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Les dernières campagnes de pub de l’enseigne Biocoop font peur ! Mais elles ne sont pas les seules. Unes de magazines, titres d’émissions, articles de presse,… La peur fait réagir mais elle peut aussi faire bien vendre.
La peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d’un danger ou d’une menace. Nous avons tous nos propres peurs (peur de ne pas y arriver, peur de faire mal, peur de décevoir…) mais chaque époque livre également son lot de peurs plus ou moins rationnelles.
La peur est veille comme le monde
En matière d’alimentation, la peur est n’est pas vraiment un fait nouveau. Le sociologue Claude Fischler l’analyse parfaitement bien : « Outre ce caractère intime, la condition omnivore implique une sorte de tension ou de stress intrinsèque. L’omnivore est pris entre des impératifs contradictoires. D’une part, il doit garder une certaine variété dans son alimentation. Il lui faut donc chercher des rations diversifiées et la nouveauté l’attire : il est néophile. Mais d’autre part, cette nouveauté lui fait peur : il est néophobe. Parce que tout aliment nouveau représente un danger potentiel. Il y a donc chez lui une tension constante, qui fait que par nature, l’omnivore est un animal anxieux vis-à-vis de l’alimentation ». C’est le fameux paradoxe de l’omnivore.
La peur comme levier de prise de conscience
Mais notre période a aussi compris que la peur était un ressort particulièrement utile pour mobiliser les citoyens, vendre des produits ou des papiers dans les journaux et donc clairement faire du business. Oui la peur est un formidable levier de prise de conscience jouant sur nos émotions. Les informations négatives et a fortiori anxiogènes ont (malheureusement) toujours beaucoup plus d’impact que les informations positives.
Poser des sujets sur la place publique de façon anxiogène n’est cela dit pas inintéressant. C’est souvent le début d’une prise de conscience à l’origine de changements de comportements comme en témoigne par exemple les actions des lanceurs d’alertes.
Ne pas confondre risque et danger
Mais chaque jour voit également brandie une nouvelle peur (à tort ou à raison) sans plus trop faire la différence entre la notion de risque et celle de danger. Les marques et les enseignes de distribution préfèrent parfois jouer sur ce registre plutôt que de valoriser des discours positifs risquant d’être perçus comme un peu trop mous. Enfin, en multipliant ces peurs, on précipite aussi parfois des alternatives sur lesquels nous n’avons pas franchement de recul.
A trop en abuser (et susciter à tort ou travers l’indignation des consommateurs ou citoyens) on risque de créer une forme d’accoutumance, de désensibiliser voir même de créer des comportements fatalistes. On observe même le développement de nouvelles pathologies comme l’orthorexie, l’obsession hygiéniste du manger sain.
La peur est donc une arme redoutable mais à double-tranchant dont notre époque abuse parfois. L’activer trop fortement nous renvoie à la fameuse fable d’Esope sur le garçon qui criait au loup. A méditer.