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Une glace à la fraise flamboyante, du jambon rose bonbon, un macaron vert pétard, des abricots secs bien orangés… Dans notre alimentation, nous sommes tous flattés par l’éclat des belles couleurs !
Mais de nos jours, la chasse aux additifs superficiels, comme les colorants ou certains conservateurs, devient une lubie et nous amène à exiger des listes d’ingrédients toujours plus clean. Mais sommes nous vraiment prêts à franchir le cap et à accepter de voir la vie en gris ? Pas si sûr !
Exemple avec deux produits emblématiques : le cola et le jambon.
Leclerc vient de sortir un nouveau cola à sa marque « Jean’s Cola » dont la particularité est d’être totalement transparent ! Quand on est face à ce produit en rayon, il n’est d’ailleurs pas forcément aisé de comprendre qu’il s’agisse d’un cola sans colorant ! Mais la campagne de communication qui l’accompagne est extrêmement claire « Si notre nouveau cola est transparent, c’est parce qu’il est sans colorants « . Et l’annonce spécifie également qu’il a le vrai goût d’un cola.
Les consommateurs vont ils succomber pour autant ? Pas évident !
En 1994, Casino avait déjà tenté de lancer du « Clear Cola », puis ensuite Pepsico et plus récemment le leader Coca Cola au Japon… Mais sans grand succès. Les consommateurs de Cola sont non seulement très attachés à la couleur identitaire mais également au goût de cette boisson culte. Et après dégustation, on se rend compte que la suppression de ce colorant a également des impacts sur le goût qui devient légèrement citronné. Enfin, le « clear cola » de chez Leclerc coûte 50% plus cher que le référent ce qui reste un frein énorme à son développement – en tout cas sur une population de masse.
Le colorant caramel est au cola ce que les sels nitrités sont au jambon, c’est-à-dire l’ingrédient que le consommateur a dans le collimateur ! Après Herta puis Monique Ranoux (Intermarché), c’est au tour de Fleury Michon de se lancer cette année dans la bataille du jambon sans nitrites. Les industriels utilisent traditionnellement cet ingrédient comme conservateur permettant de prévenir le développement de pathogènes dangereux comme le botulisme, la listériose ou la salmonellose, mais également pour donner sa couleur rose au jambon cuit. Sinon, le jambon vire au gris (comme le rôti de porc d’ailleurs ce qui ne nous pose pourtant pas de problème, curieusement) et ne se vend plus !
Dans cette nouvelle offre de Fleury Michon, le jambon est effectivement de couleur grise et sa date de consommation se voit raccourcie à 8 jours contre 21 jours pour un jambon classique, ce qu’explique de façon pédagogique parfaitement bien la marque sur son packaging. Autre différence, le jambon sans nitrites est plus salé que le standard et son Nutriscore ainsi dégradé de B à C. Enfin, son prix de vente est 15% plus cher que jambon à teneur en sel réduite mais beaucoup plus cher que le jambon « de base ». A noter que seul le jambon sans nitrites de Fleury Michon est gris grâce à un procédé bien spécifique (bouillon à base de baies de genièvre, de laurier, de poivre, de clous de Girofle, d’ail, d’échalote, d’extraits de romarin).
Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge. Pablo Picasso
Ces initiatives positives répondent bien à une demande légitime vers de plus en plus de « naturalité ». Mais ces changements ne sont pas uniquement des changements d’ordre esthétique conditionnés par des habitudes pouvant elles-mêmes évoluer. Il reste donc à savoir quelle part des consommateurs acceptera de faire un certain nombre de concessions (aspect, goût, praticité) et surtout d’accepter de payer un prix considérablement plus élevé pour ces offres.
A moins que cela ne serve davantage à agir globalement sur l’image de ces marques et de leurs engagements vers toujours plus de transparence et de naturalité voir d’initier un mouvement plus global en entrainant d’autres marques dans le sillage… Auquel cas, ce serait déjà un succès.