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L’hyperconsommation n’est plus soutenable. On fonce littéralement droit dans le mur et surtout, cela ne nous rend pas proportionnellement plus heureux. Alors, comment changer de logiciel ? Dans le cadre du colloque du Cercle de L’ObSoCo, Philippe Moati en appelle à prendre le sujet de façon systémique, car les consommateurs citoyens, les entreprises et l’état n’auront aucun pouvoir s’ils agissent de façon isolée.
Peut-on sortir de l’hyperconsommation ?
Tel était le thème du colloque du Cercle de L’ObSoCo qui avait lieu cette semaine réunissant des universitaires de différentes disciplines pour croiser leurs regards sur le sujet.
Philippe Moati, Professeur d’économie à l’Université de Paris et co-fondateur de L’ObSoCo est intervenu en introduction pour éclairer la question sur le thème de « Sortir de l’hyperconsommation : la nécessité d’une approche systémique ».
Avant de débuter son propos, il définit cette notion d’hyperconsommation comme le stade contemporain de la consommation porté par :
– l’extension du champ de la marchandisation (y compris à l’économie collaborative),
– une consommation qui vise beaucoup plus que le besoin, mais aussi l’expérience,
– une société qui promeut les valeurs matérialistes et le plaisir comme stade ultime du bonheur et sa promotion portée entre autres par l’influence des réseaux sociaux.
Il rappelle que ce modèle de l’hyperconsommation n’est en tous points plus soutenable. Selon lui, on fonce littéralement droit dans le mur et surtout, cela ne nous rend pas proportionnellement plus heureux.
Dessin by Xavier Gorce
Alors, comment changer de logiciel ?
Pour Philippe Moati, qui reprend la métaphore de Ulysse, 3 pistes à explorer :
1. Nous rendre sourds aux sirènes de l’hyperconsommation
Comment changer nos comportements quand les sirènes du marketing chantent de plus en plus fort en attisant le désir de consommer toujours plus.
En fait, la consommation remplirait selon lui un vide existentiel. Il en appelle à un véritable changement culturel pour redonner un sens à sa vie.
Deux pistes, comment potentiels nouveaux ingrédients du bonheur :
– la religion ou plus largement la recherche de sens dans la spiritualité
– les loisirs créatifs produisant quelque chose de matériel ou immatériel et participant à une forme de réalisation de soi-même, questionnant au passage la frontière en travail et passions.
2. Bâillonner les sirènes
Si la voie réglementaire est de plus en plus utilisée sur les sujets liés aux grands enjeux climatiques (loi AGEC, loi Climat et Résilience…), réglementer la publicité, voire même l’interdire peut-il être une solution pour éviter d’encourager les injonctions paradoxales que doivent gérer au quotidien le consommateur citoyen ?
3. Leur apprendre à chanter d’autres chansons
Dans « Ralentir ou périr : l’économie de la décroissance » Timothée Parrique explore le chemin de transition vers une économie de la post-croissance pointant la responsabilité du système capitaliste dans sa globalité. Philippe Moati en appelle plutôt à jouer avec ce capitalisme pour espérer déployer d’autres modèles.
– Créer de la valeur économique à partir de la qualité autrement dit moins de produits, mais des produits plus chers. Une stratégie de montée en gamme qui questionne bien évidemment la fracture sociale et alimentaire ,
– Continuer à promouvoir l’économie de la fonctionnalité et des services plutôt que celle de la propriété ,
– Insérer la vertu au sein du vice (le vice étant la recherche unique et à tout prix du profit), autrement dit faire du respect de l’engagement climatique un levier de la performance.
Pour espérer à la fois changer un modèle culturel d’un côté et un modèle de performance de l’autre, la tâche est juste colossale. Et dans ce contexte inédit, les consommateurs citoyens, les entreprises et l’état n’ont aucun pouvoir s’ils agissent de façon isolée. L’enjeu et sa résolution seront donc résolument systémiques.
Des pistes enthousiasmantes, mais Philippe Moati de s’interroger dans sa conclusion : « sont-elles vraiment compatibles avec le timing de l’urgence climatique ? »