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Lorsqu’on réfléchit à l’évolution des régimes, des pratiques et de la demande alimentaires, on tend généralement à s’appuyer sur des variables démographiques, économiques, sociétales, voire culturelles. Mais la plupart du temps on s’intéresse peu à l’évolution des idées, des perceptions, des représentations et des imaginaires.
On tend, en effet, très souvent à sous-estimer le rôle des idées en considérant qu’elles ne sont, au fond, que le reflet d’intérêts bien matériels. Et pourtant, les idées comptent. Il est intéressant à ce propos de suivre leur cheminement. Elles partent souvent de marges de la société –d’artistes, d’écrivains, d’intellectuels au sens large du terme, d’individus appartenant à diverses sous-cultures ou autres « déviants » – pour se diffuser de façon progressive à des pionniers ou à différentes avant-gardes, à des minorités dites actives, selon le concept du psychologue social Serge Moscovici (1925-2014), et ensuite à certaines catégories sociales. Quelquefois, elles vont même être partagées par une grande partie de la société. C’est souvent le cas lorsque ces idées entrent en résonance à un moment donné avec les préoccupations ou bien les aspirations de cette société, en particulier suite à un « choc » ou à une crise. Des idées marginales, voire jugées subversives, peuvent alors devenir « mainstream ». Ce mécanisme de transmission des idées des marges de la société jusqu’aux majorités a fait l’objet de nombreuses études : de la fenêtre d’Overton aux travaux des chercheuses Erica Chenoweth et Maria J. Stephan sur le « pouvoir de la non-violence ».
La“fenêtre d’Overton” symbolise ce qui est acceptable dans une société à un moment donné et ce qui ne l’est pas. Cette fenêtre change selon le processus complexe de l’évolution des valeurs et des normes de la société. Cela dit, une autre méthode pour faire bouger cette fenêtre consiste à exposer régulièrement l’opinion publique à des idées auparavant considérées comme extrêmes, en les rendant plus visibles dans les médias et les réseaux sociaux.
Ce processus de diffusion des idées des marges vers le centre concerne également la production agricole, l’alimentation et la façon de s’alimenter. On a pu le voir par le passé, par exemple, à propos de l’agriculture biologique ou du véganisme.
Sur ces bases, peut-on anticiper certaines tendances d’avenir sur les plans agricole et alimentaire en étudiant un certain nombre de courants de pensée qui sont, pour le moment, plutôt marginaux ? Ce travail apparaît bien évidemment très spéculatif, mais il faut le voir avant tout comme une tentative d’identifier quelques tendances et « signaux faibles » pour reprendre la célèbre expression du prospectiviste Philippe Cahen.
3 types de courants de pensée sont sans doute plus particulièrement à suivre en la matière.
1. L’aspiration à une grande bifurcation du courant écolo-collapso-décroissant
Ce courant écolo-collapso-décroissant renvoie à une multitude de courants de pensée qui se réfèrent tous plus ou moins à l’écologie, à l’anticipation d’un effondrement (collapsologie) et à une vision décroissante. C’est bien évidemment la tendance la plus visible aux yeux du monde agricole et de l’industrie agroalimentaire.
Ces militants écolo-collapsologues-décroissants voient l’agriculture et l’alimentation comme le support d’une critique plus ou moins forte de la société, mais aussi d’une utopie alternative. On peut néanmoins établir une distinction entre une version modérée et une version plus radicale de ces différents courants de pensée.
La version modérée tend à remettre en cause un mode de production agricole dit intensif (notamment l’élevage intensif), la transformation industrielle par l’industrie agroalimentaire et la distribution des denrées alimentaires par la grande distribution, au nom de l’urgence climatique, de la protection de l’environnement, de la biodiversité et du bien-être animal ou encore de la santé des consommateurs.
