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« Bien manger coûte-t-il vraiment plus cher ? »
La question peut sembler viciée car les mots « bien » et « coûter » sont polysémiques.
Pour bien répondre, il s’agirait donc de bien les définir.
La sagesse populaire ou les discours dominants nous donnent envie de répondre avec tristesse « OUI ».
Il ne faut pas se mentir. Oui le bio coûte plus cher, oui les produits venant de France coûtent plus cher, oui la viande label rouge coûte plus cher… Intuitivement, on se dit que s’il fallait remplacer tous les aliments que l’on mange par leur version bio, labellisée ou locale, on ne finirait pas le mois. Alors comment demander à ceux qui ont déjà du mal de faire encore plus d’efforts ?
Mais justement ces mots sont mal compris.
Est-on sûr de ne pas se tromper d’idéal quand on définit le « bien manger » ?
Nous comprenons le « coût » uniquement de manière pécunière alors que c’est bien plus que cela.
Je m’explique.
Quand le « bien manger » n’est pas celui qu’on nous fait croire.
Nous faisons selon moi deux erreurs quand nous répondons « oui »
La première est de croire que bien manger veut dire manger des aliments plus haut de gamme : manger du caviar ou boire des grands millésimes bordelais comme idéal du « bien manger ».
L’autre erreur serait de continuer à s’alimenter de la même façon et juste acheter systématiquement un « label » là où on n’en achetait pas.
Le risque du « bien manger », c’est de rester à la surface des choses, par snobisme ou croyance.
C’est la raison pour laquelle pour moi, pour que cette question ne soit pas viciée, il faut d’abord éduquer au « bien manger ».
C’est uniquement ainsi que l’on pourra éviter de répondre « oui » à cette question et d’induire en erreur les gens en les culpabilisant s’ils n’offrent pas du caviar à leurs invités.
Il faut expliquer sans cesse aux gens les différents aspects du « bien manger » :
- pour soi : ce qui est bon pour la santé, apporte du plaisir, fait découvrir la variété des aliments et des manières de les préparer,
- pour la planète : le bien manger, c’est celui qui permet que ce que l’on mange aujourd’hui existe encore demain et si possible sous une meilleure forme,
- pour les autres : pour les producteurs mieux rémunérés, mais aussi pour nos convives, ce beau mot (« vivre avec ») qui désigne ceux avec lesquels on mange. Bien manger, c’est manger une nourriture qui nous réunit, qui nous rapproche, qui nous fait humanité.
Mais tout cela, cela coûte bien plus cher, non ?
On a déjà vu que « bien manger » n’est pas nécessairement choisir des aliments qui sont signes de richesse. Il y a un peu de sobriété dans le « bien manger ».
« Bien manger » génère d’abord des économies que l’on peut réinvestir pour plus de qualité :
- Parce que l’on va davantage faire soi même qu’acheter des aliments industriels.
- Parce qu’en faisant soi même, on va manger des aliments qui « nourrissent » plus (satiété) ou font moins boire (moins de sel) et donc on va réduire nos portions consommées par rapport à une alimentation industrielle « bas de gamme ». On va aussi gaspiller moins.
- Parce qu’on va avoir un impact positif sur notre santé, ce qui nous fera économiser à terme sur les frais occasionnés par une santé dégradée.
- Parce qu’en consommant moins souvent certains aliments (par exemple de la viande), on va pouvoir investir dans la qualité des aliments au sens large. Y compris les aliments préparés. La viande que l’on mangera sera de meilleure qualité et les plats préparés également.
Bien manger, non seulement cela ne coûte pas plus cher, mais en fait cela rapporte.
Bien manger », c’est plus de respect de soi, de la planète et des autres.
Cela ne nous coûte finalement pas plus d’argent mais peut être plus de temps et d’attention.
Mais cela nous rapporte : la santé, le plaisir de cuisiner et de déguster et d’être en contact avec les ingrédients et les autres.
L’industrie agro-alimentaire doit inscrire ses produits dans la préparation et pas uniquement dans la consommation toute-prête.
Cela n’a pas de prix.
Quelle mission pour l’industrie alimentaire alors ?
Eduquer. Améliorer sans cesse les recettes. Inscrire ses produits dans la préparation et pas uniquement dans la consommation toute-prête. Permettre l’accès au « bien manger » pour tous. Aider les personnes à repenser leur rapport à la nourriture et à se transformer en passant de simples « mangeurs » à « mange’acteurs »