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Article et vidéo datés de 2017
« On n’est pas dans un western », scande Bruno Parmentier dans une interview pour Thinkerview. Notre époque a en effet décidé d’enfouir le vide de la pensée dans des joutes de personnalités hystériques aux idées en carton campées derrière des postures idéologiques que le système leur impose. Face à ce désastre, nous sommes sommés de nous faire un avis au moyen d’éléments irrationnels totalement caricaturaux. On manque cruellement de vision globale. On n’apprend rien. On ne progresse plus.
Eh bien avec Bruno Parmentier, rien de tout ça !
Bruno Parmentier est ingénieur de l’École des Mines de Paris. Après avoir effectué une bonne partie de sa carrière dans la presse et l’édition, il a également dirigé l’École Supérieure d’Agriculture d’Angers (ESA) pendant plus de dix ans. Beaucoup moins médiatique que certains experts auto-proclamés hantant nos médias, il excelle pourtant dans l’art de rendre accessibles les problématiques les plus complexes comme les challenges liés à l’alimentation et à l’agriculture, ses sujets de prédilection. Désormais retraité, grâce à de nombreuses productions, celui qui se définit comme un « lanceur d’alertes » réussit à rendre ces sujets compréhensibles en nous livrant de façon pédagogique des éclairages avec une vision à la fois globale et pragmatique.
Pour débuter, présentation de Bruno Parmentier dans une courte vidéo de 1 min 40 :
L’objet de cet article est de vous présenter cette personnalité dont le discours (doté toujours d’une fine pointe d’humour) est un véritable shoot d’humanisme à travers une interview donnée à la chaîne YouTube Thinkerview en 2017. Une interview qui sort vraiment du cadre.
Suivie par près de 500 000 abonnés et réalisant de longues interviews en direct et sans aucun montage, Thinkerview est un nouveau média dont le but est de « mettre à l’épreuve les idées / discours en décelant leurs failles, leurs limites, écouter les points de vue peu médiatisés afin d’élargir nos prismes de lecture et appréhender toute la complexité des enjeux actuels et futurs de notre monde ».
Nous sommes arrivés à la fin d’un modèle qui a atteint ses limites
Dans cette vidéo d’une durée d’1 h 30 (disponible à la fin de cet article et que je vous recommande vivement de visionner) il répond à de multiples questions en rafale sur les défis que rencontre notre monde pour nourrir l’humanité.
Il dépeint le système alimentaire actuel hérité de l’après-guerre, construit autour de l’enjeu de nourrir les hommes en masse. En effet, selon lui, « on ne peut pas juger des choix fait dans les années 50 (les derniers tickets de rationnement datent de 1949 pour mémoire, ndlr) avec les perspectives actuelles ».
Le fait que la planète se réchauffe, ça rentre dans toutes les têtes sauf dans celle de Trump.
Il explique que si ce système d’agriculture intensive a permis d’atteindre en partie l’objectif initial (sur 7,4 milliards d’individus dans le monde, il reste tout de même 800 millions qui ne mangent pas à leur faim, 1 milliard qui mangent mal et 1,6 milliard qui mangent trop), il doit être aujourd’hui repensé à la lumière des nouveaux enjeux liés à la fois au réchauffement climatique et à la limitation des ressources renouvelables dont la prise de conscience nous impose à agir différemment.
Il positionne le rôle de l’agriculture comme étant central au service de la survie de l’humanité mais avec de nouveaux challenges à considérer. Pour lui, il faut avant tout améliorer la productivité de l’agriculture vivrière dans chaque partie du monde et en particulier là où se situent les prochains défis démographiques (Afrique et Asie) afin de rendre chaque zone plus autonome. Selon lui « il faut que les paysans du monde réapprennent à se nourrir ». Mais le challenge repose selon lui également sur le fait de repenser les techniques agricoles au service du vivant ou encore sur le fait d’intégrer davantage le potentiel du numérique pour développer l’agriculture de précision.
