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Fondateur de la startup Zalg installée dans le Morbihan et lancée en mai 2021, Tanguy Gestin ambitionne de convaincre les consommateurs français et européens d’inscrire les algues, une ressource hautement durable, à leur menu. Dans cette perspective, cet ingénieur agroalimentaire de formation s’implique dans la structuration de l’algoculture bretonne avec comme axes stratégiques : la praticité, la gourmandise et le levier de la restauration.
Pourquoi vous être lancé sur le créneau de l’alimentation à base d’algues ?
Mon installation en Bretagne a été déterminante. Ici, les algues sont consommées depuis des années. Que ce soit dans le beurre, dans la moutarde ou en tartare. De façon globale en Europe, les algues attirent peu malgré une biomasse et un territoire maritime conséquents. Or, avec l’enjeu alimentaire de nourrir mieux en dégageant moins de carbone, elles ont un rôle à jouer. Ce sont des produits intéressants d’un point de vue nutritionnel qui ne requièrent pas de terres arables et d’intrants. Ils souffrent en revanche de freins cognitifs bien incarnés par l’invasion d’algues vertes en Bretagne. Il s’agit donc pour nous de créer de la gourmandise et de la praticité de consommation.
Comment vous y prenez-vous ?
Plutôt que de dessaler des algues ou de les réhydrater, nous proposons des produits faciles à cuisiner comportant des similitudes avec des choses existantes comme les poêlées de légumes ou le tofu. Notre première création consiste en des dés d’algues à poêler. Nous travaillons également sur l’aromatisation avec du zeste de citron ou encore la fumaison.
Jusqu’à présent, vous avez collaboré avec la restauration. Quels usages les cuisiniers font-ils de vos produits ?
Il y a les taboulés de la mer dans lesquels les chefs remplacent par exemple les poivrons par nos dés d’algues. Je pense aussi à de petits blinis garnis d’une tartinade de légumes ou aux soupes miso revisitées dans lesquels nos dés viennent jouer un rôle de condiment. Dans les plats, les chefs les utilisent souvent avec du poisson, une sauce et du riz ou bien dans des tartares de bœuf à la manière des câpres ou des cornichons. Notre plus gros marché reste la cuisine et les traiteurs végétariens qui cherchent à apporter des variations aux salades ou aux pâtes. Lors des 12 premières éditions de Top Chef, seul un plat à base d’algues avait été proposé. Au cours des deux dernières saisons, deux épreuves ont tourné autour des algues et une vingtaine de plats en comportaient.
Si la mayonnaise semble prendre du côté des chefs, comment franchir le pas jusqu’au consommateur lambda ?
Nous pensons qu’il va falloir intégrer les algues à des poêlées, des plats préparés, des salades. Il faut que les assemblages soient déjà effectués. On discute beaucoup avec des industriels en ce sens, mais il faut garder à l’esprit que les cycles de développement sont assez longs. Il faut compter six à huit mois pour développer un produit.
Quels types d’algues utilisez-vous ?
Il existe trois catégories d’algues. Les algues vertes comme la laitue de mer, les algues rouges comme la dulse qui est un peu l’algue phare des chefs avec son goût poivré et la nori. On trouve ensuite les algues brunes comme le kombu royal, le wakamé et le haricot de mer. Au total, une vingtaine d’algues sont autorisées à la consommation dont l’essentiel est ramassé. Pour des raisons de traçabilité, de quantité, de qualité et aussi de durabilité des ressources, nous travaillons uniquement avec des algues cultivées.
Ce phénomène de la culture d’algues en est vraiment à ses débuts en Europe alors que cela représente 99% de la production en Asie. Ce même continent concentre 90% des 30 millions de tonnes produites annuellement dont seulement 300 000 tonnes en Europe.
Vous êtes-vous inspiré des pratiques en Asie et notamment au Japon ?
Notre objectif est vraiment de positionner l’algue dans notre culture occidentale, de faire coïncider la présence de cette ressource avec l’existence de culture culinaires fortes. Nos produits ont été dégustés par des Coréens et des Japonais qui n’avaient jamais vu de choses semblables. Cela pourrait donc représenter un marché intéressant à l’avenir car nous apportons quelque chose de nouveau.
Quels sont vos prochains objectifs de développement ?
Continuer à proposer des innovations, poursuivre dans l’adaptation de nos produits à notre culture culinaire et le travail entrepris avec des cuisiniers. Nous travaillons aussi l’intégration d’un outil de production qui serait dédié à l’algue pour l’alimentation en Bretagne afin de donner des débouchés aux cultivateurs. Après des financements en fonds propres, de la BPI et de la Région Bretagne, une levée de fonds d’un peu plus d’un million d’euros sur un tour d’amorçage est prévue début 2023.