On peut y classer le Mouvement Slow Food, le courant locavore, les groupements d’achat en circuits courts (des Teikei japonais des années 1960 aux AMAP en France depuis le début des années 2000) ou bien les mouvements animalistes dits « welfaristes » ou encore ceux favorables à l’agroécologie ou à l’« agriculture paysanne ». Ils tendent à partager une même aspiration à une transition pour une agriculture et une alimentation plus durables, plus saines, plus locales, plus respectueuses du bien-être animal, plus « slow », etc. Ils partagent sans doute la plupart des recommandations sur l’agriculture et l’alimentation d’un rapport publié en 2018-2019 par l’agence BL Evolution qui proposait alors un certain nombre de mesures pour s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5°C en France à l’horizon 2030 : net accroissement du nombre d’agriculteurs et de parcelles en bio, division par 3 de la consommation de viande et de produits laitiers, interdiction des produits alimentaires transformés substituables, instauration de quotas sur les produits importés (café, chocolat, thé, fruits exotiques…).
La version radicale du courant écolo-collapso-décroissant est dans une logique de rupture avec la société beaucoup plus prononcée avec une volonté de convergence des luttes dans une optique intersectionnelle au nom de la défense des « dominés ». Le mode d’action de ces militants peut être aussi plus radical en pouvant aller jusqu’à une violence perpétrée sur les biens (sabotage) et au harcèlement sur les personnes. Enfin, ceux-ci mettent en place, pour nombre d’entre eux, des communautés alternatives prenant la forme de communautés autogérées, d’écovillages ou de « micro-sociétés résilientes ».
En France, on peut tout d’abord y classer les individus qui s’installent dans une Zone à défendre (ZAD), comme à Notre-Dame-des-Landes. D’autres décident de vivre également à la campagne, mais plutôt dans une optique collapsologique, prenant la forme d’un survivalisme solidaire face à la perspective jugée plus ou moins inéluctable d’un effondrement. Ils tendent à développer des modes de production alternatifs, tels que la permaculture, la culture de céréales sur butte ou la réintroduction de la traction animale, dans une logique d’autosuffisance.
Panthères enragées : Collectif antispéciste, anarchiste, féministe, antifasciste pour l’écologie radicale et la libération totale, humaine et animale !
On peut également observer une forme de convergence dans une logique intersectionnelle entre diverses luttes autour d’une même volonté de combattre différentes formes de domination, sur la nature, le vivant, les animaux, les femmes, les dominés, les minorités, les peuples colonisés… Il existe ainsi des connexions entre des mouvements d’ultragauche et le véganisme, à l’instar des Panthères enragées qui se présentent comme un « Collectif antispéciste, anarchiste, féministe, antifasciste pour l’écologie radicale et la libération totale, humaine et animale ! ». Même tendance entre, d’un côté, les écoféministes ou les queers (LGBTQI+) et, de l’autre, le véganisme autour du rejet d’une même logique de domination sur les femmes, la nature et les animaux. Constance Rimlinger a d’ailleurs fait paraître en 2024 un ouvrage consacré aux communautés alternatives de personnes queer et de femmes lesbiennes séparatistes : Féministes des champs, du retour à la terre à l’écologie queer (PUF). L’un des grands symboles en la matière est sans aucun doute le Vine Sanctuary, qui se présente comme un « sanctuaire LGBTQ d’animaux d’élevage qui œuvre pour la justice sociale et environnementale, ainsi que pour la libération animale » en formant une « communauté unique multi-espèces ». On peut mentionner également le courant de l’écologie décoloniale. Il s’agit d’une critique de l’écologie occidentale traditionnelle puisque, d’après Malcolm Ferdinand, auteur de Une Ecologie décoloniale (Seuil, 2019), « la pensée environnementale s’est construite sur l’occultation des fondations coloniales, patriarcales et esclavagistes de la modernité ». Ce courant propose donc de « décoloniser l’écologie » et notamment de lutter contre le « colonialisme chimique » d’une agriculture industrielle dans un pays comme le Brésil.
2. La tentation transhumaniste du courant technophile
C’est le courant des individus qui considèrent que l’alimentation peut contribuer à améliorer l’humain et l’état de la planète grâce aux technologies.
