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Rejetant les pesticides, les additifs et autres composés chimiques, les consommateurs plébiscitent les produits les plus naturels et les moins transformés possibles. Sans colorant, sans conservateur, sans huile de palme, sans gluten, sans lactose … Les allégations fleurissent de partout, nous promettant une alimentation toujours plus « healthy ». Mais peux-ton vraiment vivre « sans » ? Qu’est-ce que cela implique vraiment ?
Une tendance lourde…
Il existe différentes motivations derrières cette déferlante des « sans » :
- La première répond à une tendance puissante d’envie de naturalité, de retour à des aliments simples, peu transformés, voire même bruts. On parle ici de produits « sans » colorants, conservateurs ou arômes.
- La seconde motivation répond à des attentes nutritionnelles et s’impose clairement comme une réponse à l’injonction de manger moins gras, moins salé, moins sucré. Il s’agit des produits « sans » sucre ou sucre ajouté, sans sel (ou contenant) moins de sel. Cela peut même aller jusqu’à la suppression de certaines formes de matières grasses spécifiques, comme le sans huile de palme (les raisons sont ici également de nature écologique – voir point suivant) ou le sans matières grasses hydrogénées.
- On trouve également des motivations environnementales, comme le « sans » huile de palme, accusée de favoriser la déforestation.
- Mais également des motivations davantage liées à des phénomènes de mode (si l’on ne compte pas les personnes allergiques, extrêmement minoritaires) comme le « sans » gluten.
- Enfin, et, raison grandissante, on privilégie les « sans » pour des raisons de recherche d’innocuité, comme c’est le cas avec la chasse aux additifs, considérés comme nocifs (comme dans certaines poudres à lever, agents de blanchiments contenant des nano-particules ou encore les nitrites).
… dont la suppression implique une nouvelle posture de la part des consommateurs…
En tant que consommateurs, nous devons également prendre conscience que la suppression de ces additifs ou ingrédients peut avoir des conséquences sur les produits alimentaires. Car ces composants ont de véritables fonctions.
Nous mangeons tous d’abord avec nos yeux et recherchons instinctivement de beaux produits. Nous pouvons donc maintenant prendre conscience que les plus beaux fruits et légumes ont de grandes chances d’être beaucoup plus traités que les fameux « légumes moches ». Mais aussi que le jambon cuit, une fois ouvert, ne peut rester naturellement rose et qu’il devient gris (comme un rôti de porc d’ailleurs, alors que cela nous pose beaucoup moins de problèmes). La coloration rose provient de l’ajout de sels nitrités. Même cas pour les crevettes roses qui, par un phénomène naturel d’oxydation, se parent de tâches grises, alors que les crevettes traitées aux sels nitratés restent bien roses.
Les conservateurs permettent aux aliments de rester consommables parfois plusieurs années. En tant que consommateur, acheter des produits sans conservateurs implique une moindre praticité en terme d’usage (dates de péremption plus courtes).
Et puis, nous sommes également flattés par des arômes puissants qui exaltent nos papilles. C’est traditionnellement le rôle du bon vieux bouillon cube qui, comme « par magie », relève tous nos plats. Là aussi, il est urgent d’intégrer que les goûts naturels sont souvent moins prononcés et qu’il faut les réapprendre petit à petit.
En ce qui concerne le gras et le sucre, là encore, nous devons certainement apprendre à consommer différemment. Intermarché avait lancé un concept de crèmes desserts selon un principe de cure detox. Ce qui semble certain, c’est que ce préapprentissage doit commencer dès le plus jeune âge.
… mais également des solutions de remplacement crédibles de la part des industriels.
Coté producteurs (artisans ou industriels), il semble évident que lorsque l’on retire quelque chose, il faut le remplacer (en ajoutant un autre ingrédient ou en augmentant la proportion d’un autre). Là encore, la responsabilité semble engagée.
En effet, on trouve des produits sans sucre ou allégés en sucre qui vont avoir tendance à être très gras, et vice versa. On trouve aussi des produits sans sucre au moyen d’une substitution avec des sucres artificiels comme les édulcorants. Les produits sans gluten, à l’image du pain, sont bien souvent trop riches en additifs multiples, censés compensés le moelleux apporté naturellement par le gluten.
Cette recherche de pureté diététique, tournant à l’obsession, fait de plus en plus d’adeptes. Mais paradoxalement, des produits « sans » peuvent donc se révéler pires lorsque l’on observe de près leur composition. On peut parfois substituer un ingrédient naturel par des substituts artificiels encore plus nombreux, ce qui est tout de même un comble !
Bref, le mouvement vers plus de naturalité des recettes est en marche et c’est plutôt une bonne chose ! Mais nous devons avoir conscience que des produits dont les procédés de production et de transformation sont plus simples peuvent être parfois différents de ceux que l’on a l’habitude de consommer. Nous devons aussi privilégier parfois une quantité raisonnable d’ingrédients simples et naturels plutôt que d’éliminer tous les substituts artificiels dont on ne connaît pas encore tous les impacts sur notre santé.
Tout est certainement une question de pédagogie en espérant que nous, consommateurs, y prêterons plus d’intérêt qu’aux fameux légumes moches dont le sort (au delà de l’effet médiatique) n’a pas été non plus ultra fulgurant…
Légumes moches : pourquoi la vente en supermarché a toujours été un échec (Figaro)