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Dans cette nouvelle série, StripFood part à la rencontre d’acteurs politiques de terrain dans les régions, départements, mairies ainsi qu’au Parlement. Le point commun de ce casting inédit, des personnalités qui ont décidé de s’engager sur le thème de l’alimentation et de l’agriculture pour faire vraiment bouger les lignes.
Ils nous livrent leur vision de l’alimentation, nous racontent leur combat, les réussites dont ils sont le plus fiers mais aussi les difficultés rencontrées pour faire bouger le système. Inspirant.
Après Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire de Toulouse, délégué à l’Alimentation, puis Temanuata Girard, Conseillère régionale et vice-présidente déléguée à l’Agriculture et à l’Alimentation en région Centre-Val de Loire, et Gilles Pérole, adjoint au Maire de Mouans-Sartoux dans les Alpes-Maritimes, une commune résolument pionnière en matière d’alimentation durable, je suis allé à la rencontre de Richard Ramos. Le député du Loiret (MoDem), défenseur de la gastronomie française, est véritablement parti en croisade contre le sel nitrité dans la charcuterie.
Qui êtes-vous ?
Je suis député de la 6e circonscription du Loiret et considéré comme un grand défenseur de la gastronomie française. Je suis né à Blois d’un papa ouvrier et d’une mère sans emploi. J’ai d’abord gagné mon argent de poche en braconnant des girolles en Sologne que je vendais à des restaurateurs. Très vite, j’ai eu deux passions dans ma vie, ce qui se mange (et ce qui se boit) et les plus faibles dans la société. J’ai monté un foyer de sans-abris à l’âge de18 ans.
Mes parents n’ont jamais voulu que je fasse cuisinier, car ils trouvaient que je travaillais trop bien à l’école. À l’époque, quand on était fils d’ouvrier, il fallait monter en rang social sans être apprenti, une véritable aberration. Ensuite, j’ai gagné mon argent de poche l’été en tant que serveur. En fait, j’ai toujours été au cœur de l’alimentation.
J’ai rapidement constaté qu’il y avait une alimentation à plusieurs vitesses. Pour faire partie du monde des normaux, des riches, avec mes frères et ma sœur, nous étions très fiers d’aller une fois par semaine chez Cora à coté de Blois. Nous étions très fiers d’aller bouffer un steak haché de merde avec des frites bien grasses parce que nous rentrions comme les riches dans quelque chose qui était la consommation. Autrefois, les riches mangeaient de la viande et les pauvres des légumes ; aujourd’hui, les pauvres mangent de la viande et les riches mangent des légumes.
Mais je suis aussi le fils de pieds-noirs. Tous les week-ends, je mangeais soit une chorba, soit du couscous. J’allais aussi chez ma grand-mère maternelle dans un village à coté de Blois. Elle me faisait le vrai civet au sang dans lequel on a crevé l’œil du lapin. Je me suis véritablement interrogé sur mon identité à travers ce que je mangeais en prenant conscience que manger est à la fois une géographie, une culture et une histoire.
Enfin, côté politique, je me suis engagé très jeune chez les centristes en suivant la tradition familiale.
Quels sont pour vous les enjeux prioritaires autour de notre alimentation ?
Il est urgent de reprendre conscience de la valeur de notre alimentation et d’arrêter de nous expliquer que moins c’est cher, mieux c’est. Nous avons pendant trop longtemps laissé croire aux gens que l’on peut manger sans que cela coûte un peu d’argent.
Il y a une vingtaine d’années on dépensait en moyenne 20 % de notre budget dans l’alimentation. Aujourd’hui, c’est 11 %. Cela a été remplacé par de nouvelles dépenses, comme la téléphonie ou les loisirs. Autrefois, le fait de manger comme les autres faisait qu’on appartenait à la classe sociale des autres. A travers l’alimentation, moi le pauvre, ayant peur d’être exclu, pouvait rentrer dans le monde, comme les autres. Aujourd’hui, la reconnaissance sociale ne se fait plus par l’alimentation mais pas le dernier iPhone.
Quels sont les leviers à votre disposition ?
Mon travail de politique est de défendre l’idée que je suis ce que je mange. C’est un combat acharné de tous les jours !
Je me présente comme un défenseur de l’industrie agro-alimentaire mais je les empêcherai toujours de faire du marketing mensonger. Je pense vraiment que si les industries agro-alimentaires ne prennent pas ce virage vers le mieux-manger, elles n’existeront plus demain.
En tant que parlementaire, je me dois d’agir sur ces sujets avec comme levier prioritaire la loi. Elle doit pouvoir protéger les consommateurs et les citoyens.
Aujourd’hui, les gens ne vont plus à la messe, quelle que soit la religion, et ne croient plus en la politique ; la seule vision extérieure qu’ils ont c’est la télévision. Par conséquent, le politique a également un rôle à jouer dans la régulation de la publicité.
Quel est le principal frein auquel vous êtes confronté ?
Parfois, les lobbyistes sont plus puissants que les parlementaires et l’économique est au-dessus du politique. Dans tous les cas, ce n’est pas aux entreprises et aux marques de déclarer ce qui est bon ou pas, c’est aux politiques.
Quelles sont les actions concrètes dont vous êtes le plus fier et qui contribuent à faire vraiment bouger vraiment les lignes ?
J’adore la cochonaille, mais je déteste la cochonnerie ! Alors sur le sujet du sel nitrité dans la charcuterie, je n’ai rien lâché alors que la pression était vraiment très forte. J’ai d’ailleurs reçu davantage de soutien dans la société que dans l’hémicycle. Cela dit, au final, la loi a été votée (93 voix pour et seulement 1 contre) et va donc interdire de mettre cet additif dans la charcuterie française. L’Anses doit rendre son rapport dans 12 mois et ensuite on reviendra devant le Parlement pour mettre en place cette loi.
Je suis aussi très fier d’avoir fait en sorte de ne pas tolérer la pasteurisation dans les camemberts, une véritable hérésie.