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Faut-il vraiment écouter les consommateurs ?
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#11 Remy Medina, Partenaire IPLC France (International Private Label Consult)
Dans une époque hyperconnectée où chaque expérience, du repas au restaurant en passant par l’achat en ligne ou même aux visites des toilettes publiques, est scrutée et évaluée, l’écoute du consommateur semble devenir une obsession pour les entreprises. Mais cette écoute est-elle vraiment synonyme de décisions éclairées et alignées avec les objectifs des entreprises ?
Impact des Applications d’Aide à la Consommation
Des efforts ont été faits pour que les consommateurs fassent des choix de plus en plus informés, notamment grâce à l’utilisation grandissante des applications d’aide au « Mieux consommer » telles que Yuka ou ScanUp, ou encore le Nutriscore. Cependant, il est important de noter que ces initiatives proviennent souvent des consommateurs eux-mêmes ou de tiers, plutôt que de l’industrie, qui semble au final n’écouter que sélectivement les attentes de ses clients. La méfiance croissante envers l’industrie agroalimentaire et la recherche de transparence ont conduit à l’émergence de telles applications. Cette défiance est en partie alimentée par une opacité de la filière sur les éléments moins attrayants tels que l’origine et la qualité des matières premières, les conditions animales, les conditions de travail et l’impact environnemental. Ces outils numériques répondent à un besoin de transparence nécessaire aux consommateurs pour faire des choix plus informés et conscients.
Le Mythe du Consommateur Éthique et de la consommation responsable
Il est vrai que les consommateurs peuvent ne pas toujours savoir ce qu’ils veulent ou peuvent ne pas être capables d’exprimer clairement leurs besoins et désirs. Une des principales difficultés provient aussi du décalage entre les intentions et les comportements d’achat des consommateurs, un décalage discuté dans l’ouvrage de 2010 « The myth of the ethical consumer » de Timothy Devinney, Pat Auger et Giana Eckhardt. Au moment du choix, bien que sensibles aux questions éthiques, beaucoup se concentrent sur le prix, la marque et les aspects fonctionnels des produits. Le discours de la consommation responsable, bien que logique et vertueux en apparence, véhicule une vision faussée de l’acte de consommation car l’environnement des actes d’achat n’est en rien propice à refouler les achats impulsifs menant à la surconsommation.
Le Rôle de la Grande Distribution
L’urbanisation grandissante a écarté les consommateurs des lieux de productions, ne leur laissant pour la plupart qu’un lien au monde agricole au travers des supermarchés, où ils font le plus gros de leurs achats alimentaires. La grande distribution, représentant 55% des achats (données CIRCANA année 2023), s’est imposée comme la seule et unique garante des intérêts des consommateurs, souvent en mettant l’accent sur la bataille des prix à grand renfort de communication média. Le top 5 des annonceurs en France est composé de 4 distributeurs alimentaires. Difficile alors de blâmer les consommateurs sur leur décalage entre intentions et actes d’achats.
Écouter ? Oui, mais pour quoi ?
Écouter les consommateurs reste cependant essentiel, mais seulement s’ils sont suffisamment informés pour surmonter leurs biais cognitifs et choisir ce qui est bénéfique pour le bien commun. Il est donc crucial de renforcer l’accès à l’information pour tous. En faisant cela, nous ne nous contentons pas d’écouter les consommateurs ; nous les habilitons à faire des choix responsables qui peuvent et doivent devenir partie intégrante des valeurs des entreprises. Un bel exemple est le succès de la marque « C’est Qui Le Patron », qui, grâce à son modèle participatif et transparent, a permis d’avoir un impact culturel et médiatique pour mettre en avant une plus juste rémunération des producteurs, un des enjeux de la crise agricole actuelle.