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Souvent confisqué par un débat caricatural opposant viandards Vs vegans, le débat autour de la viande est rarement serein. D’autant plus que le lien avec les enjeux climatiques augmente les tensions et encourage les radicalités.
Dans ce deuxième volet de la série « Nous et la viande », j’ai demandé à Bruno Parmentier quel était vraiment le lien entre consommation de viande et réchauffement climatique ? Réduire sa consommation de viande et en profiter pour privilégier la qualité comme la propose la filière française semble clairement une bonne option à la fois pour notre porte-monnaie, notre santé et notre impact sur l’environnement.
Stéphane Brunerie.
Un végétarien qui roule en SUV réchauffe moins la planète qu’un cycliste carnivore ! La consommation excessive de viande est effectivement un véritable désastre pour la planète.
D’une part, les animaux d’élevage prélèvent une part de plus en plus importante des céréales et légumineuses récoltées sur la planète, actuellement de l’ordre de 50 % du blé, et 80 % du maïs et du soja. Pour nourrir ce cheptel en très grand nombre, il faut donc toujours plus de surface. Ces nouveaux champs sont très souvent gagnés sur la forêt vierge, qu’on a préalablement incendiée, en relâchant ainsi beaucoup de gaz à effet de serre et en arrêtant d’en fixer.
On peut également estimer qu’on a largement dépassé notre quota de ruminants sur la planète. Au départ, ils sont plutôt bénéfiques ; par exemple, dans le Massif central, il est très difficile de produire du blé ; la pluie tombe naturellement, l’herbe pousse et la vache limousine rumine ; dans les Alpes et les Pyrénées, sans troupeaux dans les alpages, pas de pistes de ski entretenues pour l’hiver.
Mais toute l’herbe qui peut être pâturée l’est actuellement. Et on a vu cette année qu’avec la sécheresse, il y a moins d’herbe et moins de foin, et qu’en conséquence, le nombre d’animaux qu’on peut élever sur un hectare a tendance à décroître. Du coup, on transforme les ruminants en granivore au point que toute nouvelle vache qui arrive en France est nécessairement nourrie au maïs et au soja d’Amérique latine.
Il se passe à peu près la même chose avec les chèvres dans les pays tropicaux arides, de savane : en trop grand nombre, elles surpâturent et le désert avance. Le Sahel se transforme en Sahara, la Mongolie se transforme en désert de Gobi, et l’Australie se désertifie à grande vitesse.
La vérité est qu’on a déjà trop de vaches, trop de chèvres et trop de moutons sur terre, et qu’il serait avisé de ne plus augmenter leur nombre, mais de mieux les répartir entre les différents pays. Notons que les Pays-Bas viennent de décider de diminuer autoritairement leur cheptel, précisément pour des raisons écologiques, ce qui provoque une révolte des éleveurs… et gageons que d’autres pays suivent prochainement cette tendance.
Densité des bovins en Europe.
En 2013, l’Europe comptait 122 millions de bovins, dont 19 millions en France, 12,6 millions en Allemagne et 9,8 millions au Royaume-Uni. Les Pays-Bas (4 millions de bovins) et l’Irlande (6,9 millions), ou la Lombardie en Italie (6,6 millions) présentent des populations bovines très denses, souvent supérieures à 200 têtes par km2.(©Livestock Geo- wiki)
De plus, les ruminants ruminent, un phénomène extrêmement efficace pour pouvoir digérer la cellulose contenue dans l’herbe et les feuilles des arbres, ce qui n’est pas donné aux autres animaux ni aux hommes. Mais cette fermentation des produits végétaux en milieu chaud et humide produit une grande quantité de méthane, un gaz 28 fois plus délétère que le gaz carbonique ; l’animal l’évacue sous forme de rots et de pets, et réchauffe ainsi puissamment l’atmosphère. De ce fait, les viandes rouges et plus globalement les viandes issues de ruminants (bœufs, veaux, zébus, chèvres, moutons, etc.) réchauffent beaucoup la planète et on gagnerait à diminuer de préférence leur consommation, pour privilégier autant que faire se peut les cochons, et surtout les volailles, qui sont quand même moins dramatiques pour l’avenir de la planète.
Un kilo de veau c’est 90 fois plus de gaz à effet de serre que le kilo de légumes de saison locaux qui l’accompagne. Il est vraiment urgent de passer du bœuf-carottes à la carotte au bœuf : 2 fois moins de bœuf et 2 fois plus de carottes (locales, bio, de saison, équitables bien sûr !). Un moyen fort simple de diminuer radicalement et de façon indolore ses émissions de gaz à effet de serre.
Une vache produit annuellement environ la même quantité de gaz à effet de serre qu’une voiture (source : Bruno Parmentier).
Au total, on estime qu’en France, le secteur de l’élevage pèse un peu moins de 14 % des émissions de gaz à effet de serre, et plus globalement celui de l’agriculture autour de 18 %. Ce n’est pas parce qu’ils sont les principales victimes du réchauffement climatique et que les agriculteurs et les éleveurs doivent apprendre à produire malgré ce réchauffement qu’on ne doit pas leur demander de produire mieux, sans réchauffer.
Mais nous avons encore beaucoup de choses à apprendre et à améliorer. On a découvert récemment par exemple, qu’une algue brune ajoutée à environ 5% à la ration alimentaire de la vache, diminue des 2/3 ses émissions de méthane.