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En partenariat avec l’OBSOCO, la Fondation Jean Jaurès vient de publier « La France à table » avec une analyse des 7 différentes postures des Français face à la transition alimentaire.
45% des Français sont engagés dans cette transition. Mais les multiples orientations favorisent une fragmentation de la société française. Alors que 18% des Français se positionnement à l’écart et/ ou en rejet de cette transition, ce sont bien les 36% d’indifférents qui seront intéressant à observer. En effet, comme le souligne cette étude « bien encré dans ses habitudes, ce groupe pourra, à défaut d’en être le vecteur, emboîter le pas de l’évolution de la société ». A condition de travailler sur les freins, comme bien entendu le pouvoir d’achat mais aussi les habitudes ou encore le socle de connaissances.
Les Français engagés dans la transition alimentaire (45%)
Les militants (8%) : une démarche éthique éco/égo-logique
Les militants (8% de l’échantillon) rassemblent une population plus féminine, en bonne santé, diplômée, urbaine, à l’abri de la contrainte budgétaire, très soucieuse de l’environnement et de sa santé et très fortement engagée dans une transformation en profondeur de son alimentation et de son régime alimentaire. Cette population développe une posture éthique affirmée et orientée vers le manger « sain » et l’écoresponsabilité. Les militants adoptent une démarche à la fois égocentrée et engagée pour l’écologie – dont la synthèse réside dans l’« écologie de soi » pour laquelle « s’alimenter sainement n’est pas qu’une occasion de répondre à des exigences sanitaires et alimentaires propres à la construction d’un corps sain », mais aussi « une manière de penser le monde et de le pratiquer »3.
Ces individus sont, pour des raisons éthiques, généralement très attentifs à l’origine et à la composition des produits de même qu’à leur impact environnemental, qu’il s’agisse de leur production, de leur conditionnement ou transport. Cette attention se manifeste via une fréquentation assidue des petits producteurs, des marchés et des magasins bio et un engagement fort dans des formes d’autoproduction alimentaire et le fait maison.
Cela passe également par des démarches de purification de son corps et des comportements alimentaires frugaux dont témoignent la très forte pratique de régimes alimentaires spécifiques permanents, flexitariens, « sans viande » et « sans » (lactose, gluten, sucre, sel…) et l’engouement pour les protéines végétales alternatives à la viande.
Les hédologistes (21%) : une démarche visant à (ré)concilier plaisir et responsabilité
Les membres de ce groupe représentent 21% de la population et associent très fortement l’alimentation au plaisir, qu’ils cherchent à concilier avec équilibre et responsabilité. À ce titre, le goût compte autant pour eux que les qualités nutritionnelles, les apports en calories des produits alimentaires ou les critères éthiques. C’est dans cet esprit d’équilibre que les hédologistes se montrent davantage enclins à pratiquer l’autoproduction alimentaire, en faisant pousser eux-mêmes leurs fruits et légumes. Pour ceux qui ne sont pas engagés dans des régimes alimentaires, ils sont nombreux à vouloir sauter le pas.
Les mangeurs « sans » (10%) : une démarche « santé » synonyme de « moins » et de « sans »
Le groupe des mangeurs « sans » représente 10% des Français engagés dans une intensification de leur conversion dans des régimes différents du modèle standard en lien avec une démarche de préservation de leur santé. Les membres de ce groupe sont majoritairement féminins, souvent urbains et très sensibles à la cause animale. Surtout, ce qui les caractérise est qu’ils souffrent, en plus forte proportion que les autres, d’une maladie diagnostiquée qui les empêche de manger certains aliments (allergie, intolérance, excès de cholestérol, obésité, diabète…). Ils montrent un intérêt important pour les qualités nutritionnelles des produits alimentaires qu’ils consomment et ont tendance à se tourner vers des régimes alimentaires permanents spécifiques – notamment flexitarien et « sans » (éliminant des substances néfastes pour la santé) – et à réduire les quantités d’aliments ingérés.
