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Les progrès et techniques permettent certainement de comprendre l’historicité de l’alimentation, de ses choix et de ses justifications. L’empirisme des méthodes vouées à une nécessité d’adaptation de « pluriculturalité » et à une forme de «vivre ensemble» relance un nouveau chemin de lecture du fait alimentaire.
De plaisirs sains aux plaisirs furtifs
Comment comprendre empiriquement, humainement et sans s’appuyer sur des sciences absolues que le fait alimentaire, source de l’évolution de l’homme, soit aujourd’hui ce qui lui apporte crainte sur l’avenir et culpabilité envers les générations futures ? Comment comprendre qu’aujourd’hui la crise alimentaire, les crises sanitaires ou les scandales des fraudes, apportent plus d’échanges communicationnels que l’hédonisme et nous laissent finalement plutôt l’impression d’être profiteurs de plaisirs furtifs que l’impression de vivre de plaisirs sains ? Comment comprendre que l‘alimentation, qui était jadis une forme de « messie » du bonheur singulier de chaque rituel religieux, de « renouveau » de la vie et des saisons ou de « réussite sociale », soit aujourd’hui la « porte-parole » de la dégénérescence de l’humanité ?
Le fait alimentaire est un défi social total et majeur
Tous les comportements alimentaires perçus fonctionnellement sont loin d’aller de soi. Si l’évolutionnisme est l’ingrédient consensuel définissant ce qu’est l’humanité, créant des êtres aux comportements alimentaires variés et quelquefois inédits, alors le fait alimentaire est aujourd’hui un défi social total et majeur. Le fait alimentaire est souvent la racine de la lecture anthropologique d’une communauté afin de faire voir ce que les formes de vie humaine ont d’énigmatique.
Nos comportements les plus intellectuels et moraux sont avant tout réfléchis pour sauvegarder ou faire évoluer l’acte originel, l’acte nourricier. C’est donc un défi théorique que de percevoir l’avenir alimentaire et de savoir lire le présent. Les prescripteurs des bons choix alimentaires s’efforcent toujours de penser sa continuité. La volonté de pérennité humaine ou de sa propre survie, notamment liée aux nombreuses thèses et échos portant sur l’alimentation, souligne une continuité d’émergence qui profite par exemple d’un appui, au cours du XIXe siècle considéré comme l’ère du progrès, de l’industrialisation et de la création des techniques. Une époque embrouillée et foisonnante tant les héritages de cette période sont nombreux, avec leurs avantages techniques et médicaux et les inconvénients chimiques et empoisonnants, qui compliquent le schéma actuel de ce qu’est une bonne alimentation.
Vers un nouvel univers de culture alimentaire
En revanche, nous continuons de jouer cette proximité tout en la critiquant et passons ainsi à côté de spécificités de nos comportements théoriques de sortie. Devrions-nous créer une forme de césure radicale entre nos comportements alimentaires passés et nos comportements du XXIe siècle ? À moins que de vouloir être précurseurs, afin de créer un nouvel univers de culture alimentaire, ces besoins incessants de nouveaux eldorados créatifs risquent de faire accomplir un saut non seulement métaphysique, mais également une émergence naturelle non maîtrisable et un bouleversement comportemental des sociétés.
Seul le temps, qui sait construire l’historicité des individus, rend leurs choix responsables et légitimes et offre une réputation aux tendances alimentaires et créativités culinaires. La plus grande partie des conceptions de recettes, bizarreries et trucs de chefs cuisiniers, grandioses inventions agro-alimentaires et originalités de manière de se nourrir, ont gagné, après deux siècles, la qualité d’être reconnues comme de sublimes idées. Des disciples les ont copiés. Des auteurs en ont parlé.
Si notre société continuait de vénérer ce qui est ancien et de mépriser ce qui est novateur, la réflexion serait étranglée et le métier de cuisinier copiste aurait un grand succès. Toutefois, à compter de combien de temps, une idée n’est-elle plus novatrice ? Combien de temps faut-il pour qu’une création ou un acte innovant entre dans les normes et les mœurs, soit accepté et légitimé par l’opinion publique ? Dans trente ans, l’entomophagie et la viande in vitro seront-elles has been ?