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En quelques mois, nous sommes passés de la thématique du mythe du monde d’après à celle de la désillusion.
Désillusion comme par exemple au regard de certains comportements observés (photos des masques et de gants jetés dans la nature) ou encore vis à vis des clients disparus dés la sortie de la crise dans les circuits courts.
Comme l’affirme Philippe Goetzmann (consultant en grande consommation et agroalimentaire) au cours du Webinar « Circuits-courts, illusion ou modèle alimentaire gagnant post-covid ? » organisé par Sandrine Doppler (consultante en transition alimentaire et innovation) (en replay ci-dessous), « rien ne change, tout s’accélère ».
Rien ne change tout d’abord car la consommation pendant la période de confinement a été avant tout une parenthèse mettant la consommation sous contraintes, ce qui n’est pas le cas dans la « vraie vie », où les contraintes de déplacement et de temps sont bien différentes. D’autre part, Philipe Goetzmann relève qu’en l’absence de changements démographiques forts et d’innovations technologiques de rupture, il n’y a pas de raison de s’attendre à des révolutions dans la consommation.
Il est par conséquent totalement illusoire de s’attendre à la reproduction parfaite des comportements de crise et donc d’assister à un grand basculement vers ce que l’on pourrait appeler le « monde d’après ». Non, demain, nous ne serrons pas tous derrière nos fourneaux à cuisiner « maison », nous n’achèterons pas tous en drive, ne fréquenterons pas tous les circuits courts ou privilégirons encore 100% de produits « made in France ». Qui a bien pu croire à cela sincèrement ? A l’inverse, la crise nous aura fait bouder pendant un temps le vrac et aura sonné le grand retour du plastique, mais là encore, ces comportements sont propres à cette parenthèse.
Les circuits courts représentent 10% de la consommation alimentaire (FNSEA) mais ils bénéficient comme le bio ou le vegan d’une sur-exposition médiatique.
En revanche, tout s’accélère. Le monde d’avant la crise était déjà un monde en forte mutation (fragmentation de la consommation, montée du e-commerce, crise de l’hypermarché, développement du bio et du local, multiplications des petites marques, recherche de transparence…) et ces mutations vont s’accélérer, car une partie des consommateurs ont expérimenté pendant la crise de nouveaux modes de consommation.
Une partie seulement, car outre le retour à des modes de vie non contraints, entre temps, la crise économique tend plus que jamais la notion de pouvoir d’achat qui freine la part de ces mouvements vers ces nouvelles consommations plus valorisées. En cela, les sondages sur les intentions des français décrivent plutôt une forme de vouloir d’achat.
Seule inconnue à date selon moi, la variable temps. Cette crise devrait voir le développement du télétravail mais aussi la montée du chômage. Ces changements peuvent par exemple favoriser plus fortement le développement du fait-maison alors qu’à la sortie de la précédente crise de 2008, ce dernier avait quasiment disparu faisant la part belle aux offres alimentaires aux bénéfices praticité.
Finalement, on progresse donc plus par effets cliquets que par un phénomène de grand basculement. Moins bruyant mais peut-être tout aussi puissant.
Pour revoir le webinar, c’est juste en dessous et je vous recommande également un article intéressant publié dans Marie-Claire qui interview Charlotte Emlinger, économiste sur le sujet du made-in-France.