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Distribuée sous la marque Kignon dans 400 magasins bio, la biscuiterie Handi-Gaspi concilie anti-gaspillage et insertion de travailleurs en situation de handicap. Après son lancement au sein de l’établissement et service d’aide par le travail (ESAT) de Savenay (Loire-Atlantique), elle ambitionne d’essaimer en France et d’approvisionner la grande distribution avec ses gâteaux produits localement à base de pain et d’autres produits invendus. Entretien avec sa co-fondatrice, Katia Tardy.
Qu’est-ce qui vous a orientées, avec vos deux associées, vers l’antigaspi ?
Nous sommes issues de l’agroalimentaire. Alix est spécialisée en recherche et développement, Louise en production et moi en marketing et commercialisation. Nos expériences nous ont fait prendre conscience qu’au-delà de procédés et schémas de fabrication pas toujours vertueux dans l’industrie, le gaspillage est un fléau qui touche tous les acteurs de l’alimentation. En quête de sens, nous avons travaillé pour une association nantaise qui concilie engagement pour l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et différents projets, dont un lié à l’agroalimentaire. Nous avons alors pris conscience que les ESAT sont des structures de moins en moins sollicitées par les industriels, qui préfèrent réinternaliser leur production lorsqu’ils ne se tournent pas vers les pays de l’Est.
Quel a été le cheminement jusqu’à l’installation de votre biscuiterie au sein de l’ESAT Foyers La Soubretière en Loire-Atlantique ?
Il n’a pas été difficile de susciter la curiosité des ESAT qui sont à la recherche d’opportunités, mais il fallait transformer l’essai. Après avoir fait le tour des différents établissements du département, nous avons finalement opté pour celui de Savenay (Loire-Atlantique), ESAT public qui disposait de locaux adaptés à l’agroalimentaire et d’une équipe disponible et motivée. Après une phase de test de six mois dans un local provisoire, nous nous sommes installées en mars dernier après quelques travaux de mise aux normes.
Quelle est la relation économique entre votre société et l’ESAT ?
Nous sommes liés par un contrat de sept ans. Il s’agit d’une forme de co-traitance dans laquelle nous apportons notre matériel et notre savoir-faire, et l’ESAT ses locaux et ses équipes. Nous payons une prestation qui englobe à la fois l’aspect humain, matériel, l’énergie etc. Cette relation nous offre de la flexibilité : nous pouvons produire un jour par semaine comme toute une semaine selon la croissance des commandes et les fluctuations dans l’année. Pour une structure naissante comme la nôtre, qui ne pourrait pas assumer les coûts fixes de 30 salariés, c’est un vrai avantage.
Comment fonctionne votre approvisionnement en invendus ?
Nous avons des partenariats avec des boulangers locaux en bio qui nous vendent tous types de pain. Blanc, semi-complet, avec ou sans graines… Nous le transformons en une seule chapelure qui reste assez épaisse et apporte de la croustillance aux produits, d’où le nom de notre marque, Kignon. Au-delà du pain, nous menons des essais avec d’autres produits habituellement jetés comme la drêche (résidu de brassage des céréales pour la bière) et les tourteaux de noix, noisettes et cacahuètes. Ces fruits à coques déshuilés apporteront du goût et de la texture à nos futures recettes.
Qu’en est-il de votre rythme de développement ?
Les choses sont vraiment en train de s’accélérer. Avant l’été, nous comptions 40 points de vente. Aujourd’hui, nous sommes distribués dans 400 magasins. Aussi, nous prévoyons l’ouverture d’une seconde biscuiterie en 2023. À long terme, nous aimerions dupliquer ce modèle ailleurs en France afin d’approvisionner tout le territoire grâce à un maillage de biscuiteries locales travaillant des ingrédients locaux.
Au-delà des spécialistes de la bio, la grande distribution est un acteur clé. Nous souhaitons y développer une logique de récupération des invendus au sein des magasins, les transformer pour ensuite les revendre dans la même enseigne sous une nouvelle marque qui sera lancée en 2023. Le concept va d’abord être testé chez Leclerc à Nantes.
Globalement, quel regard portez-vous sur l’évolution de l’antigaspi dans les mentalités du secteur de l’agroalimentaire ?
La revalorisation des fruits et légumes déclassés ou invendus, souvent portée au niveau local par des associations, connaît un certain essor. Même chose pour la revalorisation de la drêche dont on entend de plus en plus parler. Du côté des industriels, il existe un vrai questionnement mais pas encore de positionnement clair. Nul doute que cela ira très vite lorsqu’ils se décideront. Ne serait-ce qu’au regard de l’accueil qui nous est réservé, on sent en tout cas qu’il existe un véritable mouvement. Reste à savoir à quel point ceux qui s’emparent de cette question agiront avec conviction ou s’inscriront dans des logiques de greenwashing. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire devrait aussi pousser les acteurs du secteur à prendre des décisions en ce sens.
Financièrement, quels sont les leviers pour assumer vos projets de développement ?
Jusqu’à présent, nous avons opté pour la méthode traditionnelle du recours aux banques. France Active, qui soutient les entrepreneurs engagés, nous a également fait bénéficier de montages spécifiques. À cela est venu s’ajouter un prêt du Réseau Entreprendre et de belles subventions consécutives à des concours remportés. La question d’une levée de fond se posera lorsque nous nous installerons dans une nouvelle région.