Temps de lecture : 3 min
Les confinements ont suscité un engouement pour la cuisine végétarienne et, par ricochet, développé une approche flexitariste de la nourriture. Soit une façon raisonnée de se nourrir en mangeant de tout et en limitant la viande. Végétalien puis omnivore ou végétarien selon les circonstances, les Français plébiscitent cette alternance, particulièrement les plus jeunes. Cette tendance peut atteindre 10 % de la population d’après Céline Laisney, fondatrice d’AlimAvenir. Pour autant, faut-il renoncer à manger de la viande ? On fait le point.
Bien que le raccourci soit simpliste, « on entend certaines voix revendiquer un lien entre élevage intensif et épidémies », souligne Céline Laisney, fondatrice d’AlimAvenir. Alors pour relever le défi de l’impact économique et sanitaire de la consommation de la viande, des start-up américaines développent des alternatives végétales. Grâce à des partenariats avec de grands groupes, à l’instar de Nestlé ou Unilever, Impossible Food, Beyond Meat, elles ont réussi à impacter le grand public. Toutefois, ces produits ultra-transformés ne sont pas nécessairement la panacée. La recherche se tourne aussi vers les légumineuses et céréales à haut potentiel environnemental ainsi qu’à la culture in vitro de viande, poissons et fruits de mer. Dans cette quête de l’innovation, Singapour se démarque en autorisant déjà la vente de ces produits réservés à certains restaurants haut de gamme.
Demain dans nos assiettes
Pour compléter ce tableau futuriste, la fondatrice du club Vigie Alimentation précise que les protéines d’insectes s’insèrent désormais dans certaines farines. L’accélération de ces tendances, portée par la crise de la Covid, doit cependant prendre en compte des facteurs techniques, politiques, sociaux et économiques et s’envisager sur la base de 3 scénarios. Le 1er table sur l’attachement des Français à la viande reléguant ces initiatives à un marché de niche, le 2e compte sur un remplacement progressif des produits animaux et le dernier prône une diversification de sources de protéines.
Victor Coutard, journaliste et auteur, contextualise l’alimentation au regard de questions plus vastes comme « l’impact de l’agriculture sur la société et la biodiversité, celui du packaging de ces alternatives toujours sur–emballées… ». Une dimension éthique indispensable pour cet auteur formé à la permaculture au sein de la ferme du Bec Hellouin. « Il faut avoir une consommation plus réfléchie, pour bien vivre, avoir une bonne santé et se faire plaisir en mangeant », note-il en relevant un paradoxe : « Les Français qui sont si fiers de leur culture mangent de plus en plus mal », particulièrement les jeunes.
Faire cohabiter protéines animales et végétales
Pour Nathalie Hutter-Lardeau, nutritionniste, il faut jouer sur la complémentarité entre produits animaux et végétaux. La fondatrice d’Évidence Santé rappelle qu’il ne faut exclure aucune alternative à partir du moment où elles sont compatibles avec la santé et la préservation de la planète. Dans cette optique, on ne peut pas supprimer la viande, mais accompagner sa consommation d’une pédagogie. La viande ne tue pas, explique Victor Coutard, à condition de faire le tri entre les différentes qualités de viande.
Ne pas jeter la viande avec l’eau du bain
Pour ne pas réduire les innovations à une alternative aux protéines animales, le professeur Philippe Legrand, directeur du laboratoire nutrition humaine de l’INRA/INSERM rappelle qu’elles apportent aussi de la vitamine B12, du calcium, du zinc, des oméga 3… Une nuance qui relativise la condamnation de la viande. « C’est la trop grande consommation de viande, au-delà de 600-700 g par semaine, qui présente un risque pour la santé ».
Du goût, du goût, du goût
En termes d’innovation, Béatrice Maire, créatrice de la première pâte à tartiner avec un nutriscore A, a substitué des féveroles à la funeste huile de palme, décriée à raison. Cet exemple montre à quel point il est important de penser l’avenir de ces alternatives également en fonction des goûts. « Il y a une trop grande uniformisation des produits, mais l’on constate aussi un début de changement avec une recherche de goût et de diversité de goût », note Victor Coutard en appuyant sur les efforts faits en ce sens.
« Au cœur du sujet, l’éducation est primordiale », conclut Nathalie Hutter-Lardeau. Pour la créatrice de WomUpMarket Place*, il faut proposer un programme de découverte de la variété des aliments aux enfants au sein des écoles, car l’universalisme du goût n’existe pas.
*Plateforme de produits bons pour la Santé et planète
Lien vers le replay :