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Quand j’étais directeur marketing dans la biscuiterie, je parlai souvent à mes équipes des « vieux grimoires ». L’idée était de prendre le temps d’aller explorer ce qui avait pu être fait par le passé. Le plus souvent, c’était très riche en termes d’enseignements. Car quand on pense innovation, on pense souvent à innovation de rupture. Une innovation toujours orientée vers un futur souvent fantasmé dans un univers de la food qui reste au final plutôt conservateur. Mais dans une époque où la sobriété s’impose dans les développements, et si nous ne cédions pas toujours à cette fuite en avant. Prendre le temps de regarder en arrière, vers le passé, peut être aussi fortement inspirant et vertueux. À condition de bien savoir (re)raconter les histoires. Radioscopie du thème en 5 exemples.
Notre alimentation fait parfois l’objet de projections voir de fantasmes. Mais n’est-elle pas plus conservatrice qu’on ne le pense ?
Vieille Graine : les céréales anciennes ont de l’avenir
Cette jeune pousse lyonnaise a pour ambition de contribuer à diversifier notre agriculture pour la rendre plus résiliente face au dérèglement climatique. Elle propose une gamme de céréales anciennes (en commençant par le sorgho et le millet) sous la forme d’une gamme de pâtes mais aussi de farines. Leurs atouts ? Elles offrent à la fois une meilleure résistance aux changements climatiques tout en étant très riches en nutriments.
Kevin Crevant et Aurélien Amir, cofondateurs de la start-up lyonnaise Vieille Graine
La Pinsa, l’ancêtre de la pizza
La Pinsa est une variété de pizza originaire de Rome en Italie. Contrairement à la pizza traditionnelle, la Pinsa est fabriquée à partir d’un mélange de farine de blé, de riz et d’eau, ce qui la rend plus facile à digérer et réduit son indice glycémique. En termes de préparation, la farine de blé est mélangée à de la farine de riz, ce qui donne à la pâte une texture légère et aérée. La pâte est ensuite laissée reposer pendant 48 heures, ce qui permet aux levures naturelles de fermenter et de donner une saveur distinctive à la croûte.
L’Atelier de la Pinsa à St Cyr sur Loire (37)
La pinsa est un bel exemple de la rencontre du savoir-faire artisanal, avec la maîtrise de la fermentation et du levain naturel, et d’un process industriel. Elle bouscule le paysage des bases pour pizza avec une alternative solide, savoureuse et digeste. Si l’entreprise Di Marco en revendique la paternité (grâce notamment au mélange de trois farines), plusieurs marques développent désormais leurs propres références et formats… sans s’interdire de produire en dehors de l’Italie (Fourneo en fabrique dans le Nord de la France !). Cependant, malgré toutes ses qualités et le dynamisme de ces acteurs, il sera sans doute difficile de s’imposer dans un pays qui conçoit la pizza comme un produit rond et à partager. L’enjeu sera de parvenir à réaliser la pédagogie nécessaire pour que le grand public identifie la pinsa comme un produit en soi, avec ses propres codes.
Rémi Héluin, fondateur de Painfluence et de la Boulangerie Plurielle
La chicorée, la boisson de mémé aux goûts du jour
Et si on portait juste un nouveau regard sur la chicorée ? Cette boisson issue d’une racine cultivée dans le nord de la France a longtemps été considérée comme un succédané du café. Pourtant, derrière cette boisson à l’image vieillotte, de nombreux atouts pourraient aujourd’hui lui permettre de revenir sur le devant de la scène. Il s’agit d’une production locale française, nécessitant peu d’irrigation et d’intrants chimiques et avec plein de bénéfices (riche en fibres, minéraux, très digeste, et sans caféine). Le leader historique Leroux vient d’opérer un joli lifting et de nouvelles marques audacieuses arrivent sur le marché comme Cherico ou Nourée.
La chicorée c’est pas franchement nouveau mais cela reste à (re)découvrir
« Le travail qui a été réalisé s’est fait autour d’un socle clé : le goût français. Revenir à l’authenticité, aux racines y compris dans le lifting. Ne pas trancher, ne pas être dans la rupture mais aller puiser dans les codes historiques pour aller rechercher la modernité la plus pure possible. Le goût français c’est redonner ses lettres de noblesse au terme « chicorée » c’est faire revenir ce mot clé et l’assumer ( vs un Ricoré qui reste un mix ) et même le lier de manière éternelle à la marque Leroux . Il y a eu un vrai travail de recherche parmi les archives de la marque, les anciennes publicités, le sponsoring tour de France nous a beaucoup inspiré par exemple et bien sur la visite de l’Usine et du siège qui a nourri cette recherche de respect de la tradition pour ne jamais se renier »
Audrey Dubeaurepaire, Directrice executive chez Nikita, agence de communication en charge du re-branding de la marque
En savoir + : Chicorée Leroux, cherico, Nourée
Du croissant ordinaire au croissant végétal
Land&Monkeys, c’est « la première boulangerie à impact positif » fondée par Rodolpe Landemaine. Sa mission ? Faire rentrer l’alimentation végétale dans le quotidien des Français sans rien changer à leurs habitudes, mais avec un impératif : le goût doit être encore meilleur ! Baguette, croissant, cookie et sandwich, tous les incontournables de la boulangerie-pâtisserie y sont proposés en version 100% végétale c’est-à-dire sans viande ni poisson, sans beurre, ni lait, ni crème, ni œufs. À la place, des alternatives végétales 100% naturelles et jusqu’à 90% moins carbonées. Mais derrière le croissant végétal, n’y aurait-il pas en fait la redécouverte du « croissant ordinaire » qui cohabitait pendant longtemps à côté de son homologue bourgeois 100% pur beurre. Les temps changent.
Land&Monkeys propose une offre 100% végétale dans ses pâtisseries parisiennes et la Boulangère innove avec B’Vegan, le croissant végétal.
En savoir + : Land&Monkeys, La Boulangère
Les cépages anciens, une réponse aux enjeux climatiques
Les cépages anciens dits aussi « oubliés » ou « rares » peuvent être une réponse aux enjeux climatiques. Ils ont souvent un potentiel alcoolique faible, ce qui permet de contre-balancer l’impact de ce réchauffement climatique qui fait monter les taux de sucres et donc d’alcool. D’autant plus que les consommateurs recherchent de plus en plus des vins moins forts. Certains de ces cépages sont également peu sensibles à certaines maladies et ont des rendements intéressants. Enfin, des fois plus tardifs dans les bourgeonnements, ils peuvent donc aussi être moins sensibles au gel. C’est ce qui fait dire à Jeanne Yerre, historienne des cépages oubliés : « Plutôt en effet que d’apprendre de l’histoire, on cherche à fabriquer toujours de nouvelles choses comme une fuite en avant. On ne cherche pas à reproduire, ni même à comprendre. Pourtant, apprendre à se replonger dans notre histoire, peut-être une véritable source d’innovation ».
Pour finir, je vous laisse méditer sur cette carte de restaurant :
Et chez vous, il y a quoi dans les placards ?