Temps de lecture : 3 min
Incontournable alliée d’un bon steak tartare, la sauce Worcestershire a réussi à s’imposer dans les placards de nos cuisines. Condiment britannique emblématique, cette sauce à la saveur umami, sucrée et légèrement piquante peut être considérée comme une cousine éloignée du nuoc mam et du garum, si apprécié dans la Rome antique. Mais d’où vient-elle et que contient-elle ? Et surtout, comment prononcer son nom imprononçable ?
Une sauce née presque par accident en 1837
Cette sauce tient son nom du comté (shire en anglais) de Worcester, situé dans l’ouest de l’Angleterre, au sud de Birmingham. C’est en effet ici qu’au milieu des années 1830, un Lord anglais tout juste rentré des Indes britanniques demande à deux apothicaires, John Lea et William Perrins, de reproduire une sauce dont il était tombé amoureux en Inde.
Cependant, le résultat n’est pas à la hauteur de ses attentes et s’est même révélé carrément immangeable. Le baril de sauce a ainsi été relégué dans les sous-sols de l’échoppe et vite oublié. Ce n’est qu’en rangeant les locaux quelques années plus tard que les associés remettent la main dessus par hasard et découvrent que la sauce avait particulièrement bien vieilli, développant une vraie valeur gustative.
Ils décident ainsi de la commercialiser en 1837 et rencontrent rapidement le succès, faisant de la sauce Worcestershire un aliment de base de la cuisine britannique. Quelques décennies plus tard, la sauce Worcestershire traversera l’Atlantique pour se rendre incontournable aux États-Unis, rapidement devenu premier pays consommateur.
Désormais propriété du groupe Heinz, Lea & Perrins, la marque fondée par les deux apothicaires est aujourd’hui le leader incontournable du marché, avec une production de plus de 50 millions de bouteilles par an, distribuées dans plus de 130 pays. La plupart sortent d’ailleurs toujours de son usine historique de Worcester, inaugurée en 1897.
Une composition toujours tenue secrète
Mais venons-en à la recette ! Beaucoup d’ingrédients se cachent dans cette petite bouteille. Un rapide coup d’œil à la liste des ingrédients nous indique ainsi : Vinaigre de malt, vinaigre d’alcool, mélasse, sucre, sel, anchois, extrait de tamarin, oignons, ail, épices, arômes. Difficile pourtant d’y voir clair, et c’est bien normal : le processus de fabrication est complexe et fruit de multiples fermentations pendant plus de 18 mois.
Oignons et ail sont ainsi laissés à maturer avec du vinaigre de malt dans des fûts pendant que s’opère la longue maturation des anchois dans du sel, donnant à la sauce sa saveur si particulière. La mélasse apporte elle une touche sucrée alors que le tamarin, ce fruit tropical utilisé dans la préparation des massalas indiens et que l’on retrouve aussi dans les Antilles et à la Réunion, lui donne son côté acidulé.
Qu’en est-il des autres épices et arômes ? Le mystère reste entier, Lea & Perrins gardant toujours secrète sa recette originale, ajoutant même que seuls six employés seraient dans la confidence ! Il est cependant couramment admis que l’on y retrouverait coriandre, grains de moutarde, clous de girofle, poivre et écorces de citron. Certains supposent aussi l’ajout d’ingrédients supplémentaires dans le processus de fabrication comme de la sauce soja, des cornichons ou des poivrons.
De multiples utilisations, au-delà du simple tartare
Contrairement à nous, les Anglo-saxons ne sont pas forcément amateurs de steak tartare et trouvent ainsi des usages bien différents des nôtres à cette sauce versatile. Elle est ainsi un ingrédient-clé du très populaire Welsh rarebit, ce toast au cheddar fondu et à la bière, cousin gallois du welsh nordiste. Les Américains eux l’apprécient tout particulièrement avec un steak, tel quel ou pour préparer une steak sauce ou une marinade.
La Worcestershire Sauce s’accommode également tout autant comme condiment de cocktails comme le Bloody Mary, que dans la sauce originale de la salade César créée par le chef italo-américain Caesar Cardini. Il n’est pas rare non plus de la retrouver listée outre-Manche dans des recettes de pies mais aussi de ragoûts ou de poêlées pour rehausser des mélanges avec son côté aigre-doux. Sa saveur umami fait que certains l’utilisent désormais pour relever des plats comme le chili con carne. Lea & Perrins suggère même d’en ajouter dans des spaghettis bolognaise… pas sûr que les Italiens apprécient.
Mais, plus important encore, comment prononcer ce nom si imprononçable ? Ignorez le premier « r », même chose pour le « ce » et prononcez à peine le deuxième « r ». Commencez ainsi le mot par un « Wooster » et terminez par le mot shire, prononcé « shaïre » en anglais. Vous êtes perdus ? Écoutez plutôt comment prononcent les Anglais eux-mêmes. Pas d’inquiétude cependant si vous n’y arrivez toujours pas, vous êtes loin d’être le seul.
ICI LONDRES
#1 – Les assiettes des Britanniques à l’heure du Brexit
#2 – À table avec les Londoniens
#3 – Voyage dans un supermarché anglais
#4 – Le Royaume-Uni, l’autre pays du fromage ?
#5 – Les Anglais : plus grands buveurs de thé au monde ?
#6 – Les secrets de la Worcestershire sauce
#7 – Pourquoi la cuisine anglaise a-t-elle si mauvaise réputation ?
#8 – Les deux frères français derrière l’essor de la cuisine étoilée
#10 – Pimm’s o’clock
Crédit Photo : Instagram leaandperrins