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Obésité, gaspillage, aide alimentaire, fruits et légumes made in France, Politique agricole commune, soja, agriculture écologique, réchauffement climatique… Ça nous démange, d’imaginer le monde d’après, surtout qu’on a du temps pour y penser actuellement.
Il convient néanmoins d’être d’une grande prudence. En effet, on lit beaucoup d’autojustification, chacun tentant de justifier ses positions d’avant sur le thème « je vous l’avais bien dit ». Va-t-on devenir plus sages, plus prévoyants, plus solidaires, ou bien le chacun pour soi, le droit à la futilité, l’égoïsme individuel et collectif reprendra-t-il le dessus ?
Bruno Parmentier est auteur de « Nourrir l’humanité » et « Faim zéro » (Editions La Découverte), de « Manger tous et bien » (Editions du Seuil) et de « Agriculture, alimentation et réchauffement climatique » (Diffusion internet), et animateur du blog Nourrir-Manger et de la chaîne You Tube Nourrir-Manger.
Il répond chaque jour sur StripFood à une nouvelle question pour commencer à imaginer l’agriculture et l’alimentation de demain.
Aurons-nous demain un autre regard sur l’obésité, et mènerons-nous une action collective plus volontariste ?
On voit dorénavant de plus en plus clairement que ce Covid 19 est pénible pour tous, mais fréquemment mortel pour les hommes âgés et obèses (plus autres facteurs de risques fréquemment associés comme le diabète, l’hypertension ou le cancer). En effet beaucoup de personnes obèses présentent des dysfonctionnements immunitaires, un terrain inflammatoire et de la graisse dans les poumons, ce qui s’avèrent dramatiques dans ce cas.
L’obésité est une maladie des riches des pays pauvres et des pauvres des pays riches.
D’où le fait que, par exemple, aux USA, on enregistre davantage de morts chez les noirs que chez les blancs. Ils attrapent la maladie car ils sont souvent plus pauvres que les blancs, plus mal logés et plus entassés, exerçant des métiers manuels et empruntant les transports en commun. Mais ils n’en meurent pas parce qu’ils sont noirs mais parce qu’ils sont plus souvent obèses et en mauvaise santé générale. En effet l’obésité est une maladie des riches des pays pauvres et des pauvres des pays riches. Et dans ce pays de faible protection sociale, les noirs sont moins instruits, plus pauvres, plus souvent sans emploi, moins bien soignés, et donc logiquement davantage obèses et diabétiques. La maladie les frappe donc plus durement !
Il semble bien que le faible taux de mortalité observé dans les pays du sud-est asiatique comme la Corée, le Japon ou Singapour puisse aussi être corrélé avec leur plus faible taux d’obésité.
Sur le schéma ci-contre, à partir de chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé, il semble bien que le faible taux de mortalité observé dans les pays du sud-est asiatique comme la Corée, le Japon ou Singapour. (entre 2 et 4 décès par million d’habitants, contre 100 à 300 en Europe), puisse aussi être corrélé avec leur plus faible taux d’obésité (4 à 6 % de la population, contre 20 à 30 % en Europe). Lequel taux d’obésité est lui-même fortement lié à la typologie de leur alimentation (moins de laitages, de sucre, de viande, d’aliments hyper transformés, etc.). Même s’il faut toujours se méfier des conclusions hâtives.
Il est encore très tôt pour dire si la proportion d’obèses dans la population française, qui est nettement plus importante dans le Nord et dans l’Est de la France, et les banlieues parisiennes, que dans l’Ouest et le Sud, a joué sur le plus grande gravité de la crise dans ces régions, mais ce n’est pas impossible. Face cette maladie respiratoire, finalement c’est encore plus dangereux d’être obèses que fumeur, même si les poumons encrassés par la nicotine sont également d’excellentes proies pour la voracité du virus.
Or, si on ne peut pas agir sur son sexe, son âge ou la couleur de sa peau, on peut le faire, individuellement et collectivement, sur l’obésité, et on voit d’ailleurs que la prévalence de cette maladie peut aller largement du simple au triple suivant les pays.
Il n’est donc pas exclu que cette dure réalité modifie notre attitude individuelle et collective face à cette maladie de civilisation. Aux USA, par exemple, les fumeurs font l’objet d’une forte intolérance, voire d’une guerre sociale ; on les considère comme des drogués vicieux, alors que dans le même temps, l’acceptabilité sociale de l’obésité est de plus en plus forte (on considère qu’ils sont faibles et malades, donc plus à plaindre qu’à combattre). Résultat : il n’y a plus que 14 % de fumeurs, alors que 40 % des adultes sont obèses (et 52 % des noirs !). En France le rapport est inversé : 26 % de fumeurs et 17 % d’obèses. Preuve que la culture et les priorités des politiques plus ou moins volontaristes peuvent influer fortement sur la santé des gens. Rappelons, exemple parmi tant d’autres, que là-bas, les lobbys ont obtenu deux ans de délai pour mettre en application l’obligation de fournir une carafe d’eau dans les cantines scolaires (pour ne pas perdre le parrainage des fabricants de sodas).
On savait que l’obésité augmentait les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, ainsi que de plusieurs types de cancer. Maintenant on voit qu’en plus, un simple virus peut tuer en quelques jours ceux qui en souffrent.
La vision des longues colonnes de voitures attendant de pouvoir consommer à nouveau leur hamburger MacDo à la réouverture des restaurants drive de cette enseigne laisse songeur.
Il n’est donc pas exclu que les campagnes d’éducation à la nutrition, d’étiquetage obligatoire des produits (type Nutriscore), de taxation du gras et du sucre, de lutte contre la « malbouffe », de soutien aux activités physiques, etc., s’intensifient fortement après le coronavirus ! Tant il est vrai que, si je suis ce que je mange (tout ce que j’ai dans le ventre est rentré par ma bouche), on peut tout aussi bien dire que nous sommes ce que nous mangeons, car la culture culinaire et gastronomique d’un pays influe considérablement sur le tour de taille de ses habitants. Il reste en effet beaucoup de chemin à faire : la vision des longues colonnes de voitures attendant de pouvoir consommer à nouveau leur hamburger MacDo à la réouverture des restaurants drive de cette enseigne laisse songeur !