Temps de lecture : 2 min
Les stratégies de montées en gamme sont souvent confondues avec celles de premiumisation. Entre les deux, un consentement à payer qui n’est pas toujours sans limite surtout sur des marchés alimentaires de base. Mais face à des mouvements de déconsommation structurels, la recherche de valorisation s’impose pour s’en sortir par le haut. Pour ce sixième volet et avant dernier de la série « Nous et la viande », Bruno Parmentier nous interpelle sur l’évolution du marché du vin. Selon, lui c’est un très bon exemple de mutation de toute une profession de la quantité à la qualité et qui devrait inspirer la filière viande pour répondre à une déconsommation déjà amorcée.
Dans les années 50, le moins qu’on puisse dire est que grand-père « abusait du litron », bonnes sœurs et curés compris : les Français consommaient alors 140 litres de vin par personne et par an (plus la bière, le cidre, et même un peu de Calvados dans les biberons !). Quand on allait au restaurant, la bouteille de vin rouge était déjà sur la table, et au comptoir, le ballon rouge était de loin la boisson la moins chère.
Aujourd’hui, nous en sommes à seulement 40 litres de vin par personne et par an. Et… le chiffre d’affaires de la viticulture française n’a cessé d’augmenter pendant toute cette période ! En gros, les vignerons ont dit aux consommateurs : « vous en voulez moins ? Ce ne sera que du bon, que du cher ! ».
Pour commencer, on a abandonné le litre pour ne proposer le vin que par bouteilles de 75 centilitres. On a expliqué qu’il ne fallait pas mettre de l’eau dans son vin, mais mettre 2 verres sur la table, un pour l’eau, un pour le vin. Le premier prix, qui était à 80 centimes de francs le litre, est devenu 3,50 € les 75 centilitres. Et on a réussi à transformer tous les Français en soi-disant connaisseurs, ravis de dénicher une bonne bouteille à 8 voire 15 € pour impressionner leur beau-frère.
On commence à voir la même évolution dans la viande et les laitages. Dans le poulet par exemple, la société Doux, symbole du bas de gamme, a déposé son bilan, alors que tout va bien (hors grippe aviaire) dans le poulet élevé en plein air à Loué ; dans le fromage, pas de problème pour le Comté. Le lait bio se porte mieux que le lait ordinaire. Et d’une manière générale, les petits élevages qui pratiquent de la vente directe sous signes de qualités se portent généralement mieux que les gros. Et l’industrie laitière française rivalise d’imagination pour proposer des produits toujours plus onctueux et savoureux, et toujours plus chers.
L’élevage français est donc très secoué, mais absolument pas condamné. Il y aura toujours de l’élevage. En 2050 on continuera à consommer de la viande, des œufs et du lait… en plus petite quantité, sous des signes de qualité et un prix nettement supérieur. Et on n’élèvera que les animaux qu’on pourra nourrir avec les végétaux produits dans notre pays ; et il est probable que les importations massives de maïs et de soja d’Amérique latine finiront par se terminer.
Dans ce deuxième volet de la série « Nous et la viande », j'ai demandé à Bruno Parmentier quel était vraiment le lien entre consommation de viande et réchauffement climatique ? Réduire sa consommation de viande et en profiter pour privilégier la qualité comme la propose la filière française semble clairement une bonne option à la fois pour notre porte-monnaie, notre santé et notre impact sur l'environnement.