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Posée sur Internet, la question « bien manger coûte-t-il vraiment plus cher ? » enflamme le débat de façon quasi instantanée. Est-ce une question de moyens, d’envie, de savoir-faire ?
Pour certains, ce ne serait pas nécessairement une question d’argent, mais plutôt de temps. Mais le temps n’est-il pas de l’argent ?
Bref, pas si simple, surtout quand on oublie de définir dès le départ ce qu’est exactement le « bien manger ».
J’ai décidé de dédier une série de contributions à ce sujet en croisant les regards d’experts confrontant ainsi, en deux questions et en deux minutes chrono, leurs visions afin d’affiner la nôtre.
Pour poursuivre cette série, j’ai le plaisir d’accueillir à nouveau pour la troisième fois sur StripFood Clémentine Hugol-Gential.
Clémentine Hugol-Gential est Maîtresse de Conférences HDR en Sciences de l’Information et la Communication au Laboratoire CIMEOS de l’Université de Bourgogne, dont elle co-pilote l’axe « Alimentation et Gastronomie ».
StripFood : Qu’est-ce que bien manger ?
Clémentine Hugol-Gential : Je crois que la première chose à souligner c’est que le « bien manger » renvoie à des représentations sociales qui diffèrent selon les citoyens-mangeurs et est fluctuant au cours du temps. Un rapport du CREDOC publié en 2014, portant sur l’évolution des représentations sociales du bien manger, note qu’entre 1988 et 2013 on est passé d’une vision conviviale du bien manger à une vision plus nutritionnelle en lien avec la question du manger-sain. Le bien manger est multidimensionnel, en fonction des catégories sociales, des besoins, des attentes, ou bien encore du lieu d’habitation, la hiérarchisation des dimensions ne sera pas la même. Le bien manger peut renvoyer à des dimensions environnementales, écologiques, nutritionnelles, conviviales, économiques ce n’est pas une dénomination figée et unanime c’est bien au contraire une notion contextuelle qui peut se comprendre que dans sa diversité et sa multidimensionnalité.
SF : Est-ce que bien manger coûte forcément plus cher ?
CHG : Avant la seconde guerre mondiale, une des principales peurs liées à notre alimentation était la peur du manque. Aujourd’hui, la nourriture est devenue physiquement et financièrement accessible pour une bonne part de la population française et mondiale. Cette situation de disponibilité, voire d’abondance alimentaire, est néanmoins très récente dans l’histoire de l’humanité et ne concerne pas toute le monde puisqu’en 2016, 815 millions de personnes ont souffert de la faim de façon chronique à travers le monde (FAO et al., 2017). En outre, nous sommes aujourd’hui au cœur d’une crise profonde, d’abord sanitaire mais aussi économique. En France et ailleurs, les associations ne cessent d’alerter sur l’urgence de la situation qui touche de nombreuses catégories : familles monoparentales, étudiants, travailleurs précaires, personnes en situation irrégulière sur le territoire et tant d’autres. En cette fin novembre 2020 a lieu la collecte nationale des banques alimentaires qui alertent face à une hausse de 20 à 25 % de la demande et une baisse de ses stocks de 23 %. Bien manger et tout simplement manger cela a bien évidemment un coût qui impacte plus ou moins le budget des ménages en fonction des diverses situations.