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Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.
Ethiquable n’est pas vraiment une marque comme les autres. Depuis 2003, cette coopérative engagée prône un modèle de commerce équitable et durable, tout en proposant des produits de haute qualité (chocolat, café, thé…). Sa mission ? Soutenir les petits producteurs des pays du Sud et aussi de France en leur garantissant un commerce équitable, fondé sur des prix rémunérateurs et des engagements de long terme. Christophe Eberhart, cofondateur d’Ethiquable et agronome de formation, nous partage sa vision du monde agricole et alimentaire, les enjeux majeurs qui l’animent et les défis à venir pour concilier transition écologique et justice sociale. Une conversation riche sur l’avenir du chocolat, de l’agriculture paysanne et du rôle des consommateurs dans cette transformation.
Quel regard portez-vous sur le monde d’aujourd’hui ?
Le changement climatique et la perte de biodiversité sont les enjeux majeurs de notre époque. L’alimentation et l’agriculture sont au cœur de ces transformations. Il faut repenser nos modèles agricoles pour les rendre plus résilients, mais aussi éviter un repli sur soi. Si la relocalisation est essentielle, elle ne doit pas se faire au détriment des producteurs du Sud, qui vivent déjà des situations de grande précarité. Notre défi est d’accompagner cette transition tout en maintenant une agriculture solidaire et durable.
Quel est selon vous l’enjeu des enjeux pour l’agriculture et l’alimentation ?
Sans hésitation : le revenu des producteurs. Que ce soit en France ou dans les pays du Sud, les agriculteurs peinent à vivre de leur travail. Lorsque les prix sont trop bas, les exploitations périclitent, les terres sont abandonnées, et les pratiques écologiques deviennent impossibles à maintenir. C’est pourquoi nous avons toujours défendu des prix rémunérateurs et stables, essentiels pour bâtir une agriculture durable.
Quel signal faible observez-vous qui pourrait être porteur d’avenir ?
Nous assistons à une envolée des prix du cacao et du café, conséquence directe des dérèglements climatiques et de l’abandon des cultures faute de rémunération suffisante. Cela annonce une nouvelle ère pour les produits tropicaux, où l’agroforesterie et les pratiques plus durables devront s’imposer. Il faudra aussi s’habituer à payer ces produits à leur juste valeur.
Quel levier est le plus efficace pour faire évoluer les comportements des consommateurs ?
Nous croyons à une communication honnête et pédagogique. Nous n’avons jamais fait de publicité et privilégions l’information sur nos packagings. Plutôt que de simplifier à l’extrême ou de tomber dans le greenwashing, nous misons sur l’intelligence des consommateurs en leur donnant accès à des explications détaillées sur nos produits et nos engagements.
Une tendance d’avenir dans laquelle vous croyez et sur laquelle vous seriez prêts à investir ?
La bio, mais pas n’importe laquelle. La bio paysanne, intégrée dans un modèle agroécologique, avec des pratiques qui prennent en compte la biodiversité et la régénération des sols. Il ne s’agit pas simplement d’un label, mais d’un engagement plus global qui touche autant la production que la rémunération des agriculteurs.
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Une marque, un projet ou une organisation qui vous inspire particulièrement ?
L’ONG Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF). Elle travaille sur les mêmes enjeux que nous : le soutien aux agricultures paysannes dans le monde, l’accompagnement des producteurs vers des modèles agroécologiques et la défense d’un commerce plus juste.
Une innovation que vous trouvez remarquable ?
Le réemploi, qui explose dans de nombreux secteurs. Je suis impressionné par l’essor du label Emmaüs, qui prouve que la seconde main peut être attractive et structurée. C’est un modèle à suivre, et l’alimentation pourrait aussi s’en inspirer.
Une personnalité qui vous inspire ?
René Dumont, agronome visionnaire, qui a été l’un des premiers à alerter sur les dangers de l’agriculture industrielle et sur la nécessité de repenser nos modèles alimentaires pour préserver la planète et les producteurs.