Là aussi, on peut distinguer une version modérée d’une version plus radicale. La première correspond à ce que l’on appelle souvent de façon assez péjorative le techno-solutionnisme. D’autres préfèrent parler d’éco-modernisme. Ils se réfèrent d’ailleurs au Manifeste éco-moderniste, qui revendique un « bon anthropocène » et qui propose d’intensifier de nombreuses activités humaines, dont l’agriculture, afin qu’« elles occupent moins les sols et interfèrent moins avec le monde naturel » de sorte à « découpler le développement humain des impacts environnementaux ». Il existe également un Manifeste techno-humaniste, qui considère que « la science, la technologie et l’industrie sont bonnes, non pas en elles-mêmes, mais parce qu’elles favorisent en fin de compte le bien-être et l’épanouissement de l’humanité. En bref, le progrès matériel conduit au progrès humain ».
La version technophile radicale est quant à elle dominée aujourd’hui par le courant transhumaniste. Or, les transhumanistes ont une vision très fonctionnelle de l’alimentation. Ils estiment ainsi qu’il ne faut manger que des aliments qui ont des propriétés bénéfiques pour la santé, tels que les super-aliments (à l’instar des baies de goji ou des graines d’açaï). L’alimentation doit d’abord être mise au service de la quête de longévité, alors même que l’éradication de la maladie, du vieillissement, voire de la mort, grâce à la technologie est le cœur de l’utopie transhumaniste.
Le livre pionnier en la matière a été celui publié en 2004 par Ray Kurzweil et Terry Grossman, Fantastic Voyage. Live long enough to live forever. Les auteurs y évoquent tous les moyens permettant de prolonger la vie, notamment « une alimentation équilibrée à faible indice glycémique et la prise de puissants compléments nutritionnels anti-âge ».
Plus récemment, deux transhumanistes et leurs régimes alimentaires ont fait l’objet d’une importante médiatisation. Le premier est Dave Asprey, un entrepreneur américain qui s’est donné pour objectif d’atteindre l’âge de 180 ans. Il est le fondateur du biohacking (bio = vie, hacking = pirater). Le biohacking est, d’après le site bio-hacking.fr, « le fait d’avoir un contrôle total sur notre biologie en changeant notre environnement intérieur et extérieur à l’aide d’une série de techniques médicales, nutritionnelles et électroniques dans le but d’accroître nos capacités physiques et mentales ». Dave Asprey est l’auteur de plusieurs ouvrages à succès consacrés à ce qu’il qualifie de « régime pare-balle » (Bulletproof diet), qui inclut notamment le jeûne intermittent : The Bulletproof Diet (2014), Super Human:The Bulletproof Plan to Age Backward and Maybe Even Live Forever (2019) ou Fast This Way: Burn Fat, Heal Inflammation, and Eat Like the High-Performing Human You Were Meant to Be (2021).
Blueprint est le protocole anti-âge de Bryan Johnson, l’homme qui a décidé de ne jamais mourir.
Le second est un autre entrepreneur américain, Bryan Johnson qui, lui, suit un programme de rajeunissement qu’il appelle BluePrint et qu’il médiatise sur les réseaux sociaux. BluePrint est un régime alimentaire assez strict (principalement à base de légumes et d’oléagineux) avec beaucoup de compléments alimentaires, quelques médicaments, de l’exercice et un suivi rigoureux via des analyses de sang, d’urine et autres. Bryan Johnson se nourrit principalement de deux plats : le Super Veggie, qui est un mélange de légumes verts et de lentilles, et le Nutty Pudding, qui est un mélange de fruits et de noix.
Les transhumanistes voient aussi l’alimentation comme devant être au service de la performance individuelle. Il s’agit ici d’économiser le temps habituellement consacré au repas, mais aussi de choisir des aliments qui permettent d’optimiser les performances et la productivité individuelles. Cela passe en particulier par des repas liquides ou des barres énergétiques, à l’instar des repas en bouteille des marques Feed ou Soylent, et le recours à des objets connectés permettant de mesurer l’état du corps (Quantified-Self).
