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Lors de la 26ème édition du salon du chocolat de Paris, il y avait de quoi se régaler !
Certes, la COVID a provoqué de nombreux désistements par rapports aux éditions habituelles – de nombreux acteurs étrangers n’ont pas pu venir, et quelques absences remarquées comme la maison BERNACHON, Patrice CHAPON, Jean-Paul HEVIN ou encore la Chocolaterie MORIN – mais le plaisir était intact ! Quel bonheur de pouvoir à nouveau déambuler et déguster presque comme si de rien n’était…
En amateur passionné, Laurent Meudic tient notamment à jour la CARTE DES CHOCOLATIERS BEAN-TO-BAR FRANÇAIS sur sa page Chocolat, le saviez-vous ?
Qu’est-ce que le chocolat bean-to-bar ?
Laurent MEUDIC vous explique tout dans cette précédente interview pour StripFood.
En partenariat avec StripFood, profitant de ce rendez-vous incontournable qu’est le salon du chocolat de Paris, il a interrogé différents acteurs qui nous livrent leur regard autour de 3 grands thèmes :
– les goûts des consommateurs,
– le marché et ses enjeux,
– l’évolution du métier de chocolatier.
François PRALUS
Praluline ? Barres Infernales ? Si cela ne vous dit rien, alors vous avez bien fait de lire cet article ! Cette maison reconnue comme l’une des références françaises dans l’art de la pâtisserie et du chocolat a été reprise par le fils, François, en 1988.
Et dès 1991, il se lance dans la fabrication de son propre chocolat de la fève à la tablette (bean-to-bar). Avec ses 18 boutiques (dont 3 sur Paris), cette entreprise familiale ne cesse d’innover. L’une des dernières créations est le « Carré de café noir » : une tablette de café à croquer, de beurre de cacao et de sucre…
VOTRE POINT DE VUE SUR…
… LES GOÛTS DES CONSOMMATEURS ?
Les clients mangent de moins en moins sucré, sont plus sensibles au bio, davantage connaisseurs aussi. Nous travaillons donc à redonner ses lettres de noblesse aux chocolats au lait, fortement cacaotés et pures origines par exemple. Et notre plus grosse vente, ce sont les tablettes 100% cacao de Madagascar !
…SUR LE MARCHÉ ?
Si les confinements liés à la COVID avaient considérablement ralenti les affaires, le retard a été largement rattrapé depuis ! Grâce au pouvoir d’achat en hausse faute de consommation, le nombre de clients et le ticket moyen par client a bien progressé. Pour nous, 2021 sera donc une belle année.
… SUR LES ÉVOLUTIONS DE LA PROFESSION DE CHOCOLATIER ?
Je ne fais pas du « bean-to-bar » un prérequis pour définir la qualité des chocolats que je déguste. D’ailleurs, j’apprécie le travail de plein d’artisans qui utilisent des chocolats de couverture, y compris les nôtres !
Du coup, j’observe le développement tous azimuts du mouvement « bean-to-bar », sans pour autant être systématiquement séduit, ni par les textures, ni par les arômes qui sont présentés…
Je considère que le 1er objectif d’un chocolatier est de faire « bon » pour le consommateur et ensuite, pourquoi pas d’essayer de le faire « bean-to-bar », mais pas l’inverse.
Enfin, l’idée de défendre la qualité des cacaos et les origines des plantations, je ne peux être que pour !
Estelle TRACY
Cette ingénieure française, chimiste de formation, s’est mariée aux Etats-Unis où elle réside depuis de nombreuses années. Touche à tout, passionnée par les échanges entre français et américains ainsi que par la nourriture, elle commence par créer un blog – Le hamburger et le croissant – qui va rapidement la mener à écrire « Le guide de survie alimentaire aux Etats-Unis », une bible incontournable pour tout(te) nouvel(le) expatrié(e).
Puis, elle crée un groupe Facebook « Bons plans gourmands aux Etats-Unis » suivi par près de 10 000 personnes. Enfin, voilà de nombreuses années, elle découvre l’univers des chocolatiers bean-to-bar (mouvement né aux USA), devient « chocolate sommelier » et met au point des sessions de dégustation sur la côte Est, au travers de « 37 Chocolates ». Depuis, elle anime entre 5 et 7 ateliers chaque semaine…
VOTRE POINT DE VUE SUR…
… LES COMPORTEMENTS DES CONSOMMATEURS ?
Aux USA, on trouve tous les types de consommateurs : depuis les débutants jusqu’aux amateurs très éclairés. En effet, pour ceux qui voyagent, le Costa Rica par exemple est une destination à la mode qui fait que certains connaissent déjà bien l’univers du cacao et du chocolat depuis la fève.
Mais ce qui différencie sans doute le plus français et américains, c’est leur comportement face aux produits « haut de gamme » ou considérés comme techniques : les américains se tournent moins facilement vers des produits qu’ils n’estiment pas faits pour eux. Ils vont avoir tendance à penser qu’ils n’ont pas assez de palais, et vont en quelque sorte s’autocensurer. Alors que pour les français, goûter un produit qui les sort de leur sphère de compétence n’est jamais un problème. Au contraire, ils n’hésitent à pas à saisir l’opportunité dès qu’elle se présente !
