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Sophie Janvier est la fondatrice d’Alisa-é, une société qui propose conférences, ateliers et webinaires nutrition pour les entreprises. Nutritionniste, elle reçoit à son cabinet, 6 place Saint-Michel à Paris, et en vidéo. Journaliste, elle écrit notamment pour Top Santé. www.sophiejanviernutritionniste.com
Si nous mettons de côté les produits 100 % bruts comme par exemple les fruits ou les légumes, qu’est-ce qu’un bon produit alimentaire ?
Un bon produit alimentaire doit rassembler selon moi trois critères. Il doit déjà posséder une bonne densité nutritionnelle. Il va nous apporter des éléments importants pour le corps et la santé comme les fibres, vitamines, minéraux, bonnes protéines, bons acides gras… Un bon produit alimentaire est aussi un produit qui a des ingrédients de qualité, comme des œufs de plein air, ou encore des ingrédients peu transformés. La transformation n’est pas à diaboliser en elle-même, mais il faut qu’elle soit la plus minimale possible. Enfin, un bon produit est un produit dont les ingrédients vont nous parler et que nous pourrions retrouver dans notre propre placard. Attention cela dit à certains contre-exemples comme l’acide citrique, qui n’est autre que du jus de citron.
Vous avez récemment écrit dans le magazine « Top Santé : « le marketing flatte notre désir, brouille nos perceptions, plutôt qu’il ne répond à nos besoins ». Le marketing n’est-il que de l’esbroufe ?
Tout n’est pas à jeter dans le marketing, qui a déjà un bon côté, car il permet de faire connaître les offres. Tant mieux, car c’est aussi ce qui participe à notre plaisir de diversifier nos choix et nos possibilités. Mais, le marketing, c’est l’art de présenter le produit sous son meilleur jour. La finalité n’est donc pas la santé ou le bien être, mais le fait que l’on achète. Il va stimuler certaines zones du cerveau et agir davantage sur les émotions et l’impulsion que sur le côté rationnel. Il va flatter notre désir et notre circuit de la récompense. C’est en cela qu’il représente un véritable biais. Il dit la vérité, mais pas toute la vérité.
Dans un précédent article publié sur StripFood, David Garbous affirmait qu’en attaquant le marketing, on se trompait clairement d’adversaire. Selon lui, le marketing et la communication peuvent même s’avérer des armes de construction massive pour transformer positivement la société ! Le marketing vous paraît-il acceptable s’il répond aux critères d’un bon produit ?
Encore une fois, tout dépend de ce qu’on met derrière le terme « bon produit ». À partir du moment où on arrive à faire un bon produit avec une qualité nutritionnelle et qui ne soit pas dans l’ultra transformation, oui, le faire connaître c’est très bien ! Mais attention, il peut y avoir des dérives. Nous savons aussi qu’il y a de nombreuses entreprises qui font reformuler leurs produits pour être plus conforme au Nutri-Score. Cela ne va clairement pas dans le bon sens car cela favorise le recours à l’ultra transformation.
Notre époque a tendance à stigmatiser un certain nombre d’ingrédients. Après le beurre, il y a plusieurs décennies, c’est désormais au tour du sucre, de l’huile de palme ou encore du gluten. Nous créons ainsi des obsessions ciblées autour de certains ingrédients et nous encourageons par conséquent un certain nombre d’allégations en ce sens. En quoi ces allégations « sans » qui fleurissent partout posent-elles un problème selon vous ?
Ces allégations « sans », la plupart du temps, sont un peu comme l’arbre qui cache la forêt. Sans sucre, sans gluten, sans huile de palme, il y a un effet de halo qui nous fait penser qu’il s’agit d’un bon produit alors que cela n’est pas forcément le cas. Ce qui compte, c’est la globalité du produit. Si un produit est sans huile de palme, mais riches en sucres, en acides gras trans et en addtifis, ce n’est évidememnt pas un bon produit. Cela dit, il faut là encore être plutôt nuancé. L’offre de produits sans gluten pour les personnes atteintes de la maladie de cœliaque reste utile et même indispensable car elle répond vraiment à la problématique du consommateur. Mais beaucoup de personnes achètent sans gluten en pensant que c’est bon pour la santé de façon globale. Ce n’est bien entendu pas le cas ! Les allégations « sans » provoquent des raccourcis dans notre esprit, on en oublie de regarder la qualité globale du produit.
Le Nutri-Score et d’autres applications en tous genres apportent une transparence demandée par le consommateur. Faut-il vraiment prendre ces notes au pied de la lettre ?
Ce qui me dérange dans ces notations, c’est qu’elles se positionnent aujourd’hui en concurrence. Le fait qu’il y ait parfois une guerre entre ces systèmes de notation sème le trouble et peut créer de la défiance chez le consommateur. Il faut prendre ces notes pour ce qu’elles sont. Le Nutri-Score évalue uniquement la qualité nutritionnelle, en simplifiant la lecture des valeurs nutritionnelles, mais il ne dit que ça et ne prend pas en compte la qualité des ingrédients ni leur degré de transformation. Le score Siga va nous raconter une autre histoire autour du degré de transformation, et c’est très utile. L’Eco Score environnemental, raconte une troisième histoire, liée à la préservation de la planète.
Quels conseils simples donneriez-vous aux consommateurs pour mieux acheter et consommer au quotidien ?
Le premier conseil est de manger le plus brut possible : consommer trop de produits ultra-transformés a un impact délétère sur notre santé, c’est aujourd’hui prouvé. Ensuite, quand nous achetons un produit du commerce, et que l’on regarde la liste des ingrédients, il faut se demander si l’on pourrait l’avoir fait à la maison. Plus la liste est courte, mieux c’est. Il faut vérifier également le ou les premiers ingrédients sur la liste. Par exemple, pour des lasagnes au boeuf, le boeuf doit arriver bien évidemment en numéro 1 ou 2 . Enfin, il faut être vigilant sur les quantités de ce que nous mangeons et se méfier des offres qui nous poussent à consommer toujours plus via des gros formats.