« Feed., c’est pour ceux qui veulent s’extraire de leur condition initiale, prendre une revanche et faire mentir leur destin » Anthony, fondateur et CEO
Mais certains transhumanistes vont plus loin. Ce sont notamment les transhumanistes écolos qui sont des adeptes du technogaïanisme. Ils font la promotion des technologies susceptibles d’améliorer les rendements agricoles (comme les OGM), mais aussi de l’agriculture cellulaire (à l’instar des viandes de synthèse). Mais ils peuvent aussi aller jusqu’à prôner l’homo-ingénierie. Celle-ci consiste à rendre l’humain moins nocif pour la planète par des manipulations génétiques. Certains envisagent ainsi de rendre les humains intolérants à la consommation de viandes par mutation génétique. D’autres ont exploré l’idée de diminuer la taille des êtres humains afin de réduire leur empreinte écologique et leur pression sur l’environnement pour produire la nourriture à partir du moment où les individus les plus petits consomment moins de calories que les plus grands. Seraient ainsi identifiés et sélectionnés les embryons génétiquement voués à devenir de petits adultes.
3. La grande méfiance du courant des identitaires
C’est le courant des individus qui instrumentalisent l’alimentation au service d’une affirmation de nature identitaire, qui s’inscrit plus largement dans un grand backlash (contre-mouvement).
Dans « Outlast » sur Netflix, au fin fond des étendues sauvages de l’Alaska, 16 survivalistes s’affrontent. Mais ces loups solitaires devront faire corps pour espérer remporter le très gros lot.
C’est tout d’abord le cas des survivalistes, qui voient l’alimentation comme un outil indispensable de survie. Les survivalistes sont, en effet, des individus qui se préparent à la grande catastrophe qu’ils jugent à la fois inexorable et imminente. Ils tendent d’ailleurs souvent plus à se préparer à une guerre civile qu’à un effondrement environnemental. Ils estiment que, lorsque la grande catastrophe se produira, ils ne pourront compter que sur eux-mêmes en anticipant un monde post-catastrophe à la Mad Max de la guerre de tous contre tous. Ils mettent donc l’accent sur le nécessaire endurcissement et sur l’autonomie, en particulier sur le plan alimentaire. Cela passe par la mise en place d’une base de survie dans le monde rural (ils parlent de base autonome durable-BAD), une auto-production dans une logique d’autosuffisance (légumes, fruits, petit élevage) et bien évidemment la constitution d’importantes réserves alimentaires.
On peut aussi classer dans cette catégorie des identitaires les différents courants masculinistes, tels que les Incels (Involuntary celibate ou célibataire involontaire) ou les MGTOW (Men Going Their Own Way). Ils ont pour trait commun d’être composés d’hommes qui prônent la domination des hommes sur les femmes et même la haine de ces dernières en développant un antiféminisme décomplexé autour d’un discours misogyne, homophobe, d’extrême-droite et complotiste. Il s’agit d’un contre-mouvement en réaction à la libération de la parole des femmes, dont le mouvement MeToo a été le grand symbole ces dernières années.
Le phénomène du respirianisme, qui caractérise l’absence d’absorption de nourriture et boisson, fascine. Sur Netflix, le film irlandais The Wonder raconte l’histoire de l’infirmière anglaise Lib Wright appelée par une communauté de dévots dans les Midlands irlandais en 1862, pour observer le cas d’Anna O’Donnell, une fillette qui n’aurait rien mangé durant 4 mois et aurait miraculeusement survécu.
Le rapport des masculinistes à l’alimentation est assez singulier. Certains d’entre eux estiment ainsi que la sensation de faim et le fait de se nourrir est non seulement une perte de temps et de contrôle, mais aussi une faiblesse à dépasser. Andrew Tate, un ancien kickboxeur britannique et un important influenceur masculiniste, qui a été arrêté récemment en Roumanie, expliquait ainsi que « La nourriture est horrible, et manger, ça craint. Je déteste manger ». Cependant, lorsqu’ils se nourrissent, ils tendent plutôt à prôner un régime carnivore, ce type d’alimentation leur permettant d’optimiser, d’après eux, leur santé physique et mentale. Le fait de manger de la viande est aussi perçu comme une caractéristique de la masculinité. Le livre du chirurgien orthopédique Shawn Baker The Carnivore Diet est ainsi très influent chez les masculinistes. Celui-ci prône un régime consistant à se nourrir uniquement d’aliments issus des animaux et donc sans fruits, légumes, céréales, pain, etc. Celui-ci permettrait, d’après lui, de « perdre du poids, réduire l’inflammation et les douleurs articulaires, améliorer la santé digestive et stabiliser la santé mentale ».
