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Ce qui m’a interpellé dans la démarche de Henry Perret, spécialiste des valeurs, c’est sa façon d’appréhender une toute nouvelle segmentation des consommateurs / citoyens. Place désormais aux « engageants », des consommateurs prêts à payer, pas seulement avec de l’argent mais aussi avec du temps ou de l’énergie ».
Stéphane de StripFood.
Le marketing s’adresse depuis des années à la masse des consommateurs en y distinguant les catégories socio-professionnelles (CSP) pour personnaliser la communication. Cela devient alors du marketing « comportemental » lorsque sont développés une communication et des interactions en multicanal via des applications mobiles, le web, les réseaux sociaux, les prochains beacons dans les magasins.
La manipulation via la personnalisation est de plus en plus décodée par les consommateurs.
Cette communication s’occupe alors de « manipuler » le comportement des consommateurs par le biais de l’utilisation de l’intelligence artificielle pour déterminer la « next best action » au sein de parcours clients associés à des personas individualisés et pré-établis sur les CSP. Bien que présent et encore en développement dans la grande distribution, ce marketing de masse s’essouffle parce que les ficelles sont maintenant très visibles de certains consommateurs qui s’aperçoivent du tracking incessant que cela implique. Google, ou encore Facebook, à l’aide d’outils comme Criteo, sont les champions instrumentant ce marketing comportemental.
Le marketing 3.0 intègre les valeurs comme différenciateurs
Dans la longue histoire du marketing, qui a vu le marketing 1.0 – du type faire connaître la disponibilité d’un nouveau produit ou de création d’un nouveau marché – puis du marketing 2.0 qui faisait savoir les différenciateurs liés au produit lui-même, le passage du produit au service nécessite d’inventer un nouveau marketing dit « 3.0 », comme le nomme Philipp Kotler. Mais on ne peut protéger les services comme les produits au moyen de brevets. Les différenciateurs sont alors ailleurs. Pour Philipp Kotler, ces différenciateurs proviennent alors en plus de la qualité intrinsèque du produit, de valeurs liées à la fabrication (bio, chiche en eau ou en énergie), à la distribution (local, emballages et CO2), aux valeurs sociétales portées par la marque. Ces valeurs sociétales sont nombreuses et quasiment infinies.
Manipuler les valeurs et croyances par le marketing comportemental est un vrai risque pour la réputation des marques.
Il est possible de connaître profondément les valeurs sociétales représentées par les engagements des consommateurs mais continuer à utiliser les techniques du marketing comportemental décrit précédemment peut rapidement conduire à de la manipulation des valeurs. Quand le consommateur s’en apercevra, cette manipulation sera dommageable pour la réputation des marques et entreprises qui utiliseront ces techniques. Un exemple d’association non crédible (donc vue comme non sincère) d’une marque avec une valeur est la vidéo produite par Pepsi Cola en 2017 pour associer la lutte contre le racisme avec le fait de boire du Pepsi.
Notre époque sur-médiatise les activistes mais ils ne sont pas perçus comme crédibles par la masse.
Les marques cherchent à engager plus avec leurs clients et / ou leurs employés. Comme le mot « engagement » sous-entend une forme de réciprocité, les marques vont devoir s’engager plus pour les causes sociétales les plus importantes pour ces consommateurs engagés. Une des approches est d’associer une marque avec une association ou une ONG. C’est ainsi qu’on voit de nombreuses entreprises sponsors d’ONG type WWF, GreenPeace, Croix Rouge et autres. Le problème est que la portée reste limitée parce que cela n’embarque pas la masse mais seulement les bénévoles de ces associations. En effet la masse tend à considérer les engagés dans les ONGs comme extrémistes et donc comme ne les concernant pas.
Les engageants, une nouvelle catégories de consommateurs.
Chez Wassati nous considérons que pour engager plus, dans un mouvement qui potentiellement embarquera la masse, il faut regarder du côté des nouvelles formes d’engagements facilitées par les applications mobiles et Internet que sont ce que nous appelons les réseaux sociaux d’engagement, comme les sites de pétitions, les scanfood, les applications de consommation collaboratives ou participatives, etc.
Nous définissons ainsi une nouvelle catégorie de consommateurs autrefois rendus invisibles dans le ventre mou de la masse et qui utilisent ces outils pour exprimer leurs demandes d’une autre société de manière soft par rapport aux engagés « hard » des ONGs. Nous appelons ces nouveaux consom’acteurs des « engageants ». Ils trouvent de l’aide dans leur engagement soft car les applications de vote sur des pétitions, ou de distribution comme Welco, la nouvelle application de CestQuiLePatron pour se faire livrer, ou MyLabel, pour mieux choisir les meilleurs produits en rapport avec leur critères de valeurs, leur permettent de gagner du temps, de l’énergie ou de l’argent. Si les engagés dans les ONGs dépassent rarement les 3 à 5 % de la population, en additionnant ces « engageants » certains sujets vont rapidement atteindre le « tipping point », c’est à dire le point de rupture de 10 % crucial, car potentiellement engageant la masse caractéristique des mouvements de foule.
La confiance passe par des preuves concrètes de son authenticité.
Donc dans ce marketing 3.0, prônant l’engagement et des valeurs, les prochains médias auxquels il faut s’intéresser sont ces fameux réseaux sociaux de l’engagement et les « inspirants » qui sont des influenceurs partageant vos valeurs sur les réseaux sociaux standards (Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, TikTok et autres). Mais pour convaincre sur ces médias il faudra pas seulement clamer ou s’abriter derrière une « raison d’être » qui fait le buzz actuellement. Il faudra au contraire faire preuve d’une intention, de crédibilité, de sincérité et enfin d’humilité pour apporter des preuves concrètes au quotidien ainsi que dans la durée de votre authenticité.
Si votre marque souhaite être précurseur, innovante, vue comme réellement engagée et prenant des risques pour une meilleure société, intéressez-vous à segmenter vos clients ou futurs clients en recrutant plutôt dans la masse des engageants et associez votre communication avec ces nouveaux réseaux sociaux d’engagement.