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Posée sur Internet, la question « bien manger coûte-t-il vraiment plus cher ? » enflamme le débat de façon quasi instantanée. Est-ce une question de moyens, d’envie, de savoir-faire ?
Pour certains, ce ne serait pas nécessairement une question d’argent, mais plutôt de temps. Mais le temps n’est-il pas de l’argent ?
Bref, pas si simple, surtout quand on oublie de définir dès le départ ce qu’est exactement le « bien manger ».
J’ai décidé de dédier une série de contributions à ce sujet en croisant les regards d’experts confrontant ainsi, en deux questions et en deux minutes chrono, leurs visions afin d’affiner la nôtre.
Aujourd’hui, je suis très heureux d’accueillir Sébastien LOCTIN, fondateur de BIOFUTURE. Sébastien clôture cette première série de regards croisés mais de nouvelles contributions suivront courant janvier.
« Papa engagé, passionné par la bonne bouffe, je suis né à Lyon, capitale de la gastronomie, au sein d’une famille de traiteurs, boulangers et pâtissiers. J’ai toujours eu le goût de la cuisine vraie.
J’ai donc naturellement effectué l’essentiel de ma carrière dans l’agro-alimentaire. Dès 1995, chez Lesieur au marketing puis à l’international, avant de poursuivre en 2004 dans le groupe Remy Martin dans le secteur des vins et spiritueux. En 2007 je prends la Direction Commerciale et Marketing d’un groupe de négoce international afin de restructurer des filières alimentaires en Afrique de l’Ouest.
Ce parcours « du champs à l’assiette » m’a permis d’apprécier ce qu’est devenue notre alimentation et de réaliser qu’on était très loin non seulement du souvenir que j’en avais enfant mais aussi de ce que je souhaitais pour mes enfants. En 2010, j’ai tout plaqué pour créer Biofuture, avec l’ambition de défendre, avec bon sens et passion, un modèle alimentaire qui prenne soin de l’Humain et de la planète. »
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StripFood : Qu’est-ce que bien manger ?
Sébastien Loctin : Je trouve révélateur au XXIème siècle dans une société dite « moderne » d’avoir à se poser cette question. Cela me renvoie en pleine face l’échec auquel nous sommes confrontés. Cela montre aussi que la norme a changé ! Car si l’on se posait la question de « qu’est ce que mal manger », l’évidence de nos assiettes nous sauterait aux yeux. Bien manger est devenu un challenge.
Bien manger est selon moi être un « concept » universel que l’on ne peut réduire à un seul objectif.
Dans « bien manger » il y a 2 notion, celle du « Bien » et celle du « Manger ». « Bien Manger », c’est donc littéralement « se nourrir de manière conforme à la raison et à la morale ».
Bien manger pousserait ainsi à se faire plaisir à travers des produits nourriciers, bruts, dépourvus de tout additif, issus d’une agriculture sans chimie, la plus locale et de saison possible.
La meilleure voie pour se faire du bien, prendre soin de ceux que l’on aime, sans faire de mal à notre planète.
Il est essentiel de redonner à l’alimentation le rôle central qu’elle a dans notre vie. Cela impose de retrouver du bon sens, de cultiver le savoir et d’investir un peu plus de temps en cuisine.
SF : Est-ce que bien manger coûte forcément plus cher ?
SL : Je ne suis pas du tout convaincu que « bien manger » coute plus cher. Tout est question de perspective et de temporalité. Lorsque nous mangeons mal, nous passons plusieurs fois à la caisse. Nous payons d’abord le prix au supermarché. Puis nous passons à nouveau à la caisse pour régler les factures environnementales, sociales et sanitaires.
Sur un plan environnemental par exemple, la production alimentaire génère 26% des gaz à effet de serre et est à l’origine de 32% de l’acidification des terres. En France plus de 50 Milliards sont investis chaque année pour lutter contre ces atteintes environnementales. Un budget financé par nos impôts.
Nous devons avoir conscience de l’impact financier de notre alimentation à court terme comme à moyen terme. Mal manger coute très cher.
Pour éviter une inflation de notre panier à court terme, il est impératif de changer nos habitudes ! Quelques règles simples permettent de maitriser notre budget : « Moins pour Mieux », «Les 3 V : Vrai, Variée, Végétale », « Davantage de cuisine maison ».
Les politiques pourraient également soutenir cette transition en appliquant par exemple un système de bonus/malus à travers des taux de TVA différenciés.
En ce qui concerne l’addition à moyen terme, les bénéfices d’une alimentation responsable sont nombreux. Une meilleure santé entrainera une diminution du budget de la sécurité sociale, une agriculture biologique entraînera une diminution du budget environnemental, la création d’emploi dans nos campagnes et nos PME entrainera une diminution des cotisations chômage, …
Au final, le tout pour une meilleure qualité de vie pour tous, des enfants en meilleur santé, plus longtemps mais aussi une planète vivable. Bref, le prix du Bonheur (qui pourtant n’en a pas) !
C’est donc mal manger qui nous coute terriblement cher au final. Nous payons collectivement une addition extrêmement salée dont hériterons nos enfants.
Bien manger c’est payer le juste prix.