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Nathalie Hutter-Lardeau du cabinet de conseil Evidence Santé (ex. Atlantic Santé) m’a demandé de réagir à cette conférence de Anne-Claire Paré de l’agence Bento donnée à l’occasion du SIAL en 2018.
Le thème ? Santé et plaisir : nouvelles offres de produits sains et gourmands. « Il est fini le temps où les produits santé devaient être mauvais pour être considérés comme efficaces, le temps où pour se faire du bien il fallait se faire du mal. La tendance est au « Healthy sexy », des produits sains et gourmands, attirants et équilibrants… »
2 ans après, quand est-il ?
Le plaisir plus que jamais au cœur de l’alimentation
Vouloir réconcilier santé et plaisir, c’est reconnaître que l’acte alimentaire est avant tout un acte global. On mange, non seulement pour donner du carburant à son corps (l’alimentation est notre fuel), mais aussi pour se faire plaisir (à travers le goût bien évidemment mais aussi le plaisir des yeux) et, de plus en plus, en faisant des choix en ligne avec notre conscience.
En cela, la génération des produits alimentaires qui revendiquaient être sains mais qui n’étaient pas bons ont toujours été des niches et n’ont pas vraiment un grand avenir. Il en va de même (malheureusement) pour les produits « moches » qui ne rencontrent pas le succès qu’ils devraient.
De façon générale, si l’on veut faire bouger les choses en matière d’alimentation, la notion de plaisir reste essentielle.
Le « mieux manger » pour engager davantage
Maintenant, reste à définir ce que nous entendons vraiment par « santé », car il y a une forme d’abus de langage en la matière. Certains régimes alimentaires restent quand même les champions pour s’accaparer le sujet. On évoque dans la vidéo la déferlante plant-based, la raw food, les free form, voire même le paléo. Mais lier ces régimes à la santé n’est pas toujours aussi direct et cette notion de santé doit être aussi complétée par l’hygiène de vie (l’activité sportive en premier lieu). On peut donc manger des aliments sans gluten mais bourrés d’additifs, sans sucre mais ultra-gras, plant-based mais ultra-transformés. À trop vouloir en promettre, on frôle parfois le manque évident de crédibilité.
Il me semble plus intéressant de parler plutôt de « mieux manger », une notion qui met en mouvement le « bien manger » et invite chacun à l’action mais de façon moins dogmatique. Le « mieux manger » est une notion plus complète qui embrasse :
– Le socle commun de base du « bien-manger » composé de la sécurité alimentaire, du goût, de la santé (équilibre nutritionnel, limitation des additifs,…) sans oublier l’activité physique, le plaisir de partager ensemble un repas de façon conviviale ou encore le respect des saisons,
– complété par la notion d’équilibre : équilibre entre la consommation de protéines animales vs le végétal, entre des moments de contrôles vs des moments de lâcher-prise, entre le fait maison vs l’alimentation industrielle ou encore la juste portion pour éviter le gaspillage alimentaire,
– et enfin couronnée d’éléments de conscience plus individuels comme le local, l’équitable, le respect de l’environnement ou encore le bien-être animal.
Et sans oublier l’accessibilité
La crise que nous vivons va accentuer fortement les inégalités sociales, déjà très fortement marquées dans nos sociétés. Si la tendance décrite dans cette vidéo en 2008 consistait à réconcilier plaisir et santé, je dirais que le prochain challenge sera celui d’y adjoindre l’accessibilité.
Bref, à bien à réfléchir, en tant que consommateur on voudrait bien tout mais reste encore à prendre conscience de ce que nos choix impliquent vraiment et que la « qualité » a un coût et donc un prix. Des fruits « made in France » seront évidemment plus chers (ce qui est lié au coût du travail et aux avantages sociaux que nous défendons par ailleurs en parallèle) ; des fruits ou légumes sans traitements seront plus moches et se conserveront beaucoup moins bien ; une pâtisserie produite avec des œufs de poules élevées en plein air engendrera des coûts liés à la transformation des modes d’élevages que doivent supporter les agriculteurs qui doivent transformer en amont leurs outils de production ; des produits sans emballages seront moins pratiques car ils se conserveront moins bien ; un macaron sans colorants sera moins esthétique et donc moins flatteur pour nos pupilles.
En conclusion, on ne peut plus défendre une approche jusqu’au-boutiste de l’alimentation qui consisterait à radicaliser une offre parfaite (soi-disant) adressée à une seule minorité qui aurait les moyens d’y souscrire. Notre époque nous invite donc désormais à davantage d’équilibre entre le bon, le bien-fait et le prix juste.