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Pour Sandrine Doppler, les planètes seraient enfin alignées pour accélérer la consommation de produits locaux et par conséquent la transition alimentaire. Une des raisons serait que pour la première fois, les leaders d’approvisionnement de ce secteur arrivent à être au même prix final que les acteurs classiques de la distribution.
Depuis des années, j’explique qu’il existe deux freins majeurs à l’alimentation locale ; d’une part la complexité de l’approvisionnement dans les villes et de l‘autre, le prix des produits en circuit court. De manière globale, ceux-ci sont plus onéreux que les denrées issues des 4 coins de la planète.
Un paradoxe pour de nombreux consommateurs pour qui la proximité doit générer des coûts moindres. Ces deux données de l’équation ont été confirmées par la dernière étude « Pour de Bon » x Kantar* : 61% des Français consomment en circuit court au moins une fois par mois, soit 4 points de moins qu’en 2021. Pour près de 40% des consommateurs, le prix est la première raison invoquée, suivie par une difficulté d’accès à l’offre.
Le contexte économique de 2022 majore ce constat. Depuis le début de l’année, l’inflation atteint des niveaux record jamais enregistrés depuis 40 ans : 6,7%.
En point de mire, l’inflation record de 1974 de 13,7 % consécutive aux deux chocs pétroliers, point de départ du chômage de masse en France. Cela donnera naissance au phénomène de stagflation caractérisé par une forte hausse des prix. Si vous souhaitez plus d’information sur ce phénomène, je vous propose de lire le très bon article d’Olivier Mevel sur le sujet.
Le secteur alimentaire lui-même participe à ce phénomène. Dans un contexte tendu, de pénurie parfois et de difficultés économiques pour certaines familles, des foyers devront faire appel aux chèques alimentaires qui seront mis en place par le gouvernement à compter du 15 septembre. Si j’étais astrologue, je dirais que les planètes sont enfin alignées pour accélérer la consommation de produits locaux et par conséquent la transition alimentaire.
Pour une fois, j’ai des raisons, malgré la situation, d’envisager la possibilité de transférer tout ou partie de la consommation des fruits et légumes vers les produits locaux, à la condition de bien analyser les habitudes d’achat des consommateurs et d’accompagner cette tendance.
Ce n’est pas une utopie car dans les derniers entretiens que j’ai réalisés avec des entreprises d’approvisionnement, dont Direct Market un des leaders d’approvisionnement BtoB, en produits locaux, ils m’expliquent que pour la première fois ils arrivent à être au même prix final que les acteurs classiques.
Si l’équation est favorable, notre territoire reste hétéroclite en matière d’agriculture et les volumes de productions restent disparates selon les régions !
Le frein lié au prix disparaît pour les consommateurs appétant à ce type de produit avec en bonus une rémunération des producteurs à un plus juste prix au regard du travail qu’ils effectuent au quotidien. Pour tous les autres, qui faute de ressources suffisantes n’achètent pas de fruits et légumes, l’accès aux productions locales pourra s’effectuer via les chèques alimentaires, une aide d’urgence utilisée à la discrétion des bénéficiaires.
Pour aller plus loin dans cette démarche et dépasser le caractère ponctuel de cette aide, des ingénieur.e.s sans frontière Agrista (Agricultures et souveraineté alimentaire) et des membres du réseau Civamont ont conceptualisé le principe de droit à l’alimentation durable, qui garantirait un libre accès à des produits bio et locaux conventionnés.
Concrètement, la proposition consiste en une cotisation de 150€ par mois et par personne, dans le but de garantir aux personnes les plus précaires un bien meilleur accès à une alimentation choisie et de qualité. Cette démarche est déjà en cours via des actions locales ou nationales auprès des acteurs du food service et des cantines. Pour mémoire, les plus importants demandeurs de produits locaux sont la restauration collective et les IAA (industries agroalimentaires). Je préfère que nos consommions des produits locaux plutôt que des produits BIO qui arrivent de très loin, pour conforter un discours martelant que le bio est meilleur pour nos chères « têtes blondes ».
La prise de conscience cet été de la réalité du réchauffement climatique nous rappelle que la planète n’est pas à notre service, mais que nous avons le devoir d’en prendre soin ! La difficulté de nos producteurs à nourrir leur bétail ou bien de voir leurs productions détruites par les orages ou la sécheresse doit nous rendre plus humbles et raisonnables dans notre consommation !
Parler de transition alimentaire n’a pas de sens, si COLLECTIVEMENT nous ne prenons pas soin de notre planète.
Prendre soin de la planète et de sa biodiversité, c’est prendre soin de sa santé !
Consommer local c’est un premier pas vers votre transition alimentaire !
*Baromètre KantarXPourdebon – juin 2022