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Censeur, coach en nutrition ou simple guide d’achat ? Le Nutri-Score a du mal à se faire comprendre.
Prémices
Alors que le PNNS (Programme national nutrition santé) a vu le jour en 2001, il a fallu attendre 2014 pour aboutir au Nutri-Score. Ce n’était pas le premier progiciel à tenter une évaluation nutritionnelle des aliments : les premiers, réalisés par des chercheurs, étaient d’une extrême complexité pour finalement se rendre compte que non, il n’y a pas d’universalité nutritionnelle et que décider qu’un aliment est bon ou mauvais vous emmène inéluctablement dans le mur.
Souvenez-vous ensuite de tous les systèmes qui ont défilé : feux tricolores, cartouches avec des chiffres et des pourcentages, symboles parfois abscons. Mais tous étaient basés que sur un très petit nombre de critères, insatisfaisants.
Sel, sucre, graisses saturées et calories ? Alors cela veut dire que l’on condamne le sucre bien qu’il permette à votre compote d’abricot ou de rhubarbe d’être mangeable (sinon, trop acide). Le beurre ? Sans lui, les haricots verts restent dans le plat. Sans chocolat ? Pas de goûter pain-chocolat, pourtant le plus équilibré des goûters ! Et le sel ? Sans lui, pas de pain, de fromage, de charcuterie.
Science-based Score
Le système Nutri-Score, lui, est parti d’un constat : les Français les moins favorisés d’un aspect nutritionnel ont besoin d’une aide qui soit incitative et attrayante, facile à comprendre et pas normative. Pour eux, le Nutri-Score est né et a fait ses preuves cliniques : les chercheurs et épidémiologistes spécialistes de la santé publique ont pu démontrer qu’il permettait aux sujets fragiles de faire de meilleurs achats et de magner mieux ou moins mal. Pari gagné. Ce sont ces preuves scientifiques qui font toute la force de ce label.
Ce n’est pas un censeur : il ne vous interdit pas d’acheter les produits rouge foncé mais vous informe qu’ils sont moins bons pour la santé. Le sachant, vous serez amenés à les consommer moins souvent, ou en moindres quantités.
Le Nutri-Score ne vous donne pas blanc-seing pour ne consommer que des produits vert foncé ou clair : ce choix ne serait pas équilibré. Il vous indique, dans un rayon donné, le choix le plus favorable à une bonne santé et celui qui y est le moins favorable. Ensuite, c’est à vous de jouer.
Le Nutri-Score est donc bien un guide d’achat destiné aux sujets les moins informés et les moins favorisés d’un point de vue nutritionnel. C’est pour cette raison qu’il a été adopté par d’autres pays européens et qu’il est en passe de devenir le système que l’Europe choisira comme label facultatif, mais unique, à présenter sur les emballages.
Inutile de vous dire que les détracteurs sont nombreux : les « Big 5 » ont mis de nombreux bâtons dans les roues des chercheurs, pour ensuite retourner à de plus simples sentiments. Mais encore aujourd’hui les Italiens et quelques autres freinent des quatre pattes car leurs fromages, jambons et autres charcuteries nationales sont dans le rouge foncé.
Le vrai atout du Nutri-Score
Améliorer les achats est une chose positive. Mais bien plus, le Nutri-Score a fait comprendre aux industriels qu’il était temps de se pencher sur leurs recettes, de les améliorer gentiment, afin d’avoir une meilleure note. Et c’est là que les chercheurs ont gagné car ces progrès permettent d’avoir de meilleurs propositions en rayon. La stratégie du nudge. Meilleure qualité : vous allez adorer !
Et si Nutri-Score était une super opportunité ?
Compliqué de se faire comprendre ?
- Nutri-Score donne une indication, pas une injonction ;
- En nutrition, rien n’est interdit : c’est juste une question de quantité et de fréquence ;
- En nutrition, la clef de voûte de l’équilibre, c’est la variété ;
- La nutrition est une affaire extrêmement complexe qu’on ne peut
- pas restreindre à un choix « oui / non » ou à une application.
Mais comment en sommes-nous arrivés là ?
Pourquoi doit-on, au XXIe siècle, conseiller des adultes sur leurs choix alimentaires ? Simplement parce que la grande majorité des aliments des rayons de supermarché n’existaient pas lorsque vous étiez petits et que vos « adultes encadrants » (le plus souvent vos parents), ne pouvaient pas vous montrer le chemin. C’est le cas des pizzas, des préparations panées, des biscuits « nouvelle vague », des softs XXIe siècle…
Même un nutritionniste peut se perdre dans les rayons à déchiffrer la liste des ingrédients et la composition nutritionnelle. Alors que d’un coup d’œil, vous pourrez constater que le beurre de cacahuète est moins mauvais pour la santé que le Nutella, que la pizza 5 fromages est moins favorable que la 4 saisons, et ainsi de suite (plus intuitif !).
La solution que je recommande est que les jeunes parents aient une base d’informations nutritionnelles afin de mieux former leurs petits à la complexité alimentaire. Plus tard, l’école pourrait prendre le relais, mais les enseignants se plaignent déjà d’avoir trop de travail.
Pourtant, dans notre siècle, si vous voulez que vos enfants aient une vie épanouie et heureuse, ils ont meilleur compte à avoir une alimentation équilibrée et un corps sain pour avoir une tête bien faite plutôt qu’être en surpoids, obèses et atteints de diverses pathologies connexes.
Tous semblables, mais tous différents.
À chaque fois qu’un patient me demande, anxieux, ce qu’il doit manger, je réponds invariablement : « C’est votre corps qui le sait. Demandez-lui ! ». En effet, seul votre organisme sait ce dont il a besoin et il a un langage simple et compréhensible pour vous en parler. C’est le plaisir ou le déplaisir.
Par exemple, lorsque vous avez envie d’une bonne viande, vous l’imaginez, vous en bavez… Lorsque vous la humez, la salive déborde (comme dans les dessins animés) et la première bouchée est tout simplement sublime. La cinquième est bonne. La dixième est correcte mais la quinzième est de trop, ne procurant plus de plaisir mais, au contraire, un certain déplaisir. Ceux qui mettent le plaisir et la nutrition dos à dos n’ont donc rien compris.
Suivre son instinct (et non pas ses caprices), reprendre confiance en soi et dans ses choix, redevenir maître de son alimentation en ayant la bonne information sur la composition nutritionnelle des aliments transformés proposée par un Nutri-Score : c’est tout l’enjeu, plutôt que de déléguer ses choix à une application qui n’a rien de scientifique et qui, en plus, ne vous connaît pas !
Du même auteur sur StripFood :