Temps de lecture : 3 min
Cette semaine, nous apprenons qu’une nouvelle étude américaine met en doute l’idée selon laquelle la viande rouge serait mauvaise pour la santé (la viande rouge avait été classée « probablement cancérogène » par l’OMS en 2015).
Encore une fois, une étude chassant la précédente laisse le consommateur bien perplexe au milieu de toutes ces contre-vérités. Nous apprenions également cette semaine que « nombreux sont les internautes à partager leurs avis ou conseils en matière d’alimentation sur les réseaux. Mais les fausses informations pullulent » (Le Figaro du 22 septembre).
Nous sommes cernés aujourd’hui par des injonctions à agir ou consommer selon ce qui est supposé bon ou mauvais. People, médias, politiques, nutritionnistes, lobbies ou simples anonymes sur les réseaux sociaux, chacun y va de son florilège de prescriptions et de distribution de petites notes.
Glyphosate, viande rouge, nutrition,… tous les sujets liés à notre alimentation portent aujourd’hui à polémique. Existe t-il une vérité et le cas échéant qui la détient ? Ceux qui parlent le plus fort, les scientifiques, le big datas, les lanceurs d’alertes ? A y regarder de plus près, ce n’est pas évident de répondre à cette question.
Si on regarde par exemple du côté des applications « nutritionnelles », c’est plutôt la cacophonie. Le Nutriscore est évalué sur la base des valeurs nutritionnelles mais ne prend pas en compte la notion de transformation et les quantités exprimées pour 100g, quelque soit le produit, ne tiennent compte ni de la quantité consommée, ni de la fréquence, sans parler du profil de la personne. Or plus de 50% des aliments favorables selon le nutri-score (notes A ou B) seraient ultra-transformés selon Siga (une société qui produit un indice utilisé comme outil d’évaluation de transformation) .
Certaines applications comme Yuka prennent un scope plus large en intégrant les additifs, leur nocivité présupposée et le critère bio. Mais en revanche, elle n’intègre absolument pas les origines de productions ni celles des matières premières.
Ce que va proposer en revanche l’application « C’est qui le Patron » (qui sort le mois prochain) avec un cadre beaucoup plus large et une prise en compte également d’un critère environnemental ou encore éthique. Des applications comme ScanUp, plus complètes, intègrent déjà à la fois le nutri-score et l’indice d’ultra-transformation mais se refusent à jouer le jeu des notes : « Chez ScanUp, nous n’avons pas du tout la même vision de l’alimentation. En effet, nous pensons que l’alimentation est un sujet complexe qui ne peut pas se résumer à une seule note sans commettre des erreurs de jugement qui frôlent parfois la désinformation » (source : site internet ScanUp).
Bon, clairement, plus les critères sont nombreux et le scope élargi, plus cela devient complexe et prend du temps à décoder. Pas simple.
La semaine dernière j’assistais à une conférence (organisée par le think tank XFood) sur l’alimentation avec le sociologue Claude Fischler. Concernant la révolution alimentaire, il affirme qu’il est difficile de changer nos habitudes car elles souvent liées à notre propre culture et à nos habitudes. Parfois, l’impact de nouvelles prises de conscience ne change pas aussi vite qu’on pourrait le penser nos comportements.
Le sociologue de l’alimentation challenge donc cette injonction au changement. « Il faut changer mais sur quelles bases ? ». Aujourd’hui, plus que jamais, cela reste difficile de se faire une opinion. Les connaissances sont souvent complexes à décoder, relatives au cadrage réalisé (comme dans l’exemple des applications), parfois même fausses mais aussi relativisés par des études scientifiques aux conclusions dissonantes.
« On croyait que… »
« Maintenant on sait que… »
Mais demain ? Demain, avec encore plus de recul, on affirmera certainement encore d’autres « vérités ».
En attendant, calmons-nous un peu avec ces injonctions absolues et prenons du recul avec les marchands de vérités. Privilégions bien entendu aux croyances les données rationnelles issues de la science tout en gardant à l’esprit qu’elles ne font pas toujours l’unanimité au sein même de la communauté scientifique.
Bref, rappelons nous le fameux « mythe de la Caverne » de Platon et doutons plus que jamais en exerçant notre esprit critique, en prenant du recul et en croisant les sources d’informations sans jamais tomber non plus dans le délire paranoïaque de la tendance complotiste.