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Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.

Estelle Thibault est la Directrice Générale du Syndicat Général des Vignerons de la Champagne. Fille d’agriculteurs et ingénieure en agriculture, elle a forgé son expertise chez InVivo avant de prendre la direction de la SCARA, coopérative céréalière de l’Aube. Particulièrement investie sur les enjeux de durabilité, de structuration des territoires et de modèles collaboratifs, elle partage pour StripFood son regard sur le monde agricole, les signaux faibles qui façonnent l’avenir et les leviers pour faire évoluer notre alimentation.
Quel regard portes-tu sur le monde d’aujourd’hui ?
Je trouve que le monde est un peu perdu depuis le COVID, en quête de repères qu’il ne retrouvera sans doute jamais. Mais ce qui pourrait sembler anxiogène m’apparaît plutôt enthousiasmant : il y a tant à reconstruire, tant d’opportunités de repenser nos systèmes économiques, nos échanges et nos modes de consommation.
Quel est, selon toi, l’enjeu des enjeux en matière d’agriculture et d’alimentation ?
Nous devrions apprendre à penser l’agriculture sous le prisme de l’alimentation, et non l’inverse. Plutôt que d’aller de la fourche à la fourchette, il faudrait faire le chemin inverse : réfléchir d’abord à notre projet alimentaire, puis en déduire l’agriculture adaptée. C’est d’ailleurs pour cela que je crois davantage en une politique alimentaire commune en Europe qu’en la PAC actuelle.
Peux-tu nous partager un signal faible (signe avant-coureur de changements majeurs potentiel) porteur d’avenir ?
J’ai travaillé au Rwanda récemment sur la création de filières agricoles et j’ai été frappée par l’importance donnée aux questions de durabilité. Même là où les besoins sont immenses, l’enjeu environnemental est central. Cela prouve que nous avons collectivement avancé sur ces sujets, et qu’ils ne sont pas l’apanage des pays les plus développés.
Quel levier est le plus efficace pour faire évoluer nos comportements alimentaires ?
L’éducation, sans aucun doute. Une bonne santé repose sur trois piliers : bien manger, bien dormir et bouger. Il faut éduquer dès le plus jeune âge, non seulement sur la production agricole, mais aussi sur la cuisine et la consommation. Cela devrait être un vrai sujet des programmes scolaires, de manière objective et approfondie depuis la maternelle jusqu’aux études supérieures.
Quelle tendance a, selon toi, le plus d’avenir ?
Savoir allier complexité et simplicité. Accepter que les sujets sont pluriels et nécessitent des réponses diversifiées. On ne trouvera jamais une seule solution valable pour tous. Cela implique de sortir du simplisme et d’accepter une approche plus nuancée et adaptée aux différentes réalités locales.
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1 Marque ou 1 entreprise qui change la donne ?
Le Pacte Mondial Réseau France. Ce réseau porte un langage commun basé sur les objectifs de développement durable de l’ONU. Il met en avant l’intelligence collective et permet aux entreprises de se coordonner autour d’objectifs partagés.
1 Innovation particulièrement remarquable ?
Team For the Planet. Je trouve intéressante leur approche du dérèglement climatique : optimiste, engagée, sans arrogance. C’est une initiative qui cherche vraiment à mettre les acteurs en mouvement.
1 Personnalité particulièrement inspirante ?
Valérie Masson-Delmotte. Elle a le courage de porter un discours scientifique exigeant sur le réchauffement climatique, dans un environnement où ce n’est pas toujours simple, notamment en tant que femme. Sa persévérance dans l’éducation et la sensibilisation est remarquable.
