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Yuka, Scanup, Siga my Label, ou plus récemment C’est qui le Patron… les applications alimentaires se multiplient et tout le monde en parle.
Véritable réponse technologique à un besoin légitime de transparence du côté des consommateurs, leurs promesses ambitieuses sont de nous aider facilement à faire les meilleurs choix pour mieux manger.
Selon une étude IFOP de 2019, 53 % des Français déclarent connaître une de ces applications et 1/4 des français en utiliseraient une. Cette étude nous enseigne également qu’un tiers de ceux qui ont déjà utilisé une application alimentaire ont arrêté. Concernant la fréquence d’utilisation de ces outils, une étude commanditée par Yuka en avril 2019 nous informe que 65% de leurs usagers l’utilisent 1 fois par semaine.
Finalement, si ces solutions continuent de se développer, leur usage quotidien n’est donc pas aussi systématique que l’on pourrait le penser.
Par ailleurs, toujours selon l’étude IFOP et contrairement aux idées reçues, les utilisateurs majoritaires ne sont pas les plus jeunes, mais les plus de 35 ans (30 % chez les 35-49 ans et 44 % chez les plus de 50 ans) avec une surpondération des femmes, des urbains et des CSP+.
Si Yuka délivre une note identique pour tous fondée sur trois critères (Nutriscore, additifs et certification bio), la nouvelle génération d’applis, comme ScanUp ou C’est qui le Patron, introduit beaucoup plus de critères (origine de production, origine des ingrédients, bien-être animal, nature des ingrédients…) et surtout proposent de les adapter aux attentes de chacun.
J’ai décidé de croiser le regard de dix experts pour répondre en 2 min maximum à la question « Faut-il s’en remettre aux applis pour mieux manger ? » Si pour certains ces outils constituent une réponse pratique au besoin de transparence et contribuent à sensibiliser le consommateur et à encourager les industriels à reformuler les recettes, pour d’autres, certaines applis manqueraient de transparence et donneraient une vision bien trop réduite, voire partisane de la qualité des ingrédients. Maintenant, à chacun de juger !
Aujourd’hui, j’accueille Béatrice de Reynal. Nutritionniste, Béatrice de Reynal dirige l’agence NutriMarketing. Elle est fondatrice et Secrétaire générale du Club PAI People for Food Additives & Ingredients, Administrateur d’AgroparisTech Innovation (association qui gère les contrats de recherche entre les chercheurs et les entreprises ou partenaires), enseignante au Master Santé Publique de l’Université Paris XIII Bobigny (Pr. Serge Hercberg) et en marketing nutritionnel, communication et réglementation à Jussieu Sorbonne Paris VI et membre du Comité scientifique de la revue professionnelle « Nutritions et endocrinologie ».
Béatrice de Reynal est également Rédactrice en chef de Consultation Nutrition https://nutrimarketing.eu/consultation/, bloggeuse (Miammiam : les pieds dans le plat https://nutrimarketing.eu/blog/) et auteur d’ouvrages grand public sur la Nutrition (Robert Laffont – « Ouvrez l’œil avant d’ouvrir la bouche » 2016 ; Vuibert « les Vérités qui dé-mangent» 2008) ainsi que d’ouvrages professionnels (coordinatrice de « ADDITIFS », ouvrage collectif 4e édition, Ed. & Doc Lavoisier,).
S’en remettre aux applis pour mieux manger ? Surtout pas !
A moins que vous ne vous considériez comme un robot ou une machine quelconque.
L’individu, l’être vivant est le fruit s’une sélection complexe et souvent, mystérieuse. Vous êtes pétri d’un patrimoine génétique modifié par vos données personnelles et votre histoire intime, que l’on nomme « épigénétique » et « impact des 1000 premiers jours », additionnés par votre histoire au grand jour, croissance, aléas, aventures physiologiques, médicales, nutritionnelles, toxicologiques, socio-familiales, et j’en passe. Le produit de toute cette cuisine, c’est VOUS. Individu unique dont les besoins nutritionnels ne sont connus que … de vous-même. Si vous apprenez à écouter les bruits de votre corps, vous saurez. Lui s’exprime, vous guide dans les choix qu’il souhaite, avec diverses sensations comme l’envie, l’appétit pour, le goût et dégoût, l’attractivité ou le refus. Alors que vous jetez votre dévolu sur un mets, alors votre corps vous procure du plaisir – immense, modeste ou petit – ou non. Plus le plaisir est intense, plus votre corps avait besoin de ce mets. A mesure que vous consommez ce mets précieux, le plaisir s’émousse, s’amoindri : signal de votre corps pour vous dire « stop ».
Vous connaissez une appli, vous, qui puisse vous dire tout ça ? Non.
En revanche, certaines appli sauront vous servir de guide d’achats. Mais pas toutes, loin s’en faut.
En effet : si elles sont toutes basées sur les données d’OPEN FOOD FACTS (accédez à leur service en ligne, c’et gratuit et fiable), elles ajoutent, chacune à leur manière, leur petit jugement personnel dont les bases scientifiques sont absentes.
D’ailleurs, comparez les appli entre elles : choisissez un ou des aliments et comparez les notes et les jugements. Vous constaterez un grand n’importe quoi. Clairement, la fiabilité est absente.
Je vous recommande, donc, de consulter OpenFood Facts pour savoir le Nutri-Score (critères nutritionnels), la liste des additifs, mais surtout, critère de choix N°1, la liste d’ingrédients, qui indique l’ingrédient le plus pondéreux au moins pondéreux.
Un peu de bon sens vous suffira à comprendre cette liste : une quenelle de poisson qui commence par « eau » et « graisse de palme » ne peut pas être achetée. De même, une pâte à tartiner soit disant aux noisettes « et au bon lait » qui commence par du sucre et de la graisse de palme ne peut pas être recommandable.
Le Nutri-Score, les appli, OpenFoodFacts ont eu la vertu de réveiller les industriels afin qu’ils améliorent leurs recettes : en cela, ils sont été efficaces. Mais vous, pour votre compte personnel, faites l’impasse.