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L’acte alimentaire est un acte global. On mange, non seulement pour donner du carburant à son corps (l’alimentation est notre fuel), mais aussi pour se faire plaisir (à travers les émotions gustatives, visuelles et expérientielles) sans oublier la dimension culturelle liée à ce moment de partage qu’est la commensalité. Mais on mange de plus en plus en faisant par ailleurs des choix en accord avec notre conscience.
En matière de conscience, justement, nous n’avons clairement pas tous la même. Certains consomment en privilégiant le critère d’éthique sociale, d’autres ont une conscience plus environnementale quand certains privilégient une consommation locavore. D’autres, enfin, placent le bien-être animal en tête de leurs préoccupations.
La pression imposée par ces nouvelles consciences portées par les consommateurs les plus radicaux – qui la surexposent médiatiquement, contribuent à la transformation des offres (production, transformation, traçabilité, transparence). C’est a priori une bonne chose. Mais avons-nous collectivement vraiment toujours conscience de ce que ces nouvelles exigences impliquent ?
- Quand nous défendons poing levé la souveraineté alimentaire et des produits « made in France », nous devons prendre conscience que cela a un prix. Le prix de nos salaires, de nos conditions de travail, des exigences de qualité et de traçabilité toujours plus fortes réclamées dans le même temps à nos pouvoirs publics.
- Quand nous fustigeons l’utilisation des traitements pesticides sur les récoltes, nous devons prendre conscience de l’impact que cela a sur les rendements de nos agriculteurs, soumis à des aléas climatiques de plus en plus fréquents, et donc sur les prix – sans parler des implications esthétiques de fruits et légumes plus « moches » car moins « traités ».
- Quand nous militons pour la libération des poules en cage, nous devons prendre conscience que cela implique une transformation en profondeur des élevages du jour au lendemain pour des éleveurs ayant à peine remboursé leurs précédents investissements. Cela a donc un surcoût.
- Quand nous boudons les additifs dans nos aliments (arômes artificiels, conservateurs, colorants…), nous devons prendre conscience que cela peut impacter l’intensité des goûts et leur persistance dans le temps ou encore la praticité (conservation).
- Quand nous militons pour des vins naturels qui pour certains réussissent la prouesse de se passer complètement de conservateurs comme les sulfites, nous devons accepter en retour que les cuvées ne soient pas aussi standard que l’on en a l’habitude.
Bref, de façon générale, nos nouvelles exigences ont un coût – le coût de la valeur d’une alimentation de qualité et la plus durable possible. Mais ces exigences peuvent avoir également des implications sur la praticité, le goût, voire même l’esthétique. Sommes-nous vraiment prêts à accepter de revenir sur une certaine forme de standardisation des offres qui nous rassure ? Sommes-nous vraiment prêts pour ces changements ? Quels compromis sommes-nous vraiment prêts à accepter entre le plaisir, la santé et le prix ?
Si les nouvelles consciences font progresser le monde, elles ne doivent pas conduire à une vision jusqu’au-boutiste d’une alimentation présumée parfaite dictée par les consommateurs les plus radicaux et à laquelle seule une minorité pourrait accéder. Car il ne faudrait pas que, à la suite de ces revendications portées par une société du toujours plus, l’acte d’achat se fasse en magasin sur le simple critère du prix, faisant privilégier au consommateur des produits importés non soumis à ces mêmes exigences. Ce serait en effet un drame pour notre agriculture et notre industrie française.