Les solutionnistes (6%) : une démarche technophile confiante dans les innovations alimentaires
Tout aussi préoccupés et investis que les précédents groupes dès lors qu’il s’agit de leur alimentation, les solutionnistes (6% de la population) adoptent une posture optimiste sur les capacités de l’agroalimentaire et de la distribution à évoluer vers une transition alimentaire favorable à la qualité. Ils se montrent disposés à s’engager dans toutes les formes d’innovation alimentaire. Plus jeunes et plus urbains que la moyenne de la population, plutôt diplômés avec un bon niveau de vie, les solutionnistes font davantage confiance au progrès économique, technologique et scientifique, et en la capacité de l’humanité à faire face aux défis qu’elle a à relever, tout en intégrant les préoccupations environnementales.
Les membres de ce groupe diversifient au maximum leurs modes d’approvisionnement alimentaire en recourant aussi bien aux artisans qu’au e-commerce alimentaire et à la livraison. Accordant une grande importance aux qualités nutritionnelles des produits et à leur impact environnemental global, ils font un usage important des applications anti-gaspillage et d’évaluation des produits.
Un peu plus de la moitié (53%) des solutionnistes sont actuellement engagés dans des régimes alimentaires permanents (dont 28% de flexitariens). Fidèles à leur sensibilité moderne, les membres de ce groupe sont relativement ouverts à l’idée de consommer de la viande de synthèse fabriquée en laboratoire.
Ces Français à l’écart de la transition alimentaire (55%) :
Si 45% des Français sont aujourd’hui engagés dans la transition alimentaire, une majorité (55%) est encore en retrait de cette dynamique, par indifférence, par mise à distance ou par hostilité.
Les indifférents à la transition alimentaire (36%) :
Groupe le plus important de la typologie (36% de la population), les consommateurs traditionnels sont globalement plus âgés que la moyenne, souvent retraités et peu ou pas diplômés. Bien que moins préoccupés par le lien entre l’alimentation et les questions de santé, d’environnement ou de responsabilité que les groupes précédents, ils s’y montrent tout de même relativement sensibles.
Mais pour eux, l’alimentation doit être un équilibre entre le goût, la santé, l’innocuité et la responsabilité. Leurs choix alimentaires résultent d’un arbitrage entre leur budget et la qualité des produits. Pour eux, bien manger est avant tout synonyme de cuisine faite maison et de plats traditionnels.
Si neuf consommateurs traditionnels sur dix ne pratiquent aucun régime alimentaire permanent, un peu plus d’un tiers d’entre eux comptent en suivre un à l’avenir (principalement le flexitarisme). Bien ancré dans ses habitudes, ce groupe pourra, à défaut d’en être le vecteur, emboîter le pas de l’évolution de la société.
Les désimpliqués (12%) : mise à distance de la transition alimentaire, valorisation de la convivialité et attention au prix
Peu désireux de changer, les désimpliqués (12% des Français) se montrent en outre bien moins attentifs aux effets de l’alimentation sur leur santé et moins sensibles à l’environnement que la moyenne, même s’ils le sont majoritairement. Pour eux, bien manger est avant tout synonyme de plaisir des sens et de convivialité, et la qualité alimentaire est centralement incarnée par le goût. Une recherche de plaisir donc, tout en étant très attentifs à minimiser leur budget alimentaire.
Les réfractaires (6%) : un rejet critique de la TA sur fond de précarité
Le groupe des réfractaires (6% de l’échantillon) rassemble une fraction de la population précaire, très contrainte financièrement et qui adopte une attitude critique systématique.
Les réfractaires ne se préoccupent pas ou très peu des conséquences sociales ou environnementales de leur consommation et se montrent peu sensibles à la condition animale. En plus mauvaise santé que le reste de la population (33% des répondants qui se déclarent en très mauvaise santé appartiennent à ce groupe), ils ne sont pourtant pas non plus attentifs ni préoccupés par les effets de leur alimentation sur leur santé. Empreints d’une insatisfaction concernant la vie qu’ils mènent (63%), corrélée à leurs conditions de vie matérielle, les réfractaires entretiennent un rapport à l’alimentation strictement fonctionnel, centré sur la praticité. Les réfractaires sont en recherche d’une alimentation bon marché, pratique et roborative et se tournent vers des produits industriels (plats tout faits, pizzas surgelées, pâtes à tartiner…).
Très critiques à l’égard de l’ensemble des acteurs de l’offre alimentaire, ils expriment une nette défiance à l’égard des produits bio vendus en grandes et moyennes surfaces (GMS), qu’ils ne consomment pas ou peu, et des produits porteurs des attributs de la transition alimentaire.