Temps de lecture : 5 min
La planète se réchauffe à toute vitesse ; le GIEC nous le rappelle à l’occasion de la conférence de Glasgow. Chacun doit faire quelque chose pour tenter d’enrayer ce phénomène. Une des actions à la portée de tous consiste à modifier nos habitudes alimentaires. Nous avons maintenant bien compris qu’entre le quart et le tiers de nos émissions de gaz à effet de serre provient de l’agriculture et de l’alimentation, et que trois fois par jour nous pouvons donc à table choisir de réchauffer plus ou moins notre planète.
En moyenne chaque français émet deux tonnes et demi d’équivalent carbone en mangeant.
La première idée pour aider est celle de mieux choisir les aliments que nous mangeons. En effet, ils sont loin d’être tous égaux. Les fruits et légumes locaux et de saison génèrent vingt fois moins de gaz à effet de serre que ceux qui arrivent d’autres continents par avion. La viande émet beaucoup plus de gaz à effet de serre que les légumes ; le kilo de veau que nous mangeons émet 90 fois plus que les légumes de saison qui l’accompagnent et, en passant du « bœuf-carottes » aux « carottes au bœuf », on améliore nettement notre impact sur la planète. Mais c’est aussi le cas en préférant notre jambon-beurre national au double cheeseburger importé !
Le double cheeseburger (avec un buns + 2 steaks cuits de 100 gr et 2 tranches de 20 gr de fromage + tranches de tomates, cornichons, oignons, salade + sauce spéciale) pèse 11 900 gr d’équivalent CO2.
Le Jambon beurre crudités avec 1 tranche de jambon de 45 gr, beurre, tranches de tomate, cornichons et salade pèse, lui, 700 gr d’équivalent CO2 – Sources : Bon pour le climat.
Bref, il est plus que temps de diminuer notre consommation excessive de produits animaux : arrêtons la viande le soir si l’on en a mangé à midi ; de la viande, oui, mais pas tous les jours, et 80 grammes par personne au lieu de 150 ou 200. L’on peut également privilégier la viande de qualité, payée correctement, pour que les éleveurs continuent à vivre. Tout cela n’empêche pas de faire un repas de fête de temps en temps bien sûr.
C’est dans ce cadre que l’on a commencé à légiférer sur les menus des cantines, en demandant qu’un pourcentage croissant de la nourriture que l’on y sert soit labellisée local, bio, végétarien, de saison, etc.
On peut également citer l’association de restaurateurs Bon pour le climat, qui vise à diminuer l’impact carbone des menus des restaurants. Elle met à disposition, entre autres, un « Éco-calculateur » qui permet de calculer le poids carbone d’un menu. Grâce à cet outil il a été constaté qu’en moyenne, dans les restaurants qui servent des produits issus de l’agriculture intensive, un repas « pèse » 5 000 grammes d’équivalent CO2. L’association travaille à faire baisser ce chiffre à 2 200 grammes avec moins d’animal, plus de végétal et des produits de saison issus de l’agro-écologie, en polyculture et d’élevage local.
Les modes de production sont absolument fondamentaux et représentent beaucoup plus de gaz à effet de serre que le transport du produit final.
Mais le problème du poids carbone de nos menus est finalement bien plus compliqué que ça. Car il y a bœuf et bœuf, fromage et fromage, et même pain et pain ! En la matière, les modes de production sont absolument fondamentaux et représentent beaucoup plus de gaz à effet de serre que le transport du produit final, par exemple, surtout si ce transport s’effectue par bateau (le déplacement des cargos à travers les mers génère finalement peu de poids de carbone au kilo transporté).
Prenons le blé : il y a une différence considérable entre les émissions de gaz à effet de serre du blé traditionnel, du blé bio et du blé produit sans labour en techniques de conservation des sols. Donc, si l’on voulait être précis, il faudrait savoir si le champ de blé qui a servi pour faire mon pain a été labouré, possède des haies, a reçu des engrais azotés, des herbicides, des fongicides ou encore des insecticides, a produit des plantes fortement carbonées en inter-cultures, ou encore a été semé avec des légumineuses en même temps que la céréale.
La pomme qui vient du Chili à travers le canal de Panama pèse moins de gaz à effet de serre que celle de Normandie qui vient de passer six mois dans une chambre froide.
Quant au bœuf, a-t-il été élevé pour l’essentiel en plein air dans des champs entourés de forêts, ou bien s’agit-il de vaches de réforme élevées à l’étable pour l’essentiel avec du soja et du maïs qui ont poussé en Amérique latine au détriment de la forêt amazonienne ? Lui a-t-on ajouté dans sa nourriture des algues rouges qui lui font baisser fortement ses émissions de méthane ?
L’agriculture est à la fois un gros émetteur de gaz à effet de serre et un fixateur de carbone atmosphérique.
Autre exemple, la pomme. Il faut savoir qu’à partir du mois d’avril, la pomme qui vient du Chili à travers le canal de Panama pèse moins de gaz à effet de serre que celle de Normandie qui vient de passer six mois dans une chambre froide.
On voit que le compte exact est d’autant plus difficile à faire que l’agriculture est à la fois un gros émetteur de gaz à effet de serre et un fixateur de carbone atmosphérique. Il faut donc faire un bilan global en calculant combien de gaz carbonique, de méthane et de protoxyde d’azote ont été émis au cours du processus de production, mais aussi combien de carbone atmosphérique a été fixé dans les champs, les haies et les forêts avoisinantes. Ça n’est évidemment pas à la portée du premier consommateur venu.
Mais en la matière, on est en train de progresser et d’acquérir de réelles compétences. Au bout du chemin, bien évidemment on ne pourra pas fixer réellement un poids carbone à la baguette de pain que l’on achète chez le boulanger, mais l’on devrait pouvoir labelliser les fermes en fonction de leurs pratiques environnementales.
Verra-t-on un jour proche des cantines qui annonceront fièrement qu’elles servent majoritairement de la nourriture provenant de fermes labellisées bas carbone ?
C’est ainsi que le ministère de la Transition écologique et solidaire a lancé un nouveau label dit « Bas carbone », qui permet d’évaluer et de reconnaître les fermes qui font des efforts exceptionnels et au-dessus de la moyenne en matière de réchauffement climatique.
Cet outil, compliqué pour les simples particuliers, ouvre de nouvelles perspectives pour la restauration : verra-t-on un jour proche des cantines qui annonceront fièrement qu’elles servent majoritairement de la nourriture bio, locale, équitable, sous signe de qualité, avec un bon Nutri-score et provenant de fermes labellisées bas carbone ? Cela aurait un impact non négligeable si l’on songe que les cantines scolaires servent un milliard de repas par an. Sans compter que cela motiverait fortement les agriculteurs à demander le label afin d’avoir un accès privilégié à ces marchés.
D’ores et déjà, la loi EGALIM a permis de faire évoluer significativement la qualité des approvisionnements des denrées en restauration collective : à partir du 1er janvier 2022, 50 % des approvisionnements devront être réalisés sous signe de qualité (SIQO), dont 20 % de bio, en valeur. À terme, on pourrait y ajouter « et 20 % issu de fermes labellisées bas carbone ».
Verra-t-on des associations de parents d’élèves revendiquer à la fois que le prix du ticket de cantine ne soit pas trop élevé et qu’on y mange de la nourriture locale et / ou qui ne réchauffe pas la planète ? Et verra-t-on des municipalités annoncer fièrement lors de leur bilan : « Ici, nos cantines ont arrêté de réchauffer la planète ? »