La nourriture de tous les jours devrait venir de moins de 500 km de chez soi
Interrogé sur le bio, il harponne avec réalisme certaines incohérences comme les hyper marges de la grande distribution ou encore l’asymétrie d’une offre bio venue du bout du monde. Mais la responsabilité n’incombe pas qu’aux agriculteurs, loin s’en faut. Il évoque la responsabilité immense que nous portons en tant que consommateurs et donc citoyens par nos choix au quotidien. Selon lui, nous sommes bel et bien complices des maux que nous dénonçons en refusant de faire évoluer nos comportements. Plutôt que de blâmer le système (nous sommes le système), nous devons nous demander « en quoi le monde va être meilleur grâce à moi ? ».
Comment changer concrètement son alimentation ?
Bruno Parmentier explique que manger étant avant tout un acte culturel, le levier de l’éducation est sans doute le plus puissant pour faire changer les comportements de façon durable. C’est évident.
Alors, nous devons concrètement rééquilibrer notre façon traditionnelle de nous alimenter. Selon lui, les règles sont simples : moins de viande (4 fois par semaine au maximum mais de la viande de qualité), de lait, de graisses, de sucre et de sel. Plus de céréales, de légumineuses (protéines végétales), de fruits et légumes.
L’éducation permet de faire évoluer nos comportements alimentaires
Nous devons privilégier la consommation de produits locaux. Pour la viande, bien entendu, mais aussi pour les fruits et les légumes que l’on doit consommer également de saison pour des raisons à la fois économiques, écologiques et bien entendu gustatives. Mieux manger passe enfin par accorder plus de temps à notre alimentation, une façon de mieux se nourrir en dépensant moins d’argent. Mais sommes nous vraiment prêts à cela ?! Cela interroge. Enfin, Bruno Parmentier identifie la lutte contre le gaspillage alimentaire comme un enjeu fondamental.
Le paysan a la mission d’assurer la survie de l’humanité
Constructif et positif, il appelle à repenser nos modèles d’agricultures en passant du « Plus et pas mieux avec plus » à « Plus et mieux avec moins » voir au « Moins mais mieux ». Il évoque à ce titre l’exemple de la filière vin qui a su se reconstruire en réinventant sa façon de produire. Un exemple pour la filière viande ? Il évoque avec bienveillance les initiatives de circuits courts comme les AMAP ou la Ruche qui dit Oui mais reconnaît de façon pragmatique qu’elles ne peuvent devenir la norme dans un monde accélérant sa concentration autour de très grandes métropoles.
Nous sommes donc arrivés à la fin d’un modèle.
Pour pouvoir se réinventer, nous devons arrêter d’avoir peur ou de se faire peur inutilement. Nous devons également sortir des postures traditionnelles qui nous empêchent de nous projeter comme si nous étions 100% redevables d’un monde qui n’est définitivement plus le même. Nous devons, plutôt que de blâmer, prendre conscience de notre propre responsabilité individuelle pour faire changer le monde et réfléchir à la logique de prix discountés auxquels nous nous sommes habitués à payer les choses.
En tant que citoyens, il est désormais temps de mettre en cohérence nos discours et nos actes. À travers, notre alimentation, nous avons le pouvoir d’agir et ce, trois fois par jour toute l’année. Ce pouvoir est donc immense. C’est un peu cela le message porté avec un grand humanisme par Bruno Parmentier qui assure dans son interview que « le monde est plus beau quand il est plus solidaire ». Inspirant.
Pour en savoir plus :
Bruno Parmentier est l’auteur de nombreux livres sur les enjeux alimentaires : Nourrir l’humanité, Manger tous et bien et Faim zéro. Aujourd’hui, il est conférencier, tient le blog nourrir-manger.com et possède une chaine Youtube.
Il partage également ces différents contenus via Twitter.
Retrouvez également Bruno Parmentier très prochainement dans StripFood pour une série de questions réponses sur l’alimentation et l’agriculture !