Temps de lecture : 3 min
Les produits végétaux ne pourront bientôt plus s’appeler « steak ». En effet, un décret paru au Journal Officiel et qui entrera en vigueur le 1er octobre 2022 va interdire l’utilisation des dénominations « steak », « lardons » ou encore « saucisse » pour les produits à base de protéines végétales. L’occasion de republier cet article daté de 2020 mais toujours d’actualité signé La Reco du Ventre pour StripFood.
Stéphane Brunerie
La réaction de HappyVore (ex – Les Nouveaux Fermiers) à la publication de ce nouveau décret.
Au XVIIe siècle, Nicolas Boileau affirmait dans son Art Poétique que « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Aujourd’hui plus que jamais le débat s’envenime au sujet de la sémantique et de la nourriture.
Encore ? Eh oui, de toute manière c’est bien un sujet qui cristallise beaucoup de tensions, que ce soit en famille ou entre amis, débouchant sur de commensales engueulades.
Les raisons de la colère ? Steaks végétaux, lait d’amande, crème de soja et compagnie, qui ne pourront plus s’appeler ainsi suite à une proposition de loi portée dans le cadre des états généraux de l’alimentation.
Le député Jean-Baptiste Moreau explique « qu’on introduit une confusion dans l’esprit du consommateur, en lui laissant penser que les produits végétaux auraient la même qualité et les mêmes propriétés nutritionnelles que les produits carnés, ce qui est faux. Chacun doit pouvoir choisir en conscience, avec la juste information ».
« Boucherie Végétarienne » de Hiltl (Ulmer)
Au niveau des inter-professions qui ont des cahiers des charges bien précis à respecter et dans un contexte de déconsommation, cela peut faire grincer des dents (et c’est bien compréhensible). Ils se battent pour éviter que des erzats puissent les remplacer sans soucis. Prenez le Lygomme par exemple. Cet ersatz de fromage, synthétique, sans lait, à base d’amidons et de gélifiants, le tout aromatisé est utilisé entre autre dans les pizzas.
Sur le fameux fromage analogue, la chronique de Arnaud Daguin « Mozzar est là !!! » est une petite pépite (NDLR) :
Alors oui les mots ont leur importance, mais une langue c’est aussi fait pour évoluer. Il est difficile de se dire que certains pourront bénéficier d’exemptions, et d’autre pas.
La twitta InsolenteVeggie (@RosaBDB12) a même fait un guide sur le sujet → Crème de marrons et lait de coco ? OK — Lait d’amande et crème de soja ? KO.
Personnellement, j’aime surtout la créativité débridée que cela a engendré dans la recherche de noms de produits : « beyond meat », « camemvert », « faux gras », « manirone ».
Pourtant c’est ce qui s’est joué en octobre au niveau du Parlement Européen, qui à la surprise générale a voté contre l’amendement proposant d’interdire dans l’UE l’usage de dénominations telles que « saucisses », « hamburger », « filets » ou « escalope » pour des produits à base de légumes ou de céréales qui ne contiennent pas de viande animale mais en imitent la texture. D’autant plus étonnant alors que l’amendement bannissant les appellations « yaourt », « fromage » ou « crème » pour les produits sans lait animal, y compris des articles non alimentaires (« gel douche au lait de soja »…) a lui été adopté à une large majorité… De là à penser que le lobby des produits laitiers est plus puissant que celui de la viande, qui sait !
Quand on y regarde de plus près, on voit surtout une focalisation sur les produits développés pour les vegans, alors que c’est la manne bien plus grande des flexitariens qui est visée. Et on ne va pas se mentir, le nerf de la guerre est vraiment là.
Pourtant ce sont 305 000 équivalents temps plein d’éleveurs face aux vegans qui représentent 0,5 % de la population selon des chiffres de 2018 . Nous sommes surtout finalement en présence de forces qui, de par leur poids culturel ou électoral d’une part, et d’autre part l’évolution grandissante des comportements et attentes de la société, trouvent un écho sans précédent.
Certains appelleront cela la dictature des minorités mais personnellement je trouve que cela permet de confronter les points de vue… quand on a la bonne idée de s’écouter.
Un exemple ? regardez Konbini Food brocarder le nouveau McPlant de McDonalds en demandant « pourquoi pas McHerbivore » tant qu’on y est ? », presque un symbole car on n’a pas vu ce type de réponse quand Burger King a annoncé son Impossible Burger. Question de vocabulaire 😉
Et si cela ne marche pas il reste l’humour.