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Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.

Dans un contexte où l’élevage et l’agriculture française traversent de profonds bouleversements, la filière laitière est à un tournant décisif. Jean-Michel Javelle, éleveur dans la Loire et président de la coopérative Sodiaal (marques Candia, Yoplait et Entremont), première coopérative laitière française, partage sa vision sur les défis du secteur, l’enjeu de souveraineté alimentaire, ainsi que celui du renouvellement des générations. Il est temps de replacer, selon lui, l’agriculture et l’alimentation au cœur des priorités de notre société. Fort d’une communauté de destins de 15 000 éleveurs au sein de Sodiaal, le modèle coopératif représente pour lui un modèle économique d’avenir. (1/3 des marques alimentaires françaises appartiennent à des coopératives agricoles. Il y en a plus de 2000 en France, qui représentent 70% de la production, agricole ndlr).
Quel regard portez-vous sur le monde d’aujourd’hui ?
Je ressens une perte de repères dans la société. Pourtant, l’agriculture joue un rôle fondamental, non seulement dans l’alimentation, mais aussi dans la préservation des paysages et de la biodiversité. Nous sommes à un tournant. Si nous ne prenons pas conscience de l’urgence à préserver notre agriculture française, nous risquons de continuer à perdre un peu plus notre souveraineté alimentaire.
Quel est, selon vous, l’enjeu des enjeux en matière d’agriculture et d’alimentation ?
Sans hésitation, le renouvellement des générations. 50% des agriculteurs partiront à la retraite dans les dix prochaines années. Il est donc crucial de rendre ce métier plus attractif, notamment en améliorant la rémunération et en modernisant les exploitations. Chez Sodiaal, nous accompagnons chaque année environ 250 jeunes avec la Sodiaal Box, un programme d’accompagnement spécifique qui leur apporte un soutien financier, technique et humain. Il en va encore une fois de notre souveraineté alimentaire.
On parle de plus en plus du modèle coopératif ? Quelle est vraiment sa valeur ajoutée ?
Nos marques de la coopérative Sodiaal appartiennent 100% aux éleveurs. Les bénéfices sont redistribués aux éleveurs sous forme de compléments au prix du lait, de capital social et servent aussi d’investissements pour accompagner le développement de la coopérative. Et ça, je pense que ça change tout ! Pourtant, c’est un modèle économique qui est encore très mal connu. Notre priorité, c’est donc de continuer à le promouvoir auprès des consommateurs via la communication.
À quelles conditions l’agriculture française peut-elle rester compétitive ?
Nous devons avant tout nous nous battre pour préserver nos savoir-faire dont on peut être vraiment fiers. Les AOP et IGP garantissent la qualité et le lien avec nos terroirs vivants. Nous devons rendre ces produits accessibles au plus grand nombre. Mais nous devons aussi se donner les moyens d’être présents plus fortement à l’international. La marque Yoplait créée par les éleveurs en 1965 est aujourd’hui vendue dans 45 pays grâce à un réseau de franchisés. C’est la 4ème marque mondiale d’ultra-frais. Exporter nos produits et notre savoir-faire, c’est assurer un avenir durable pour nos éleveurs français.
Quel levier est le plus efficace pour faire évoluer nos comportements alimentaires ?
Il faut arriver à replacer l’alimentation au centre du débat. On arbitre aujourd’hui entre un abonnement Netflix et une alimentation de qualité, alors que manger sainement trois fois par jour me paraît essentiel.
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1 marque qui change vraiment la donne ?
L’histoire de Yoplait est fascinante. À l’origine, des coopératives agricoles ont eu l’idée, il y a 60 ans, de valoriser leur lait en créant une marque de yaourts, qui est devenue un acteur mondial. C’est la preuve que des éleveurs peuvent créer de la valeur et la préserver sur le long terme.
1 Personnalité particulièrement inspirante ?
Dans les années 1960, Edgar Pisani a été un acteur clé du développement agricole. Il a fait la révolution agricole à une époque où il fallait avant tout se nourrir. Aujourd’hui, dans un contexte bien différent, j’aimerais bien trouver une personne qui dit qu’il faut replacer l’alimentation au centre du débat.
1 Innovation particulièrement remarquable ?
La collecte et l’analyse des données agricoles. Nous avons mis en place une prime durabilité, qui récompense les efforts des éleveurs et permet d’orienter notre modèle vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement avec des plans de progrès. Cela assure non seulement une meilleure rémunération des éleveurs, mais aussi une reconnaissance de leur rôle essentiel dans un modèle plus durable. C’est un levier de fierté pour nos agriculteurs.
