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Dans cette nouvelle série, StripFood part à la rencontre d’acteurs politiques de terrain dans les régions, départements, mairies ainsi qu’au Parlement. Le point commun de ce casting inédit, des personnalités qui ont décidé de s’engager sur le thème de l’alimentation et de l’agriculture pour faire vraiment bouger les lignes.
Ils nous livrent leur vision de l’alimentation, nous racontent leur combat, les réussites dont ils sont le plus fiers mais aussi les difficultés rencontrées pour faire bouger le système. Inspirant.
Après Jean-Jacques Bolzan, adjoint au Maire de Toulouse, délégué à l’Alimentation, nous allons aujourd’hui en Région Centre-Val de Loire à la rencontre de Temanuata Girard, Conseillère régionale et vice-présidente déléguée à l’agriculture et à l’alimentation.
Qui êtes-vous ?
Je suis arrivée en Touraine en 2002 pour reprendre la ferme familiale de mon père à Luynes, le terrain de jeu de mon enfance. J’ai découvert l’agriculture en réalisant la transformation de cette ferme vers un élevage caprin pour le fromage et le lait. Je me suis converti en bio par la suite. Je me suis beaucoup investi dans le syndicalisme agricole en intégrant la Confédération Paysanne en 2012 puis en devenant secrétaire générale en 2017. J’ai beaucoup travaillé sur EGALIM et c’est à cette époque que j’ai rencontré François Bonneau, le Président de la Région Centre-Val de Loire.
Je m’identifie avant tout comme paysanne. Cela donne le la et on sait d’où je viens !
En 2019, à la fin de mon mandat, j’ai décidé de revenir m’engager en local, sur mon territoire et au plus proche de ma ferme. Je suis actuellement Conseillère régionale et 14e vice-présidente déléguée à l’agriculture et à l’alimentation.
Quels sont les enjeux prioritaires autour de notre alimentation ?
Pour moi, il y a 3 grands enjeux :
Le premier consiste à stabiliser le nombre de paysans dans la région en renouvelant les générations. En effet, d’ici 2026, 50% d’entre eux seront partis à la retraite. On doit faire face à plusieurs challenges pour encourager de nouvelles installations : la problématique de la rentabilité des modèles, les contraintes de pénibilité du travail et les aléas liés aux fortes fluctuations des cours des matières premières. Nous cherchons à maintenir la polyculture d’élevage qui permet d’atteindre la meilleure résilience alimentaire.
Nous avons perdu la valeur de notre alimentation et devons recréer du lien entre notre alimentation et nos territoires.
Le second enjeu est relatif à la relocalisation de notre alimentation. Notre engagement est d’atteindre une alimentation 100% locale (sur les productions existant en local) dont 50% bio dans les cantines des lycées d’ici 2027. Notre levier est la structuration des filières. Des établissements sont déjà bien orientés comme Gien dans le Loiret qui est à 50% d’alimentation locale, dont 20% en bio.
Enfin, c’est notre volonté de multiplier par quatre les Surfaces Agricoles Utiles en bio en structurant les filières afin de leur offrir les débouchés économiques. À date, nous sommes dans la région à 4% des surfaces en bio pour un objectif à 16%. Ce retard s’explique, car nous sommes une région très céréalière.
Quels sont les leviers à votre disposition ?
Le principal levier est le travail autour de la réduction du gaspillage alimentaire qui peut nous permettre d’économiser jusqu’à 30% des quantités de repas. Nous mettons également en place un principe de réservation des repas dans les lycées pour y répondre. Cela passe également par du matériel plus performant et une meilleure formation de notre personnel.
Quel est le principal frein auquel vous êtes confrontée ? Comment faites-vous pour le contourner ?
Il faut à la fois nourrir le monde et lui réapprendre à se nourrir. La différence de temporalité entre ces deux défis est complexe à gérer. Nous arrivons à contourner ce point en prenant le temps de mettre tout le monde autour de la table grâce à des échanges constructifs.
Je me rend compte qu’il y a une forte méconnaissance du milieu agricole et de ses problématiques et on bascule beaucoup trop rapidement dans les débats clivants pour peu de choses.
Quelles sont les actions concrètes dont vous êtes le plus fière et qui contribuent à bouger vraiment les lignes ?
Nous avons mis en place des outils pour aider à structurer les filières. Nous appelons cela « Cap Filières ». Au nombre de 15, ces démarches qui durent 4 ans permettent de regrouper les coopératives, les syndicats, les chambres d’agriculture ainsi que les représentants des interprofessions. On y définit tous ensemble les grands axes et la façon dont nous allons financer les actions.
Mon engagement, c’est une vision globale et une volonté constructive de faire avancer les choses à mon échelle.
Nous avons également créé une identité grand public avec la marque « C du Centre » en 2020. Avec déjà plus de 150 adhérents, nous avons labellisé 1500 références de produits bruts ou transformés valorisant l’agriculture et l’agroalimentaire local.
Enfin, toujours à destination du grand public, à travers « Nouvelles Renaissance(s) » en Centre-Val de Loire ». Il s’agit d’un festival de la créativité et de l’art de vivre incontournable mettant sous les projecteurs tous les atouts et valeurs de notre territoire régional autour d’une programmation événementielle foisonnante. Une attention particulière sera portée aux lieux emblématiques et méconnus du Centre-Val de Loire, aux créateurs, producteurs, jardiniers, chefs, aux dimensions environnementales, écologiques et de biodiversité. Cette opération est placée en 2022 sous la thématique du « Jardin de la France ».