Par ailleurs, même si les différences culturelles tendent à se réduire ces 10 dernières années, les américains sont très sensibles à la manière dont les français décrivent les parfums, les arômes ou les goûts. En effet, les français rapprochent leurs sensations des sentiments, on utilisant des qualificatifs plus émotionnels, plus sensuels, voire plus charnels.
Après, les USA sont très dynamiques et tout y bouge très vite, beaucoup plus vite qu’en Europe. D’ailleurs, si par le passé c’est nous – français, suisses et belges – qui rapportions des chocolats aux USA pour les fêtes, désormais, nous n’hésitons plus à ramener des chocolats américains dans nos familles restées en France. Car, même si toute l’offre n’est pas encore facilement accessible partout aux USA, nous y trouvons des pépites qui font indiscutablement partie des meilleurs savoir-faire au monde désormais !
Hasnaâ & Vincent FERREIRA – La Fêverie à Bordeaux
Leur chocolaterie bean-to-bar est issue de l’union d’une pâtissière et d’un créatif, en couple dans la vie comme dans le chocolat ! Vincent est par ailleurs vice-président de l’association Bean-to-bar France (voir notre précédente interview) qu’ils ont fondée avec une poignée de confrères tout autant engagés dans une vision sélective de leur métier.
VOTRE POINT DE VUE SUR…
… LES GOÛTS DES CONSOMMATEURS ?
La particularité des consommateurs français, c’est qu’ils se tournent de plus en plus vers les chocolats noirs, que ce soit en tablettes comme en bonbons ! Pareil pour les pâtes à tartiner, notre best-seller est la noire intense.
Ensuite, sans doute est-ce à cause des valeurs que nous défendons, nos clients n’hésitent pas à investir dans leur nourriture, consommer « moins et mieux », ils demandent davantage de transparence, savoir qui fabrique et comment, avec quoi, etc… Et il est probable que la COVID ait accentué encore ce phénomène qui, pour nous, est une tendance de fond qui est en marche.
…SUR LE MARCHÉ ?
Beaucoup de chocolatiers racontent souvent de belles histoires pour surfer sur le développement de l’artisanat, du bean-to-bar, du fait maison, tout en étant très loin d’assumer les engagements qui vont de pair avec la démarche. Nous ne dénigrons aucun savoir-faire, mais à notre échelle, nous luttons contre les confusions qui tendent à mettre tout le monde dans le même panier.
… SUR LES ÉVOLUTIONS DE LA PROFESSION DE CHOCOLATIER ?
Le Bean-to-bar a (enfin !) bonne presse et cela attise les convoitises : beaucoup de chocolatiers achètent des micro-matériels, pas toujours de bonne qualité, rien que pour bénéficier de l’aura autour du phénomène. Mais parallèlement, ils continuent d’acheter la majeure partie de leur chocolat chez des couverturiers, sans forcément l’annoncer clairement. Cela participe à freiner les avancées en matière de transparence.
Quoi qu’il en soit, nous n’en sommes qu’au début du basculement du (presque) tout chocolat industriel vers la redécouverte du chocolat artisanal.
Appuyés par les fabricants de matériels qui innovent pour proposer des machines compétitives de plus petite dimension, par les sourceurs de cacaos, qui adaptent leur offre pour proposer des lots de tailles plus modestes, en tant qu’artisans, nous avons de beaux jours devant nous !
SHOUKA « Torréfacteur d’altitude » : Nathalie & Christian DUPERIER (membres de l’association Bean-to-bar France)
Voilà à peine 1 an que ce lieu emblématique pour tous les chamoniards a été réaménagé pour accueillir un lieu de gourmandise, centré sur le café et le chocolat bean-to-bar. Tous les deux issus de l’univers de la grande distribution, ils avaient envie de se jeter dans un projet recoupant leurs passions personnelles.
VOTRE POINT DE VUE SUR…
… LES GOÛTS DES CONSOMMATEURS ?
Nos clients sont curieux, aiment se faire surprendre, ils recherchent de l’authenticité et de la transparence. Nous avons donc ouvert notre atelier aux regards des visiteurs, car cela fait partie de notre mission d’aider à l’éducation du goût.
…SUR LE MARCHÉ ?
Si les chocolatiers et donc les consommateurs mettent le prix juste dans leurs chocolats, il y aura toujours des producteurs intéressés pour faire pousser du cacao dans leurs plantations. Nous pouvons agir concrètement pour préserver la diversité.
… SUR LES ÉVOLUTIONS DE LA PROFESSION DE CHOCOLATIER ?
Nous allons souvent aux USA, et le mouvement bean-to-bar explose partout dans le monde ! Dans le même temps, parce qu’ils ne sont pas aveugles, les industriels le voient aussi et ils chercheront à se développer vers une meilleure qualité de chocolats.
De notre côté, nous recherchons à développer notre marque auprès de distributeurs, de restaurateurs et d’hôteliers notamment.