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Avec son poisson frit et ses frites épaisses, ce plat simple et bon marché est le symbole incontournable de la cuisine anglaise. Les Anglais en raffolent et ce ne sont pas moins de de 250 millions de fish and chips qui sont consommés chaque année outre-Manche ! Mais quelles sont les origines de ce fast food à l’anglaise si emblématique et quels sont les secrets d’un bon fish and chips ?
Une histoire fruit d’échanges culinaires
L’histoire commence au XVIIème siècle avec l’arrivée en Angleterre de Juifs séfarades d’Espagne et du Portugal qui apportent avec eux le pescado frito, comprenez le poisson frit. Met simple servi généralement avec du pain et vendu par des vendeurs ambulants, il devient populaire dans les villes du pays à mesure que se développe la pêche au chalut dans la mer du Nord au cours du XIXème siècle, alors même que les frites, introduites par les Huguenots ayant fui les persécutions religieuses en France, se répandent dans les classes populaires.
L’enseigne londonienne Malin en 1972, aujourd’hui fermée (Source : NFFF)
Qui a ensuite eu l’idée de marier le poisson et les frites ? Le débat fait et divise le nord et le sud du pays. Pour les uns, le plat est résolument londonien et aurait été conçu par Joseph Malin, un commerçant juif de l’East End qui aurait ouvert le premier « fish and chip shop » en 1860. Pour les autres, il serait originaire dans la région de Manchester en 1863 grâce à un certain John Lees qui tenait une petite échoppe au marché de Mossley. Ce qui est certain en tout cas, c’est que, paradoxalement, le fish and chips n’est pas né le long des côtes britanniques.
Emballé dans de vieux journaux pour absorber la graisse (une pratique aujourd’hui interdite), le fish and chips s’impose vite comme le plat préféré de la classe ouvrière. Dégusté sur le pouce pour une poignée de pennies, il permet à tous de s’offrir un dîner « dehors » et oublier le quotidien des usines avec un plat qui réchauffe et qui réconforte. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient même un symbole du soutien au moral de la population britannique en étant le seul aliment dit « de restaurant » qui ne sera pas rationné.
Un symbole qui se réinvente
Traversant les générations, le fish and chips fait partie intégrante de l’imaginaire collectif britannique – qu’il soit dégusté lors des vacances en famille au bord de la mer, un dîner improvisé entre collègues ou un en-cas nocturne après une sacrée série de pintes au pub. Surtout, c’est un plat qui rassemble toute la société et toutes les classes sociales, encore si prégnantes outre-Manche, de l’ouvrier des Midlands, au cadre de la City en passant par les retraités des Cornouailles.
Publicité des années 1930
Preuve de l’attachement des Anglais à ce fast food bien british, on ne compte pas moins de 10 000 « chippies » (le surnom donné aux enseignes de fish and chips) à travers tout le pays, soit bien plus que d’enseignes Subway (2,200) et McDonald’s (1,300) réunis. Cependant, bien qu’il résiste encore face aux burgers, chicken shops et kebabs, force est de constater que le fish and chips est aussi peu à peu devenu l’emblème de la malbouffe et d’une cuisine grasse et peu raffinée. De fait, preuve de son déclin progressif, le nombre de chippies est bien loin des 25 000 commerces recensés des années 1910.
Pourtant, on assiste depuis une dizaine d’année à un vrai retour en force du fish and chips qui s’éloigne de son image un peu ringarde et surannée et trouve désormais sa place dans les gastropubs et les restaurants chics de grands chefs anglais à l’image de Gordon Ramsay qui lui a même dédié un restaurant à Las Vegas ! Signe de ce nouvel engouement, le prince Charles himself a aussi lancé une campagne pour défendre ce plat et sauver « un de nos plats nationaux les plus emblématiques et un élément essentiel de la culture britannique » tout en encourageant des pratiques de pêche plus durables.
Les secrets du fish and chips
L’indispensable d’un bon fish and chips ? Du bon poisson ! L’aiglefin (haddock) est le poisson de prédilection dans le nord de l’Angleterre et en Écosse, alors que le cabillaud est le plus populaire dans le sud du pays. Cependant, de nombreux poissons à chair tendre se prêtent aussi au jeu de la friture comme le merlu, la plie, le grondin, le lieu jaune ou même la raie. Le mieux est souvent de demander conseil à son poissonnier et de varier les espèces en suivant les saisons de pêche.
Ne pas oublier une bonne pinte de lager !
Pour ce qui est de du batter, on préférera une pâte plutôt légère mais de nombreuses écoles s’affrontent sur sa préparation : avec ou sans bière, de la levure ou non, de l’eau plate ou pétillante, tiède ou glacée et même parfois du lait… Chaque « chippie » jure que sa recette, forcément secrète, est la meilleure. Dans tous les cas, il faut bien recouvrir le poisson d’une épaisse couche de pâte avant de le plonger dans l’huile bouillante quelques minutes.
Et pour les frites ? Privilégiez d’épaisses frites de pomme de terre, de type binje par exemple, coupées en gros quartiers afin qu’elles n’absorbent moins de graisse. Accompagnez éventuellement de mushy peas, une purée de petits pois, mais surtout d’une bonne sauce tartare bien relevée et d’une belle rasade de vinaigre de vin.
Où déguster un bon fish and chips ?
Selon le palmarès du très sérieux National Fish and Chips Award de 2020, le meilleur fish and chips du pays serait Cod’s Scallops, une échoppe toute simple située à Nottingham. À Londres, l’emblématique Poppies et sa déco rétro séduit toujours les foules, quand les plus branchés lui préféreront sûrement l’approche contemporaine de Bonnie Gull Seafood Shack alors qu’Alain Ducasse lui recommande The Sea Shell. Et pour les vegans ? Sutton & Sons a pensé à tout avec un surprenant fish and chips vegan à base de… fleur de bananier.
Un fish and chips sur la Côte d’Azur (Source : The Fat Mermaid)
Cependant, pas besoin de traverser la Manche pour se salir les doigts. À défaut de le savourer sur un banc sous la bruine face à la mer du Nord ou dans l’atmosphère chaleureuse d’un pub londonien, quelques bonnes adresses frenchies : Les Fishtons à Lille, The Fat Marmaid à Nice ou encore FTG, adresse parisienne du chef étoilé Grégory Marchand.
ICI LONDRES
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