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Créée en 2016 par Nicolas Machard en étroite collaboration avec Chronofresh, actionnaire minoritaire derrière Webedia, la plateforme de vente en direct du producteur Pourdebon sort son baromètre annuel sur l’évolution des circuits courts (Etude Kantar réalisée en avril 2021 sur un échantillon de 1000 personnes). L’occasion de s’interroger avec son fondateur sur la manière dont s’organiseront et se définiront les circuits courts de demain.
Dans votre baromètre 2022 sur l’état des circuits courts, un retrait assez net se fait sentir par rapport à l’année précédente. Pourquoi selon vous ?
Cela s’explique certainement par la conjonction de la crise anxiogène en Ukraine, de la période électorale et de l’inflation. Sur notre site, je relève une augmentation des prix de plus de 10%. Par ailleurs, il semble que les consommateurs qui avaient renoué avec la cuisine au déclenchement de la pandémie reviennent à leurs précédentes habitudes de consommation. Malgré ce recul, je suis persuadé que le Covid-19 a eu un effet extrêmement positif. Si nous avions mis en place ce baromètre avant la pandémie, le bilan aurait été moins bon encore.
Quelles sont pour vous les enseignements par rapport à 2021 ?
La question du prix des produits, en lien avec le fond de crise actuel, m’apparaît centrale. Contrairement à l’idée régulièrement véhiculée par les médias selon laquelle la réduction des intermédiaires ferait baisser les prix, consommer de bons produits en circuits courts revient nécessairement plus cher qu’acheter dans la grande distribution.
Chez Pourdebon, la logique de la réduction des intermédiaires prime avant tout. Or, pendant le confinement, une vision localiste des circuits courts s’est plutôt exprimée. Cela vous a fait réfléchir ?
Ça m’a titillé à tel point que je sais que nous finirons par créer une application permettant aux utilisateurs de repérer nos producteurs aux alentours. Il faut également rappeler que si nous aimerions pouvoir répondre à cette demande, le contexte de la pandémie s’avérait particulier puisque les gens étaient figés chez eux. L’enjeu serait donc d’offrir la possibilité aux clients d’exercer leur vision personnelle du circuit court, qu’il s’agisse d’un rayon de 80 kilomètres, de 150 kilomètres ou bien à l’échelle du pays.
Vient ensuite la question de la logistique. Pourdebon a été conçu autour du maillage régional et national de Chronofresh. Est-ce que ce ne serait pas une vraie mission pour la poste de réfléchir à un maillage local ? J’ai commencé à échanger avec leurs responsables de l’innnovation pour déblayer ce sujet avant, peut-être, de réfléchir à une offre qui permettra aux producteurs de livrer localement de manière efficace, avec des outils de communication et informatiques obéissant aux mêmes normes partout en France. Des initiatives de la poste ou d’acteurs qui lui sont partiellement liés essaiment déjà mais l’efficacité passera selon moi par une entité capable de les chapeauter. Dans les campagnes, beaucoup de transporteurs Chronofresh utilisent des camions Chronopost avec des glacières à l’intérieur.
Quelles évolutions des circuits courts anticipez-vous dans les années à venir ?
La volonté de mieux consommer et de davantage de transparence alimentaire sur fond de préoccupation écologique est une tendance de fond. Le changement des modes de consommation se fera progressivement et passera notamment par des néo-paysans et une logique de polyculture-élevage qui remplacera peu à peu les très grandes exploitations. Je crois énormément au modèle qui était en fait celui de mon grand-père. Il possédait trois cochons, 50 moutons et un hectare de terres en maraîchage. J’observe d’ailleurs dans mon entourage de plus en plus de spécialistes du digital qui se lancent dans la permaculture. Pour manger local, il faudra produire localement un maximum de produits.
Avec le retour à des habitudes de travail plus classiques que durant la pandémie, ne craignez-vous pas un recul de la cuisine et donc des achats sur votre plateforme qui propose essentiellement des produits bruts ?
Aujourd’hui, 15% des produits vendus sur Pourdebon sont déjà transformés par le producteur, et je fais le pari que cela va continuer à augmenter. Par exemple, l’un de nos volaillers a vu ses ventes exploser après avoir commercialisé des morceaux au détail. Nous l’avons donc soutenu dans le développement d’autres préparations, comme du poulet tandoori, que nous avons mises en avant sur le site. Son activité a triplé. Un couple d’éleveurs d’ovins qui vendait ses produits à sec propose désormais des plats préparés comme des tomates farcies, du hachis parmentier et envisage même de développer une activité de traiteur à part entière afin de livrer des maisons d’hôtes locales. Même si tout indique dans les tendances sur les réseaux sociaux que la cuisine a de beaux jours devant elle, je pense que cette diversification devrait continuer à prendre de l’ampleur.