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Cette semaine, un reportage d’Envoyé Spécial dans lequel il était sujet d’alternatives végétales à la viande m’a interpelé. L’on y apprenait que cette « fausse viande », venue tout droit de Californie et attisant les plus grands investisseurs, est en réalité un aliment ultra-transformé qui se composerait, entre autres, de soja, d’huile de palme et de multiples additifs.
En fait, en stigmatisant tour à tour les ingrédients (gluten, sucre, gras…), en opposant de façon caricaturale les régimes alimentaires entre eux (vegan, sans gluten, bio…) ou encore en promouvant une lecture chirurgicale de notre alimentation (Nutriscore, Yuka…), nous sommes entrés en réponse dans le règne d’une offre aux promesses foncièrement dissonantes.
Une sur-segmentation de l’offre à l’extrême
Ainsi, aujourd’hui, quand on fait ses courses il est tout à fait possible de trouver :
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- un produit sans sucre mais hyper gras
- un produit peu gras mais hyper sucré
- un produit sans gluten mais ultra transformé
- un produit bio mais avec un profils nutritionnel peu équilibré
- un produit transformé en France mais à partir majoritairement d’ingrédients importés
- un produit de nutriscore A mais ultra transformé
- un produit vegan mais truffés d’additifs
Pour Sophie Deram, nutritionniste, interviewée par le Nouvel Obs : « Aujourd’hui, il faudrait bannir le sucre, le gras, le lactose, le gluten, mais aussi les fruits et légumes bourrés de pesticides, et maintenant la viande… C’est de la tyrannie nutritionnelle ! En réfléchissant, notre alimentation de base a disparu et en même temps que ce discours se propage, notre anxiété face à l’aliment augmente. Il y a aujourd’hui une mondialisation de la névrose de la société face au simple fait de manger ».
Signe des temps, dans certains rayons, comme par exemple la charcuterie, il est désormais devenu compliqué de trouver un jambon cumulant différentes promesses comme sel réduit, sans antibiotiques, bio ou encore provenant de porcs français. Entre ces différentes allégations, le consommateur est prié de choisir.
Sous couvert de perfection, la fake food avance
Alors, en même temps et sous couvert de perfection, la « fake food » avance à petit pas comme l’expliquait dernièrement Le Nouvel Obs. C’est le cas de notre fameuse viande végétale, mais aussi par exemple de la marque dite de « smart food » Feed qui accumule les « sans » tel un premier de la classe et promet l’équivalent nutritionnel d’un repas complet (entrée, plat et dessert) mais sous forme de poudre. Cette apparente perfection cache en fait un aliment ultra-transformé dont on ne sait pas grand chose, notamment en ce qui concerne l’origine de ses ingrédients.
Censé rassurer un consommateur devenu inquiet et suspicieux, cette tendance à la lecture partielle et ultra segmentée de notre alimentation, nous fait oublier que manger est un acte avant tout global. La qualité d’un aliment peut se lire de différentes façons, variables elle-mêmes selon les sociétés, époques et individus et relatives aux catégories de produits dont nous n’attendons pas toujours la même chose.
Face à l’avalanche de ces allégations « sans » aux côtés des labels officiels (AOP, Label Rouge, AB…) mais également de labels crées par des associations (Bleu Blanc Coeur, sans résidus de pesticides, Pêche durable, UTZ…) pas simple de s’y retrouver pour un consommateur. Une initiative porte le projet de regrouper l’ensemble de ces engagements pour rendre comparables les produits entre autres via une note : Ferme France.
L’alimentation idéale doit procurer du plaisir, être bonne pour la santé, pour l’environnement, permettre aux agriculteurs de se nourrir, respecter le bien-être animal… C’est compliqué de tenir compte de tous ces facteurs de manière optimale. Le message important, c’est ça : on veut tous mieux manger, mais les compromis sont inévitables. Christophe Lavelle, commissaire de l’exposition «Je mange donc je suis»,
Nous devons prendre du recul et reconsidérer notre alimentation dans sa globalité. La lecture de simples allégations ne permet absolument pas de juger de la qualité globale d’un produit. Et puis, comme le souligne Christophe Lavelle, biophysicien, chercheur au CNRS et commissaire de l’exposition « Je Mange donc je suis » dans un récent article de Libération , il est aussi capital de procéder à des arbitrages.
Par ailleurs – question de bon sens – il s’avère finalement beaucoup plus pertinent de manger de vrais aliments de façon équilibrée que de privilégier des substituts artificiels d’une alimentation 2.0 capable de se faire retourner dans sa tombe notre Jean-Pierre Coffe National et son légendaire « mais c’est dla merde ».
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