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Le marketing traîne parfois une sale réputation. Symbole de manipulation, il est accusé de nourrir et même d’accélérer la surconsommation en pratiquant le greenwashing. Il ne s’agit pourtant que de techniques pouvant être utilisées comme puissant levier de changement pour faire évoluer les offres, les comportements ou nourrir de nouveaux récits. Pour la rubrique « Esprits libres » du magazine Végétable, la revue professionnelle spécialisée dans les fruits et légumes frais, je vous livre 3 axes de réflexions pour un marketing plus responsable.
Repenser l’innovation
Pendant des années, l’innovation a été le levier principal de la croissance. Exploitant la fragmentation de la société, le marketing a nourri des offres toujours plus segmentées et premiumisées, quitte à parfois se perdre dans des produits beaucoup trop «niches». Désormais, l’innovation se doit plus que jamais de challenger la notion de besoin. Entre essentiel ou superflu, le marketing doit faire des choix pour ne pas céder à la tyrannie de la perfection en s’adressant uniquement aux plus privilégiés.
L’innovation doit désormais aussi systématiquement intégrer l’impact sur les externalités, que ce soit sur notre planète ou les hommes. Répondre à l’attente de toujours plus de praticité des consommateurs peut générer une multiplication d’emballages plastiques et doit nous questionner.
Enfin, le marketing doit également veiller à ne pas générer des effets rebonds ou «fausses bonnes idées». Que penser, par exemple, du choix de proposer des pailles en papier au lieu de simplement les substituer, ou encore d’offres végétales, mais ultratransformées?
Devenir une marque influente
Les marques sont aujourd’hui confrontées à une crise inédite : quelles différences par rapport aux marques de distributeurs et quelle utilité? Elles ont pourtant l’opportunité de prendre part à la transition alimentaire et d’utiliser leur pouvoir d’influence en adressant les nombreux freins au changement. Travailler sur la perception du légume et sa place au cœur de nos assiettes, tout comme s’inspirer des cuisines du monde sont des exemples pertinents pour contribuer à végétaliser davantage notre alimentation.
Cernés par les injonctions contradictoires, les marketeurs ont également une forte responsabilité à travers le choix de l’entreprise, de l’organisation ou du secteur pour lequel ils s’engagent. Pour avoir de l’impact, plusieurs options sont possibles. On peut préférer une organisation pionnière et ultra engagée pour agir en véritable trublion influençant le reste du marché. On peut aussi choisir d’officier au sein d’une organisation plus traditionnelle, comme un grand groupe. Dans un environnement moins vertueux, on trouvera des leviers d’influence de l’intérieur, mais surtout avec des moyens d’impulser le changement en externe d’une façon beaucoup plus massive.
Questionner sa communication RSE
Sous la pression d’enjeux sociétaux majeurs (climat, obésité, précarité alimentaire, érosion de notre souveraineté), les marques s’engagent, par conviction ou sous la contrainte, sur le chemin de la transition alimentaire. Mais alors que les discours s’uniformisent et qu’ils ne sont pas toujours un levier de différenciation, faut-il vraiment dépenser de l’argent pour communiquer de façon massive sur certains de ces sujets ? Par exemple, faire une campagne de communication sur un emballage un peu plus vertueux est-il vraiment judicieux ?
En la matière, gare donc à la tentation du greenwashing et du frenchwashing. Proposer de compenser une externalité négative en plantant des arbres pour se donner bonne conscience a-t-il vraiment un sens ? Choisir d’exhiber le drapeau français alors que la majorité de sa production ou la majorité de ses matières premières ne sont pas françaises est-il vraiment honnête ?
Avoir la responsabilité du marketing au sein d’une entreprise impose également un minimum de cohérence entre la gestion de la marque commerciale et l’identité corporate. Le décalage entre la perception engendrée par de belles histoires en communication versus la réalité vécue en interne doit questionner. Le marketing responsable doit aussi poser la question du ciblage en direct des jeunes enfants, une population particulièrement vulnérable, que ce soit dans les médias ou via un marketing spécifique. Il doit également s’interroger sur les conditions de recours aux influenceurs pour éviter toute dérive sur ce levier devenu ultra puissant. Autant de questions à se poser pour arbitrer et pour contribuer à faire évoluer la discipline et espérer ainsi redorer sa réputation.