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Il y a quelques années, j’ai eu la chance de connaître à Lourdes une petite Dame toute fluette, qui se prénommait Arlette. Du haut de ses 97 ans, chaque soir avant de s’endormir, elle me demandait : « Caroline, dis-moi s’il te plaît, est-ce qu’il y aura la guerre demain, et est-ce qu’il y aura assez de pain pour tout le monde ? ». La première fois, amusée, je m’étais moquée d’elle. Et puis, en cherchant à comprendre d’où venait cette angoisse existentielle, j’ai pris une grande baffe dans la figure et comme on dit, j’ai remis l’église au centre du village. Car pendant les deux guerres qu’elle avait traversées, la question n’était pas de bien se nourrir, mais de manger.
Un beau sujet de dissertation à la fois pour les consommateurs, les nutritionnistes et les fabricants ! Dans quelle matière s’inscrirait-il ? Sciences éco, littérature, philo, SVT ? Avec tellement de territoires à explorer : santé, environnement, gastronomie, agriculture, mondialisation, démographie, bien-être animal, psychologie… et j’en passe ! Si je devais répondre en une phrase, j’emprunterais le sous-titre « Bien manger, c’est mieux vivre » de la newsletter « MANGER » du Parisien. Par analogie, la vraie question serait alors « Mieux vivre coûte-t-il plus cher ? ».
Dans cette période très particulière de pandémie mondiale, nous cherchons plus que jamais, dans la nourriture, dans nos moments si précieux de commensalité autour des repas, le réconfort, le plaisir, le partage, l’amitié… tout en jonglant avec les nouvelles contraintes imposées par le télétravail, le couvre-feu à 18h, le confinement, parfois l’école à domicile, ou la contrainte d’accueillir nos collègues voire nos clients à la maison.
Quadra de la génération X, je pense que oui, bien manger, c’est mieux vivre. Avec les valeurs qui accompagnent le fait-maison, le développement des producteurs artisanaux, en favorisant l’entrepreneuriat, en m’approvisionnant au bon endroit et au bon moment, acceptons de payer le prix juste ! Donc plus cher quand c’est justifié : « clean label », bio, sans résidus de pesticides, local ou au contraire parce que ça vient de l’autre bout du monde, ou de chez mon ancien collègue reconverti en éleveur de chèvres Mohair à Saint-Didier d’Aussiat…
En guise de thèse, antithèse, synthèse, je dirais qu’aujourd’hui, mieux manger coûte plus cher. Nous arbitrons quotidiennement entre l’accélération et le manque de temps, tout en veillant à équilibrer notre alimentation sur une semaine ou une quinzaine, comme le recommandent les bonnes diététiciennes (métier quasi exclusivement féminin, soulignons-le). Une fois la base de la pyramide de Maslow assurée, les bons produits, qu’ils soient cuisinés à la maison ou industrialisés, coûtent plus cher à approvisionner, à produire, à conserver, à ne pas gaspiller. Et de surcroît, la plupart du temps, ils sont conçus et préparés avec soin et amour.
Je suis fière de faire partie de ceux qui ont cette conviction qu’en tant que maillon de la chaîne alimentaire, et dans les fonctions marketing, R&D et innovation, nous avons notre rôle à jouer pour apporter à nos consommateurs le meilleur, et que le meilleur ne doit plus être un compromis exclusivement lié au prix. En privilégiant la qualité vs la quantité par exemple. Notre mission consiste à promouvoir l’art de cuisiner et de se nourrir à la Française, de mélanger avec subtilité les goûts et les saveurs du monde, avec les ingrédients les plus nobles et naturels, traçables et sécurisés possibles, et avec des procédés de fabrication qui respectent au mieux l’intégrité des produits. Depuis 22 ans, je m’y attèle et m’y engage avec passion, et ça n’est pas près de s’arrêter !