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Co-fondateur de la startup Morice en 2018, Jean-Christophe Bernard développe des recettes végétales à base de riz de Camargue et de sarrasin d’Occitanie. L’année dernière, il a aussi lancé Meelk, un lait végétal à diluer bio et sans additifs. Cet entrepreneur engagé en faveur d’une industrie agroalimentaire plus locale, qualitative d’un point de vue gustatif et nutritionnel, présente son modèle et des pistes pour mieux produire et manger demain.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de vous lancer dans la création de Morice ?
Il y a cinq ans, les produits à base de soja et de coco commençaient à arriver en force sur le marché. On a voulu apporter une nouvelle base pour des desserts végétaux. Le riz de Camargue puis le sarrasin français, cultivés non loin de Marseille où nous sommes basés, se sont imposés naturellement. Nous avons tâtonné pour produire un lait de riz, connu pour ses propriétés naturellement texturantes, et le transformer en yaourt. Rapidement, les enseignes s’y sont intéressées. Nous avons commencé à industrialiser la fabrication et, rapidement, à innover en commençant par une crème dessert au chocolat. Nous avons ensuite appliqué les mêmes principes au sarrasin. Notre objectif est vraiment d’apporter quelque chose au marché en gardant les mêmes valeurs, à savoir l’utilisation de ressources locales, du bio bien entendu, et pas d’ultratransformation. On se refuse à l’utilisation de texturants, de produits crackés, d’arômes et de colorants pour obtenir des recettes à la fois gourmandes et intéressantes d’un point de vue nutritionnel.
Dessert végétal au sarrasin occitan.
D’où vient cette philosophie de travail ?
J’évoluais auparavant chez Danone et au sein d’autres groupes fournisseurs d’industriels de l’agroalimentaire. Je vendais beaucoup de gras, de sucre, d’additifs et d’arômes sur fond de course aux bas prix. Il fallait toujours optimiser les recettes afin de faire des économies avec des produits qui venaient de très loin, des choses concentrées sans goût ni texture qui conduisaient à l’utilisation d’additifs. Je n’étais pas consommateur des produits que je vendais et, même en réseau bio, je trouvais qu’on était loin du compte avec, certes, un meilleur rapport à la terre, mais toujours beaucoup de gras et de sucre. Le fait d’avoir un enfant a aussi joué dans cette volonté de proposer des choses en cohérence avec ma façon de manger, à base de produits bruts très peu transformés. En lançant ma boîte, cela tombait sous le sens de miser sur le local ou le plus équitable possible.
Meelk, un lait végétal à diluer bio et sans additifs.
Est-ce plus compliqué de produire avec ce niveau d’exigence ?
La complexité vient du fait que nous travaillons des produits vivants. D’une parcelle à l’autre, le riz que nous utilisons n’a pas les mêmes propriétés. Cela va donner tantôt un yaourt qui se tient parfaitement, tantôt quelque chose d’un peu plus liquide, ce qui implique de faire de nombreux tests afin de trouver le ferment qui apportera une texture onctueuse. Du jour un au jour 30, mon produit n’aura donc jamais le même goût.
Selon moi, tout est mécanisable, tout est optimisable d’un point de vue industriel. Il est possible pour une grande entreprise de conserver un savoir-faire artisanal. Après, lorsque tu es coté en bourse et que tu dois aller chercher le moindre centime, la moindre optimisation, les temps d’immobilisation impliqués par une évolution en ce sens ne font généralement pas partie de la culture d’entreprise. C’est pour cela qu’on se retrouve avec des boîtes qui ont perdu leur agilité et le lien avec le consommateur. Avec Damien Merygnac, mon associé, nous passons notre temps sur le terrain, à nous alimenter de tendances, de retours clients et à communiquer sur la composition et les valeurs de nos produits.
Jean-Christophe Bernard et Damien Merygnac, son associé.
Comment expliquez-vous les problèmes actuellement rencontrées par certaines startups qui partagent votre philosophie ?
Contrairement aux apparences, la bio rencontre actuellement des difficultés. Cela s’explique selon moi par l’émergence de labels comme HVE (haute valeur environnementale) ou zéro résidu de pesticides, qui ne sont pas du tout au même niveau d’exigence mais séduisent les consommateurs. Autre constat : le peu de solidarité dans les réseaux bio, au sein desquels des voix s’élèvent contre les acteurs qui traitent avec la GMS. On ne survivra pas si on ne s’entraide pas face aux mastodontes de l’industrie agroalimentaire. Récemment, nous avons essuyé un refus d’emprunt bancaire au motif que la bio et le végétal inspireraient moins confiance. Même s’il s’agit aussi certainement de difficultés de gestion, c’est un peu révoltant d’apprendre que des boîtes engagées dans cette direction rencontrent des soucis de trésorerie. C’est pourtant l’enjeu de demain.
De votre côté, y a-t-il des nouveautés en cours de développement ?
Pour une équipe de dix personnes, nous produisons déjà énormément. Il faut déjà qu’on continue à se faire connaître, à augmenter notre niveau de distribution. Après le yaourt et le fromage, nous continuons bien sûr à travailler pour revisiter des produits laitiers du quotidien.
L’équipe de Morice à Marseille.
Pour en savoir plus : moricedesserts.com