubateurs, consulting & certification.
StripFood : Pour s’emparer de ces leviers, quels outils avez-vous mis en place ?
Technocampus Alimentation : On voit bien au travers de l’étude réalisée qu’il y a un vraibesoin d’expliquer ce que l’on est, ce que l’on fait en actionnant les différents leviers mis en évidence grâce au travail réalisé. Ce qui nous a donc paru essentiel, c’était de proposer aux entreprises ligériennes et aux acteurs de la formation des outils opérationnels pour présenterles métiers de l’agroalimentaire aux actifs de demain. Ils sont disponibles sur le site du Technocampus Alimentation et se présentent sous différentes formes : La boîte à outils attractivité – Techocampus Alimentation (technocampus-alimentation.fr)
On vous invite par exemple à découvrir l’outil « Combattre les idées reçues ». Il s’agit d’une vidéo réalisée avec deux jeunes actifs parce qu’un jeune qui parle à un jeune, cela a toujours plus d’impact ! Cet outil a pour objectif de déconstruire certaines idées reçues liées à notre secteur. Car malheureusement, les stéréotypes vis-à-vis des entreprises alimentaires sont nombreux : une industrie peu utile, une filière qui n’innove pas, un secteur qui ne pense pas aux conséquences de ses activités sur l’environnement pour ne citer qu’eux ! Au travers duregard et de l’expérience de ces deux jeunes, nous espérons apporter des clés de compréhension pour contrecarrer tous ces points !
En complément de la réalisation de cet outil, nous avons souhaité aller plus loin sur les idées reçues liées au caractère non innovant du secteur en proposant une autre vidéo dédiée cette fois à la découverte des métiers innovants. Il existe en effet une multitude de métiersultramodernes en lien avec l’innovation. Pour mettre en lumière ces professions encore trop tapies dans l’ombre, nous avons rencontré deux experts : ils présentent l’univers innovant des entreprises agroalimentaires et mettent en avant le dynamisme de la filière.
StripFood : Pouvez-vous nous parler d’autres outils ?
Oniris VetAgroBio : Finalement, les meilleurs ambassadeurs pour parler des métiers, ce sont à la fois nos étudiants – qui très tôt, par l’intermédiaire des stages, vont voir de près comment cela se passe sur le terrain -, et les alumni.
C’est pourquoi, nous avons imaginé de faire intervenir les étudiants de l’école à l’occasion de rencontres/débats avec d’autres jeunes. Lors des « Bistrots de l’Agro », nos étudiants ambassadeurs échangeront sur les pratiques, les métiers, leurs expériences des entreprises, les enjeux autour du futur de l’alimentation, de l’énergie, de la préservation des ressources. Des enjeux auxquels ils sont formés pour accompagner les nécessaires transitions.
StripFood : Où peut-on retrouver ces éléments ?
Technocampus Alimentation : nous avons organisé un webinaire à ce sujet qui est disponible sur notre site internet et également ici :
Pour en savoir +
Créé par la région des Pays de la Loire, le Technocampus Alimentation est animé par Solutions&co, l’agence de développement économique des Pays de la Loire. Il a vocation à favoriser, développer et accompagner l’innovation des entreprises du territoire tout en animant une communauté d’acteurs travaillant sur les questions d’alimentation en région et en fédérant l’écosystème FoodTech Pays de la Loire.
Le Technocampus Alimentation met ainsi en place les conditions propices au développement des échanges et des collaborations entre différents univers (recherche, formation, entreprises) pour stimuler le travail collectif et insuffler sur notre territoire une dynamique globale d’innovation de la filière.
Oniris VetAgroBio est un établissement d’enseignement supérieur et de recherche du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Il a pour ambition d’être acteur dans les domaines de l’alimentation et de la santé animale et humaine, en contribuant activement au concept « one health ». Oniris VetAgroBio forme environ 1200 élèves, en proposant notamment les formations correspondant aux métiers de vétérinaire (diplôme de docteur vétérinaire) et aux métiers d’ingénieur (diplôme d’ingénieur) dans les domaines agroalimentaire/alimentation ou des bioprocédés et biotechnologies.
Depuis plus de 10 ans, 109-CONSEILS accompagne les entreprises dans leur démarche d’innovation pour mieux comprendre les motivations et les comportements alimentaires des utilisateurs et/ou des consommateurs, identifier les bons leviers de croissance et générer des réponses adaptées (produits, services, vision, contenus…) pour améliorer et renouveler les expériences alimentaires du quotidien à domicile et hors domicile.