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À l’occasion de la table ronde organisée pour la sortie de l’ouvrage collectif coordonné par Clémentine HUGOL-GENTIAL, Qu’est-ce que l’on mange ? Les savoirs alimentaires à l’aune des Sciences de l’Information et de la Communication aux Éditions Universitaires de Dijon, j’ai été questionné sur la question de la défiance envers les marques.
Comment expliquer cette perte de confiance et surtout, quelles pistes avons-nous pour la restaurer ?
La défiance, une lame de fond dans notre société
La défiance gagne du terrain dans nos sociétés. C’est une véritable lame de fond, renforcée par la crise de la Covid-19, comme l’a souligné Philipe Moati de l’OBSOCO lors d’une conférence tenue à l’ESCP le 26 novembre 2020. Elle concerne beaucoup de sujets, en particulier les institutions, les partis politiques, les médias ou encore les entreprises. Dans une étude du CEVIPOF sur l’état d’esprit des Français (février 2021), nous apprenons même que le sentiment de méfiance est très élevé en France (28 %), beaucoup plus que chez nos voisins allemands (11 %) ou anglais (7 %). Le secteur alimentaire n’y échappe pas et se trouve frappé de plein fouet par cette crise de confiance, d’autant plus qu’on se parle d’un acteur (comme une entreprise ou une marque) important, éloigné de son quotidien ou de son territoire proche.
De Martine à la ferme à « Tricatel » : le choc entre deux récits caricaturaux
La première cause de cette défiance est la rencontre entre deux récits absolument antagonistes. Nous avons progressivement perdu le lien avec l’amont agricole et cette agriculture nourricière (les saisons, les terroirs, le lien avec les producteurs ou encore la conscience de la valeur des savoir-faire de production et de transformation). Pendant ce temps, un certain marketing alimentaire de la « grande consommation » nous a raconté beaucoup d’histoires, voire même parfois dans certains cas de vraies salades. Nous étions véritablement dans un récit idéalisé du type Martine à la ferme. Et puis, en parallèle, nous avons été traumatisés par une série de scandales comme la viande de cheval avec Findus, la crise des œufs au fipronil qui nous a précipités dans une vision tout aussi caricaturale de l’agroalimentaire de type « Tricatel » dans L’aile ou la cuisse. La rencontre entre ces deux récits a contribuer à semer le doute.
La seconde raison est liée à l’accès à la connaissance, rendu quasi illimité, notamment grâce à Internet. Nous accordons notre confiance à des personnes ou des entités qui possèdent un savoir que nous n’avons pas, comme des médecins ou des enseignants. Mais aujourd’hui, la défiance s’installe progressivement et la parole d’un médecin, d’un média, d’une personne politique ou encore d’une entreprise et d’une marque peut être totalement remise en question car croisée, comparée, parfois même avec des informations qui ne sont pas justes.
Pour recréer la confiance, il faut développer la connaissance et restaurer du lien
Restaurer la confiance prendra du temps. C’est une responsabilité qui incombe à différents acteurs :
– Les médias, en recréant du lien entre des mondes devenus étanches (qui ne se comprennent plus car ils ne se connaissent plus) par la pédagogie mais également en montrant des actions concrètes qui changent positivement les choses au-delà de la simple indignation ;
– Les industriels et les agriculteurs, à la fois en jouant la carte de la transparence, en donnant des preuves et en agissant au plus près des consommateurs. Mais cette transparence seule ne suffit pas et doit s’accompagner de pédagogie (comme par exemple sur le sujet du Nutriscore comme abordé dans cet article) et d’un style de authentique, gage de crédibilité (un sujet à part entière) ;
– Les consommateurs, en accordant à nouveau du temps à leur alimentation pour lire les étiquettes, s’extraire des discussions de leurs réseaux sociaux et questionner les informations qu’ils diffusent eux-mêmes ;
– Enfin, les pouvoirs publics, en érigeant l’éducation alimentaire comme une priorité absolue et ce, dès le plus jeune âge. Le socle de connaissances doit être un lien précieux.
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