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Fake news, complots, information surabondante, multiplication de controverses, manque d’explications et de transparence.… Le climat actuel est à la fois anxiogène et déstabilisant. Il engendre de nouvelles craintes, attentes et comportements de la part des Français, et suscite des inquiétudes souvent infondées voire même des comportements irrationnels dans notre vie de tous les jours.
En cette période d’incertitudes croissantes, il est légitime de se poser la question de savoir quels sont les réels dangers connus pour notre santé : De quoi devrions-nous avoir réellement peur ? et que pouvons-nous faire concrètement ?
Nous en avons parlé, lors du dernier webinaire de Planet Food Santé, avec le Professeur David Khayat, le docteur William Lowenstein, Pascale Hébel et Nathalie Hutter-Lardeau, le tout animé par Sandrine Doppler.
Viser une spirale positive
Nathalie Hutter-Lardeau, nutritionniste, auteure et fondatrice d’Evidence Santé.
« La crise sanitaire que nous traversons actuellement a eu comme effet positif de replacer la santé au cœur de nos préoccupations », constate Nathalie Hutter-Lardeau.
Mais on observe aussi des craintes en matière de santé, parfois infondées sur le plan scientifique et véhiculées par les fake news.
En revanche, d’autres risques, comme par exemple la consommation d’alcool, ne sont pas suffisamment pris en compte. Or nous savons aujourd’hui que nous pouvons agir sur notre santé par le biais d’une meilleure hygiène de vie.
Il s’agit aujourd’hui de rétablir la vérité scientifique et d’apporter des solutions adaptées et d’être dans une spirale positive. Ce qui a conduit à la mise en place il y a 2 ans de l’ObRiSa®, Observatoire de la perception des risques de santé, en collaboration avec le CREDOC.
Entre perception des risques et réalité
« Il s’agit de comparer la réalité et la perception des consommateurs » précise Pascale Hébel, directrice du département consommation et entreprises du Crédoc.
Grâce à plusieurs outils, l’ObRiSa® permet de constater l’évolution réelle des peurs en dehors du brouhaha médiatique. On observe ainsi, une moindre utilisation du mot Covid, sur les Réseaux Sociaux, alors que ce n’est pas le cas dans les medias.
En complément, depuis 2019, deux vagues d’enquêtes ont été menées.
En novembre 2019, à la question, « Que sont pour vous les risques santé ? », les réponses étaient l’alcool, la pollution et le tabac. En 2020, le Covid arrive en tête, suivi de l’alcool et de la pollution.
La crise sanitaire remet en question notre sens des priorités.
« Les gens sont prêts à comprendre, la crise a élevé leur niveau de connaissances et de confiance dans le monde médical » Pascale Hébel
Une nouvelle relation à la santé
Notre relation à la santé est aujourd’hui très différente.
La population prend conscience sur des sujets tels que l’immunité, du rôle que peut jouer l’alimentation sur leur santé. De la même manière, la crise de la Covid a également amplifié les questions écologiques qui se posent en matière de changement climatique et de transition énergétique.
Pascale Hébel pointe les « éco-anxieux », environ 17-18% de la population, qui sont les plus sensibles à ces questions. Ils vont entraîner à terme, l’ensemble de la population vers de nouvelles normes structurantes basées sur la philosophie du One Health, une approche globale de la santé humaine et animale.
« L’alimentation ne pourrait-elle réconcilier le plaisir et la conscience ? » plaide Nathalie Hutter-Lardeau, la fondatrice de Evidence Santé.
Le Professeur David Khayat, oncologue et auteur du livre « Arrêtez de vous priver » (Albin Michel) livre un plaidoyer pour que l’on cesse d’écouter tout ce qu’on nous raconte.
Ne pas confondre danger et risque
Il convient de bien faire la différence entre les notions de risque et de danger insiste le médecin. Le risque correspond à la probabilité de rencontrer un danger. Le risque est donc plutôt lié au cumul des erreurs que l’on peut faire. Et c’est là qu’apparaît la notion de culpabilité. Or il ne faut pas vivre dans la culpabilité et la peur et se faire tyranniser. Si l’on additionnait tous les risques, tous les paramètres, on serait déjà mort assure-t-il. Nous vivons dans une société hygiéniste. « On fuit la mort, les rides, les kilos en trop, les cheveux blancs (…) et l’alimentation devient ascétique et médicale ».
« Ce n’est qu’en s’adressant à eux en toute transparence, avec des messages non injonctifs et culpabilisants, que l’on pourra petit à petit diminuer les peurs et appréhender les risques » Professeur David Khayat
Personnaliser sa stratégie
Alors que faire pour vivre bien et longtemps ? Le Professeur David Khayat milite pour que l’on écoute son corps et son esprit. Tous différents, nous ne sommes donc pas tous soumis au même environnement.
Prenons l’exemple du tabagisme, encore responsable de bien trop de morts. S’il y a un comportement addictif qui est le plus dangereux, c’est le tabac à combustion. Or il est possible de réduire ses risques et de se faire aider par la cigarette électronique ou du tabac chauffé.
Autre exemple de réduction des risques, pour une personne obèse de 140 kg à risque de diabète, maigrir fera partie d’une stratégie de réduction des risques.
« La santé et la liberté sont nos biens les plus précieux alors faisons tout pour les préserver » Professeur David Khayat
L’addictologie : une spécialité multidisciplinaire
L’addiction se définit comme la perte d’efficacité et de volonté. Certaines personnes vont en perdre leur indépendance et leur santé. William Lowenstein, addictologue définit le champ de son expertise.
L’addictologie est une spécialité multidisciplinaire relativement jeune, comparable à la cancérologie au début. « Elle se consacre à prédire, réduire les risques et soigner les personnes qui ont perdu ce double contrôle ».
Connaître les mécanismes de l’addiction
Deux points caractérisent l’addiction, précise le Dr Lowenstein : « vouloir mais ne pas pouvoir » et « savoir n’aide pas à pouvoir changer ». Les personnes savent qu’elles ont un comportement dangereux, néfaste, mais les mécanismes font que cela ne suffit pas. On continue ainsi à faire culpabiliser les personnes dépressives ou celles souffrant de troubles alimentaires en leur demandant de s’en sortir avec de la bonne volonté, ce qu’elles ne sont pas capables de faire.
Non à la tyrannie
Alors comment agir face à l’addiction ? Ni l’abstinence ni la prohibition n’ont fait leurs preuves. « Les prohibitions sont des échecs dans l’Histoire » constate l’addictologue. La tyrannie de l’abstinence est la pire des addictions. La tyrannie fait monter l’anxiété car on ne sait pas quand cela va finir. Il y a à la fois l’incertitude et l’impuissance.
Il faut aller dans les bonnes directions et développer des stratégies de prévention différenciées selon les âges, la situation de chacun et sortir de la tyrannie de l’idéal.
Pédagogie et liberté de pensée
Prenons la période que nous traversons actuellement. Face à la multiplication des injonctions et un certain paternalisme n’a-t-on plus de libre arbitre, de libre pensée ?
Il ne faut pas oublier que nous sortons d’une période de grandes certitudes pour affronter une crise de grande ampleur, ultra-critique, inédite et chronique. Or nous ne savons plus gérer les crises. Cela nécessiterait la mise en place de structures pour travailler le sujet dans sa globalité.
Lien vers le replay : https://www.youtube.com/watch?v=psif0IOolXQ