L’enjeu de la fabrique de l’air du temps
Quels enseignements peut-on tirer de ces différents courants de pensée pour l’avenir de l’alimentation, du moins en France ?
Il est bien évidemment toujours difficile de se prêter à ce type d’exercice d’anticipation. Mais ce que l’on peut dire en premier lieu est que ces courants sont le reflet d’une fragmentation toujours plus grande de la société, en l’occurrence dans son rapport à l’alimentation, et qu’ils sont susceptibles de renforcer dans les années à venir la grande diversité des régimes et des pratiques alimentaires que l’on observe ces dernières années. On peut supposer également qu’aucun de ces trois courants ne va devenir majoritaire dans la société française, au moins à court et moyen terme, et ne va influencer le consommateur moyen dans ses choix alimentaires. On ne va pas tous devenir vegan, se nourrir uniquement de repas artificiels liquides ou de viandes.
En revanche, ces courants peuvent avoir deux types d’influence. Le premier est une influence sur certains segments de la population. Le courant écolo-collapso-décroissant a et continuera à avoir une influence sur ce que Monique Dagnaud et Jean-Laurent Cassely appellent les « alter-élites » dans leur ouvrage Génération surdiplômée (Ed. Odile Jacob, 2021), pour désigner les catégories d’individus ayant un capital culturel élevé – ce qui l’on appelait la « bourgeoisie culturelle traditionnelle » composée d’enseignants, d’universitaires, de chercheurs, de cadres de la fonction publique et du tiers secteur, ainsi que des « Nouveaux entrepreneurs sociaux » et « Alter-consultants » dans l’innovation culturelle, sociale et environnementale – , et sur la partie la plus éduquée des jeunes générations (qui se montre très sensible au sort des « dominés » comme on peut le voir avec son engagement en faveur du climat ou bien du sort des Palestiniens de la bande de Gaza). Le courant technophile-transhumaniste, lui, a et continuera à avoir une influence sur le monde des entrepreneurs, des start-up, de la tech et des geeks ou encore sur certains sportifs et autres adeptes du fitness. Enfin, le courant identitaire a et continuera à avoir une influence sur un certain nombre de groupes marginaux, la plupart du temps socialement et culturellement « dominés ».
Le second type d’influence est sur le débat public et, par extension, sur la décision publique à partir du moment où celle-ci est souvent une réaction à l’air du temps qui émane des débats qui se déroulent dans l’espace public (médias traditionnels, réseaux sociaux numériques, monde de l’édition, débats politiques). Cela peut être d’autant plus que le cas lorsque ce qu’affirment ces courants fait écho aux grands défis alimentaires à venir : garantir la sécurité alimentaire, réduire les émissions de gaz à effet de serre, répondre à diverses préoccupations en termes de santé publique et garantir un revenu pour les producteurs-transformateurs-distributeurs. Dans un tel contexte, les décideurs pourraient reprendre à leur compte certaines des idées véhiculées par ces courants. Cela peut être le cas, par exemple, de diverses techno-solutions ou bien des quotas carbones individuels, notamment prônés par le prospective Yannick Roudault, où chaque citoyen se verrait attribuer un quota annuel, dont le montant serait dégressif d’une année sur l’autre, à consommer à sa guise.
Le courant identitaire tend aussi à montrer que les décisions publiques qui peuvent aller dans le sens d’une grande bifurcation écologique ou bien d’une grande artificialisation technologique de l’alimentation sont susceptibles de provoquer un important contre-mouvement.
L’enjeu n’en reste pas moins majeur car il s’agit tout simplement de participer pour ces différents courants de pensée à la fabrique de l’air du temps et, par extension, d’une vision dominante qui est susceptible d’influencer d’une manière ou d’une autre les décideurs et, au-delà, une partie notable des consommateurs.