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Le Réseau Action Climat a publié la seconde vague de son Baromètre sur la consommation de la viande réalisée en mars 2023 par Toluna-Harris Interactive.
On y apprend que si les Français se déclarent toujours autant consommateurs de viande (pour 97% « au moins de temps en temps » et seulement 2% « jamais »), la consommation quotidienne ne concerne plus que 27% des personnes interrogées, une proportion en baisse de 6 points par rapport à 2021. La consommation de viande devient en effet plus hebdomadaire (62% , + 6 points).
Globalement, 57% des Français affirment avoir réduit leur consommation de viande ces 3 dernières années, soit 9 points de plus qu’en 2021. La principale motivation citée est l’argument financier, en forte hausse depuis un an comme on pouvait s’y attendre, suivie par les arguments de santé, de bien-être animal et de protection de l’environnement.
Cette tendance ne serait pas uniquement conjoncturelle puisqu’à l’avenir, 39% des Français anticipent qu’ils consommeront moins de viande.
Ces chiffres sont en ligne avec d’autres enquêtes récentes, comme celle de Kantar World Panel, selon laquelle 46% des foyers français compteraient au moins une personne flexitarienne (contre 25% en 2015).
Cependant, il convient, comme toujours, de confronter ces déclarations avec les pratiques réelles. Kantar observe bien une baisse de 7% de la viande en volume sur 2022.
Mais il s’agit des achats des ménages pour la consommation à domicile et non de l’ensemble de la consommation.
La méthode du bilan d’approvisionnement, basée sur le calcul « production nationale + importations – exportations – variations des stocks », est la méthode est la plus robuste pour dégager des grandes tendances de consommation sur plusieurs années, même si elle ne correspond pas aux quantités réellement ingérées (il faut retirer les os et graisses contenus dans la carcasse, ainsi que des pertes et gaspillages générés tout au long de la chaîne alimentaire).
Selon ces données compilées par FranceAgrimer, après une baisse dans les années 1990 à 2013, la consommation totale de viande est plutôt en stagnation. La composition change toutefois, avec une croissance de la viande de volaille, au détriment de la viande bovine.
Source : FranceAgrimer
Comment expliquer cet écart entre les déclarations des Français (baisse de la consommation de viande) et la réalité (stagnation depuis quelques années) ?
- Par l’augmentation de la viande consommée en restauration hors domicile (la mode du burger, notamment, ne faiblit pas)
- Par la croissance des viandes contenues dans les plats préparés, snacks et produits transformés (sandwiches, pizzas, sauce bolognaise, etc.), qui n’est pas forcément considérée comme « de la viande » par les enquêtés
- Et bien sûr, par le biais de désirabilité sociale propre à toute enquête déclarative (on sait que « cela fait bien » de dire qu’on consomme moins de viande). Pour contourner ce biais, les enquêtes à partir des carnets alimentaires sont plus fiables, mais elles se font plus rares (voir aussi l’étude « Comportements alimentaires déclarés versus réels : mesurer et comprendre les écarts pour améliorer l’action publique »).
Devons-nous en conclure que les enquêtes déclaratives ne valent rien et que la consommation de viande ne baissera pas davantage dans les années à venir ? Je n’en suis pas si sûre. Je pense que ces enquêtes nous renseignent sur un point important : les aspirations des Français, les nouvelles normes sociales, qui sont en avance (et non en contradiction) sur les comportements. Dans un sondage Opinion Way pour Calif sur le régime alimentaire préféré, 49% des Français disaient vouloir manger davantage flexitarien, 19% davantage végétarien et 14% davantage vegan.
Ces chiffres sont encore une fois loin de la réalité des régimes actuels, mais nous renseignent sur les souhaits, contrariés par des freins divers. Parmi ces freins, la disponibilité d’une offre alternative à la viande à la fois gourmande, saine et bon marché est sans aucun doute déterminante. Or, je suis convaincue que ce frein sera levé dans les années à venir : en effet, toute une gamme de produits imitant la viande sans forcément être ultra-transformés, ou proposant des plats végétariens goûteux et de qualité, est en cours de développement. Ces innovations sont de nature à réduire la distance entre pratiques et désirs.
La viande ne disparaîtra pas pour autant de la table des Français : 76% estiment que pour être en bonne santé, il faut manger de la viande au moins une fois par semaine, et l’argent économisé par la réduction de la consommation serait majoritairement utilisé pour acheter des produits de meilleure qualité (bio, produite localement, animaux élevés en plein air, etc.)