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Pour Bruno Parmentier, inciter les consommateurs à diminuer leur consommation de viande ne passera pas par la force ! Au diable les injonctions et autres culpabilisations, il faut donner envie notamment à travers la culinarité des alternatives végétales de qualité et la façon dont on en parle et dont on les présente.
On l’a vu, pendant tout le 20e siècle, les Français n‘ont eu de cessé d’augmenter leur consommation de viande et de lait (sauf pendant les 2 guerres mondiales, évidemment), puis ils ont commencé à la diminuer à partir de l’an 2000. Ce processus est évidemment trop lent, eu égard aux énormes défis écologiques et sanitaires auxquels nous devons faire face.
Certains politiques et leaders d’opinion avancent donc qu’il conviendrait de modifier la consommation des Français de façon autoritaire. C’est largement une vue de l’esprit dans un pays démocratique ! Même dans un pays dictatorial, ce n’est pas simple. Par exemple, au Pérou dans les années 70, le régime militaire en place a décidé de fermer autoritairement toutes les boucheries du 15 au 30 de chaque mois, de façon à obliger les Péruviens à diminuer leur consommation de viande et augmenter celle de poisson, qui est très abondant au large des côtes de ce pays. Ça n’a évidemment rien changé pour les paysans pauvres des hauts plateaux, qui ne mangeait que très peu de viande et seulement en autoconsommation, mais les riches habitants des grandes villes comme Lima se sont tous équipés en congélateurs !
L’inflation a davantage d’impact sur la consommation de viande que les injonctions.
En France, on ne voit pas très bien comment faire pour attribuer un quota de viande mensuel ou annuel à chaque Français ! La question est d’abord culturelle. L’Église catholique à bien fait entrer dans les esprits que le vendredi on mange du poisson plutôt que de la viande, et malgré sa notable perte d’influence, c’est encore le cas de la quasi-totalité des cantines françaises. Les écologistes tentent maintenant de faire le même coup avec le «lundi sans viande», pour reposer nos organismes qui souvent mangent trop pendant le week-end ; pourquoi ne pas, en effet, viser progressivement de ne manger de la viande que 5 fois, puis 4 fois, puis 3 fois par semaine ? Cela passe en particulier par l’institution d’un ou plusieurs repas végétariens par semaine dans les cantines scolaires, ou par la proposition systématique de plats de résistance végétariens dans celles qui proposent quotidiennement plusieurs choix.
Cela passe entre autres par le développement de l’élevage de poissons, qui est encore infime dans notre pays, contrairement à ce qui se passe en Chine et dans le Sud-est asiatique, à moindres degrés en Norvège et en Grèce.
Pour Bruno Parmentier, aucun doute ! Dans les décennies à venir, il va falloir largement remplacer la pêche par l’aquaculture. L'Europe et la France pourraient même avoir une sacrée carte à jouer en décidant de produire leurs propres poissons. Mais cela doit s'accompagner de certaines conditions pour parvenir à résoudre les défis sanitaires et maintenir la biodiversité afin de ne pas reproduire les dérives des modes d'élevages intensifs.
Un modèle inspirant également pour la culture d'algues qui représente une vraie solution d'avenir aux bénéfices multiples.
Mais cela passe aussi par un gros effort de promotion de recettes de produits savoureux et végétariens.Beaucoup de Français, en effet, ne savent pas comment faire de la cuisine végétarienne et gastronomique, simple à effectuer et qui plaise à tous, petits et grands, hommes et femmes. En particulier, ce serait bien de diffuser l’idée qu’il est tout à fait anormal de servir un plat de viande à ses amis quand on les invite à dîner le soir, dans un pays où pratiquement tout le monde mange de la viande à midi. Mais comment faire quand on n’a aucune idée de ce qu’on pourrait bien leur servir de valorisant et festif à la place ? On a vraiment besoin d’un nouveau Parmentier qui puisse rendre furieusement modernes et tendance des plats végétariens faits maison !
Cela peut aussi passer par la promotion de restaurateurs qui montrent la voie, comme ceux qui se sont regroupés dans l’association « Bon pour le climat ». Et par un changement sémantique, en intervertissant l’ordre des termes utilisés dans les menus. En Afrique du Nord, on propose bien du couscous ou du tajine, et ce n’est que dans un second temps qu’on propose de l’agrémenter de mouton, d’agneau ou de poulet. Pourquoi devrait-on, en France, d’abord, choisir du bœuf, du cochon ou du canard, et seulement, ensuite, choisir un « accompagnement de légumes ».
Le restaurant L’épi Dupin, affilié à l’association « Bon pour le climat » met en avant dans son menu ses « Aubergines façon Thaï » et autres « Etuvée d’épinards et carottes aux citrons confits » plutôt que leur accompagnement « Pavé de thon blanc » ou « Bas de carré de veau ». Tout un programme !
Et dans tous les cas de figure, il faut mieux informer le consommateur sur sa responsabilité environnementale, et diffuser l’idée que « quand on achète un produit, on achète le monde qui va avec ».Chaque restaurateur et chaque cantine devrait afficher la quantité de gaz à effet de serre de chacun des plats de son menu.
Dans ce deuxième volet de la série « Nous et la viande », j'ai demandé à Bruno Parmentier quel était vraiment le lien entre consommation de viande et réchauffement climatique ? Réduire sa consommation de viande et en profiter pour privilégier la qualité comme la propose la filière française semble clairement une bonne option à la fois pour notre porte-monnaie, notre santé et notre impact sur l'environnement.